Du 11 au 22 novembre 2024, la 29e Conférence des Parties (COP29) se tient à Bakou en Azerbaïdjan. C’est Prosper Bazombanza, vice-président de la République qui est à la tête de la délégation burundaise qui participe à cette COP qualifiée de ‘’COP de la finance’’. Au Burundi, les retombées des précédentes COP ne sont pas très alléchantes d’après certains environnementalistes. Ils craignent que cela risque de se répéter.
« Le Burundi voudrait saisir cette occasion pour demander aux parties impliquées dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris de s’acquitter de leurs engagements de soutenir les pays plus exposés aux impacts du changement climatique dont le Burundi », a plaidé Prosper Bazombanza, vice-président de la république du Burundi, dans son discours, le mardi 12 novembre, à Baku, en Azerbaïdjan où se tient la COP29.
Devant un parterre de dirigeants, d’experts en environnement, de partenaires techniciens et financiers, … il a interpellé les mécanismes financiers à mettre en place des processus simplifiés permettant l’accès facile aux fonds de financement climatique. Et ce « afin que les pays les plus vulnérables puissent faire face, le plus rapidement possible, aux effets du changement climatique. »
M. Bazombanza n’a pas manqué de montrer que son pays est frappé de plein fouet par les effets du dérèglement climatique. « Le Burundi se trouve confronté aux effets du changement climatique comme les autres pays du monde. Ce qui se manifeste chez nous par de faibles précipitations, de longues saisons sèches, ou des précipitations torrentielles qui provoquent les inondations, les glissements de terrain et une forte érosion. », cite-t-il.
Face à cela, il a signalé que le Burundi s’est fermement engagé aux côtés des pays signataires de l’Accord de Paris, à travers le document des Contributions déterminées au niveau national (CDN) qui se réfère au Plan national de Développement (PND) 2018-2027.
A travers ce document, a-t-il mentionné, le gouvernement burundais vise à ce que les écosystèmes puissent s’adapter naturellement aux changements climatiques ; que la production alimentaire ne soit pas menacée d’autant plus que le secteur agricole fait vivre plus de 90% de la population et que le développement économique puisse se poursuivre d’une manière durable.
Il a précisé qu’au cours des négociations à Baku, le Burundi va prioriser l’agriculture résiliente aux changements climatiques ; la valorisation du capital humain ; la gestion intégrée des ressources en eau ; la restauration du paysage surtout les zones les plus dégradées ; la promotion des énergies renouvelables et la mise en place d’un système d’alerte précoce opérationnel.
Le Burundi à l’œuvre
« La protection des ressources en eaux à travers des programmes de protection des zones tampon des lacs et rivières et des nappes phréatiques ; la mise en place du programme de protection des ressources naturelles et le développement de l’énergie renouvelable », sont quelques-unes des actions prioritaires d’adaptation et d’atténuation selon M. Bazombanza.
Il a cité également la reforestation à travers le programme Ewe Burundi urambaye ainsi que la protection des terres contre l’érosion à travers le programme national de lutte anti érosive.
D’après M.Bazombanza, pour mieux opérationnaliser et rendre durables ces programmes, des outils de planification et de suivi ont été développés.
A titre illustratif, il a évoqué notamment la stratégie nationale sur le changement climatique et son plan d’action ; l’institutionnalisation de la journée de jeudi comme journée nationale de l’environnement ; la mise en place d’un décret portant protection des sources d’eau ; la mise en place d’une Plateforme nationale de Réduction des risques et Gestion des catastrophes ainsi que le Plan d’Action national d’adaptation.
« De plus, de vastes programmes de cours environnementaux ont été intégrés dans les programmes d’enseignement en plus des stratégies et des plans de communication de masse déjà mises en place pour sensibiliser la population à la protection de l’environnement. »
Il a également précisé que le Burundi s’aligne à la position commune des pays du continent africain (AGN) ainsi que celle des pays les moins avancés (LDC).
Sans donner plus de détails, il a ainsi dévoilé les points forts des négociations pour le Burundi. « Ce sont celles relatives à sa CDN et celles définies dans ces différentes Communications nationales en lien avec la CCNUCC, la politique et la Stratégie nationale sur les changements climatiques ainsi que d’autres documents nationaux stratégiques, lesquels sont en droite ligne avec l’agenda 2030 ainsi que la vision d’un Burundi émergent en 2040 et Burundi, pays développé en 2060. », précise-t-il.
Certains experts environnementaux ne se font pas trop d’illusions
Quoi que la délégation burundaise soit toujours présente à ces COP, des experts environnementaux déplorent que les financements ne suivent pas. « Les retombées concrètes de ces COP sur le Burundi restent limitées », commente Innocent Banirwaninzigo, environnementaliste. Les causes sont surtout internes. D’après cet environnementaliste, cela est lié à la manière dont le pays mobilise les fonds pour faire face aux effets néfastes du changement climatique.
« Le manque de préparation en amont peut limiter les résultats lors de la COP. Il faut s’interroger sur le choix des membres de la délégation burundaise. Il y a des cas où nous observons des spéculations dans leur choix. Et si les priorités nationales ne sont pas clairement définies, il devient aussi difficile de capter l’attention des bailleurs. », fait-il observer.
M. Banirwaninzigo indique en outre que des lacunes dans la capacité des négociations peuvent limiter l’efficacité de l’équipe. « Il est également possible que les financements soient conditionnés par des réformes ou des engagements de mise en œuvre. » Selon lui, le nombre limité des négociateurs est un autre handicap pour le Burundi. « Lors de ces COP, plusieurs mini-conférences sont organisées de façon parallèle. Et là, quand vous êtes une petite équipe de négociateurs, vous ratez quelques-unes et des bailleurs potentiels. », insiste-t-il.
Pour être efficace, il propose que la délégation burundaise soit renforcée en formations et impliquée dans les étapes préliminaires de ces conférences.
Pour sa part, Albert Mbonerane, ancien ministre de l’Environnement trouve qu’actuellement, la priorité est mise sur l’agriculture. Ce qui fait que les questions environnementales sont reléguées au second degré.
Pour ce qui est de la participation aux COP, pour lui, le grand problème c’est qu’il y a une autorité nationale désignée (AND) qui doit valider les projets et les envoyer au Fond Climat Vert. « Et pour analyser et traiter les projets soumis, il doit réunir des experts provenant des différents ministères, selon la nature du projet. Et il n’y a pas de budget pour les honoraires et les per diem. ».
Il indique que, par le passé, deux projets ont été soumis, sans succès. Il craint qu’actuellement, aucun projet ne soit présenté à la COP par les représentants du gouvernement.
Il fait savoir que, souvent, on envoie des personnes non préparées et pour des frais de mission. « C’est cela qui handicape le pays. Sinon, on devrait envoyer une équipe qui a pris du temps pour préparer des projets bancables. Si on n’a rien préparé, ce n’est pas sur le terrain que l’on va avoir des idées claires. Pour négocier, il faut des documents clairs. »
La COP se prépare
S’exprimant sous anonymat, un autre expert environnementaliste indique que souvent les membres de la délégation burundaise ne se connaissent même pas. « Pour d’autres pays, les membres de la délégation prennent du temps pour se connaître, organiser des réunions de préparation, concevoir des projets à soumettre, etc. Mais, j’ai entendu par exemple que lors de la COP28, il y en a qui ont reçu des appuis pour être là ne fût-ce que pour le shopping. Ils n’avaient aucune notion en rapport avec l’environnement, les négociations sur des projets climatiques. », raconte-t-il.
Il trouve qu’il doit y avoir une préparation pour mieux réussir et que le choix des membres de la délégation doit se faire objectivement. « Je ne comprends pas par exemple comment les professeurs d’universités travaillant dans le domaine des changements climatiques ne sont pas parmi les membres de la délégation. Ils ont la capacité de convaincre, d’expliquer et d’attirer l’attention des bailleurs. », fait-il observer.
Tharcisse Ndayizeye, environnementaliste et professeur d’Universités insiste aussi sur la préparation. « La délégation burundaise devait amener à Bakou des preuves qui démontrent combien le pays est vulnérable et touché. Je pense que cela a été fait. C’est en fait comme une compétition. Il faut décrire la vraie situation. », souligne-t-il. Il indique que c’est sur base des données précises qu’il faut faire des lobbyings et des négociations afin de décrocher des financements. « Est-ce qu’aujourd’hui la délégation a bien évalué les besoins réels du pays ? Est-ce qu’il y a eu des réunions de préparation pour mieux négocier ? Il faut qu’ils fassent tout pour décrocher le maximum de financements parce que le Burundi en a besoin. »
Il ajoute que la COP29 est comme un examen. « Ça se prépare. Nous sommes dans une compétition mondiale, régionale. Chaque pays montre sa vulnérabilité et ses besoins pour décrocher le maximum des financements. Avant de partir, l’équipe devait se rencontrer et fixer les points sur lesquels il faut insister ainsi que les stratégies pour drainer le maximum. Moi, je pense que les consultations ont eu lieu. »
M. Ndayizeye croit qu’ils ont reçu un mot d’ordre avant de partir. « Sinon, ce sont les retombées de cette COP qui nous montreront s’ils se sont préparés ou pas. Attendons voir ! »
Les fruits sont là mais…
Pour sa part, Delphin Kaze, écologiste, les retombées des COP sur le Burundi sont déjà là. « Il existe beaucoup de projets qu’on a déjà vus au Burundi grâce à ces conférences. Il y a des projets concernant la résilience climatique ; il y a des projets menés par les agences onusiennes de développement qui travaillent avec le gouvernement, beaucoup de projets qui ont été négociés à travers des conventions ou des mécanismes mis en place par la COP », fait-il remarquer en effet.
Il trouve que pour le Burundi, c’est une occasion en or pour la délégation burundaise de rencontrer les différents partenaires, de mobiliser d’autres partenaires mais également une occasion de présenter les avancées, l’état des lieux en matière des réalisations, des défis et des opportunités.
Il signale que pour cette année, il y a beaucoup d’avancées car « il y a une délégation de plus d’une vingtaine de personnes. Il y a également un pavillon du Burundi où il y aura des panels, des présentations pour attirer l’attention des partenaires. Je pense que ça sera une réussite. Nous encourageons la synergie naissante de la société civile, du secteur privé, des jeunes et du gouvernement. Le Burundi y est bien représenté. »
Que faire pour réussir?
« Il est essentiel que le Burundi travaille à renforcer sa communication en matière de promesses de financements décrochés lors des différentes COP. Cela aiderait les partenaires techniques et financiers à savoir où s’aligner en matière d’actions climatiques au niveau du Burundi », conseille M. Banirwaninzigo. Il plaide aussi pour garantir une meilleure transparence dans la gestion des financements, des appuis pour les actions d’atténuation et d’adaptation.
Il estime qu’il faut bien cibler les projets à présenter. Actuellement, il trouve que ces derniers devaient se focaliser sur l’atténuation et l’adaptation ; la gestion de l’eau ; l’énergie renouvelable afin de réduire la dépendance aux énergies fossiles tout en créant des emplois verts en améliorant la résilience énergétique du pays. « Selon la troisième communication nationale sur le changement climatique, le Burundi fait la reforestation à 7% tandis que la déforestation est à 9%. Il y a donc un écart de 2% », justifie-t-il.
De son côté, la protection de la ville de Bujumbura attire l’attention de M. Mbonerane. Il estime que le reboisement intensif ; l’aménagement des courbes de niveau surtout sur les collines surplombant Bujumbura ainsi que la protection des berges de tous les affluents du lac Tanganyika devait être une priorité.
« Si j’avais été à la COP, ma deuxième priorité porterait sur l’assainissement de la ville de Bujumbura en mettant en place des mesures fortes sur la gestion des déchets. » Sa troisième priorité serait le curage de la rivière Lukuga pour que les eaux du Lac Tanganyika puissent couler.
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