Depuis 1963, la Chine soutient le Burundi dans plusieurs domaines. Des infrastructures ont été construites. Plusieurs millions de dollars américains ont été débloqués. Selon les spécialistes, ces dons ne sont pas « philanthropiques. » L’Empire du Milieu vise à gagner les ressources minières, le marché d’écoulement et des contrats de construction d’infrastructures.
En moins de trois ans, deux grandes personnalités chinoises ont visité tour à tour le Burundi. En 2016, le vice-président chinois, Li Yuanchao, a atterri sur Bujumbura pour une visite de trois jours. Récemment, samedi 11 janvier 2020, Wang Yi, conseiller d’État et ministre chinois des Affaires étrangères est arrivé à Bujumbura, pour une visite d’une journée.
Ces visites indiquent que la coopération entre le Burundi et la chine se porte bien. D’après une source proche du ministère des Affaires étrangères, cette relation bilatérale ne date pas d’hier. Les deux pays ont entretenu une relation diplomatique depuis 1963. Après une décennie, ces rapports ont été consolidés par le premier accord de coopération Economique, Technique et Commercial signé le 6 juin 1972, sous la première République.
Depuis lors, le Burundi a bénéficié des crédits préférentiels, des crédits sans intérêts et des dons destinés à financer les secteurs prioritaires notamment les travaux publics, l’agriculture, l’industrie, l’éducation et la santé. « Au cours de la crise que le Burundi vient de traverser, la Chine est l’un des rares pays qui ont continué à soutenir le Burundi en exécutant les projets de développement», précise notre source.
Les secteurs de la santé et de l’éducation en priorité
Dans le domaine de l’éducation, la chine appuie le Centre de Formation artisanale de Kamenge. De 2007 à 2011, plus de 800 cadres burundais ont bénéficié de formations de courte durée.
Entre 2009 et 2016, plus de 60 étudiants burundais ont reçu des bourses d’études de longue durée. A cela s’ajoute les bourses accordées de manière privée et dans le cadre de la coopération militaire. Depuis 2009, une vingtaine d’officiers vont en Chine pour des formations variant de deux à dix mois.
En outre, l’Empire du Milieu a choisi le Burundi parmi les pays bénéficiaires d’un projet dénommé « Hope Africa Projet ». En 2011, ce projet a prévu de construire six écoles primaires dans les provinces Karuzi, Mwaro, Muramvya et Ngozi pour un financement de 1.000.000 dollars américains.
Depuis 1987, la Chine a également appuyé le secteur de la Santé. A travers le mécanisme de coopération appelé « Mission médicale », des experts chinois ont été affectés à l’hôpital Prince Régent Charles de Bujumbura, à l’hôpital de Muramvya et à l’hôpital de Gitega. Chaque équipe dispose d’un lot de médicaments chinois qu’elle gère et administre. A partir de 2011, le protocole d’accord 2012/2014 a été signé. Ledit accord régit une mission composée de 29 médecins.
Dans ce cadre, des techniciens médicaux en chirurgie, en radiographie, en gynécologie, en scanographie, en laboratoire, maintenance hospitalière ont profité des formations en Chine.
Les infrastructures ne sont pas oubliées
Dans le domaine des infrastructures, différents bâtiments, routes, écoles, hôpitaux … ont été construits par le gouvernement populaire de Chine.
En 2005, à travers l’accord de coopération économique et technique, le Burundi a reçu un crédit sans intérêt de 20 millions de yuans, soit plus de 3 millions de dollars. Cette enveloppe a été allouée à la réhabilitation de la route d’accès à la centrale hydroélectrique de Mugere.
Après deux ans, lors de la 10e session de la Commission mixte tenue à Beijing, la chine a accordé à l’Etat burundais un don de 30 millions de yuans, soit 4 021 447 dollars américains. Cette somme était destinée à la révision de la centrale hydroélectrique de Mugere.
En 2008, Ecole normale supérieure (ENS) construite avec l’aide financière de la République populaire de Chine pour un montant global de 10 millions de dollars US.
En 2011, le complexe hospitalier de Bubanza dénommé Hôpital Général de Mpanda a coûté plus de 63 millions de Yuans (plus de 10 millions de dollars) sous forme de don chinois.
En 2011, la chine a octroyé au gouvernement du Burundi 40 millions de Yuans, soit plus de 6 millions de dollars américains pour construire le bâtiment abritant actuellement les services de la présidence.
En 2013, grâce aux aides octroyées par la Chine, le Burundi a construit l’Ecole Technique Professionnelle de Kigobe. Cette infrastructure a coûté à peu près dix millions de dollars américains, soit environ seize milliards de BIF. Depuis 2005, plusieurs accords de crédit sans intérêt ont été signés.
Les spécificités de l’appui chinois au Burundi
D’après certains analystes, la coopération chinoise à deux spécificités. D’abord, les Chinois n’accordent généralement pas d’argent liquide comme aide direct ou appui budgétaire. Plutôt, ils financent beaucoup la construction des infrastructures (bâtiments publics, routes,…).
Par ailleurs, les projets financés par la République populaire de Chine sont toujours exécutés par des entreprises chinoises. Aucune entreprise locale n’a gagné un seul marché. En outre, la main-d’œuvre locale reçoit une maigre partie de l’enveloppe allouée à ces projets. Car, ces entreprises chinoises amènent une main-d’œuvre chinoise.
D’après ces analystes, les dons et les crédits sans intérêt octroyés par les Chinois ne sont pas philanthropiques. A court terme, la coopération sino- burundaise est gagnante pour les deux parties, mais, à long terme, la Chine aura une grande part.
En effet, les Chinois espèrent beaucoup en retour. Ils espèrent notamment gagner des contrats d’extraction des ressources minières.
En outre, les Chinois veulent profiter du marché burundais qui ne cesse de grandir. D’après les études, le marché africain sera bientôt le marché le plus important numériquement. Les Chinois voudraient aussi décrocher le plus de contrats de construction d’infrastructures…
Les importateurs jubilent mais….
Même si les commerçants burundais assurent faire des profits grâce aux produits importés de Chine, certains analystes nuancent. Le Burundi ne profite pas de la coopération avec cette puissance économique pour vendre ses produits. Le Burundi est plutôt un marché d’écoulement.
Depuis des décennies, les relations commerciales entre la Chine et le Burundi se sont accrues. Les importateurs burundais
ont commencé à s’intéresser aux produits du pays de Mao Zedong.
Plusieurs d’entre eux vont s’y approvisionner en toutes sortes de marchandises : chaussures, vêtements, téléphones portables, matériels électroniques, des machines-outils, etc.
Ainsi, de 2009 à 2018, la valeur des marchandises importées de la Chine n’a cessé d’augmenter. Elle est passée de 43, 5 à 183,5 milliards BIF. Dans une décennie, les ventes des produits chinois ont augmenté de 421,8 %.
Selon l’un des commerçants burundais qui importent des marchandises de Chine, cette augmentation est compréhensible. « La Chine n’offre pas des avantages aux importateurs sur les taxes des douanes. Mais, le marché chinois présente certains avantages par rapport aux autres marchés».
Cet homme d’affaires avance qu’il préfère s’approvisionner dans l’Empire du Milieu pour deux raisons principales. D’abord les produits chinois sont moins chers. Ce qui constitue un avantage concurrentiel pour lui. Le commerçant explique que leurs marchandises deviennent plus abordables par rapport à celles importées d’autres pays.
La seconde raison évoquée par cet importateur, la monnaie chinoise est stable par rapport au dollar américain et à la monnaie unique européenne. Cela signifie son cours ne varie pas. « Cela nous protège contre les pertes causées par la volatilité de la monnaie du pays fournisseur».
Cependant, il déplore que malgré ce bon marché d’approvisionnement, sa marge bénéficiaire ne cesse de chuter. Depuis 2009 jusqu’aujourd’hui, le bénéfice a été divisé par deux. Deux raisons expliquent cette baisse. D’abord, les impôts, les taxes de douanes augmentent chaque année.
Une autre raison de taille, la dépréciation de la monnaie burundaise. Ce commerçant raconte qu’il a commencé aller en Chine lorsque 100 d0llars étaient échangés à 102 mille BIF. Désormais, dit-il, 100 dollars s’achètent 290 mille BIF. Et de lancer un signal d’alerter : Si rien ne change, ce commerce risque de s’arrêter car les devises sont rares.
L’homme d’affaires estime aussi que l’engouement vers cette destination pourrait connaître un ralentissement, car les entreprises chinoises commencent à s’installer au Burundi. Elles deviennent des concurrents directs des importateurs burundais.
Le Burundi est le marché d’écoulement
Même si les commerçants burundais assurent faire des profits grâce aux produits importés de Chine, cela ne signifie pas que le Burundi profite de ce commerce. Selon les statistiques publiées par l’Isteebu, le Burundi achète plus en chine qu’il y vend. Cela s’observe dans la valeur de produits chinois vendus au Burundi comparés à ceux que le Burundi exporte en chine.
Par exemple, la valeur des importations en provenant de la Chine est passée de 45 à 183 milliards de BIF, au cours de dix dernières années. Or, l’enveloppe des produits burundais exportés vers la Chine est très petite. De 2009 à 2018, elle varie entre 490 millions et 9 milliards BIF. De ce fait, le Burundi est plutôt un marché d’écoulement des produits chinois.
D’après certains analystes, depuis les années 70, la coopération sino-burundaises s’est fortement accrue grâce notamment l’octroi de crédits préférentiels, de crédits sans intérêt, dons destinés, etc. Mais, le Burundi n’a pas su profiter du marché chinois pourtant si vaste pour écouler la production.