Dimanche 22 décembre 2024

Économie

Controverse autour de la hausse des redevances sur l’huile de palme

06/06/2024 5
Controverse autour de la hausse des redevances sur l’huile de palme
L’huile de palme risque d’être trop chère avec la nouvelle ordonnance ministérielle

Une récente décision du gouvernement burundais de revoir à la hausse les redevances des acteurs œuvrant dans le secteur de l’huile de palme suscite des inquiétudes parmi les consommateurs et les producteurs. Les consommateurs craignent une hausse des prix de l’huile tandis que les producteurs soulignent l’importance des consultations et des discussions avant de prendre de telles décisions.

Un projet d’ordonnance ministérielle portant révision de l’ordonnance ministérielle n° 710/792 du 2 octobre 2000 portant réglementation des redevances de l’Office de l’huile de palme (OHP) a été adopté au Conseil des ministres du 22 mai 2024. La motivation principale de la révision de l’ordonnance en vigueur, a déclaré le secrétaire général de l’Etat, c’est « pour se conformer à la réalité du moment en ce qui concerne le prix sur le marché et promouvoir la production industrielle afin d’avoir l’huile de palme de qualité. »

Jérôme Niyonzima a indiqué que depuis 2000, le prix de l’huile de palme sur le marché n’a cessé de grimper. Pour le gouvernement alors, les redevances perçues n’ont jamais été revues alors qu’elles devraient être évolutives en fonction des cours du marché.

Le nouveau projet d’ordonnance prévoit aussi des sanctions administratives contre l’acteur œuvrant dans la filière qui résiste au payement des redevances ou celui qui implante une unité de transformation sans autorisation préalable de l’autorité compétente.

M. Niyonzima précise que le Conseil des ministres a recommandé de fixer des tarifs réalistes et de les intégrer dans la loi budgétaire.
Les consommateurs s’attendent déjà à une nouvelle hausse du prix de l’huile de palme, un produit qui s’est distingué ces derniers temps en la matière « On dirait que le gouvernement n’a plus pitié de sa population », a commenté un acheteur au petit marché dit « Ceceni » au quartier Kinanira, de la zone urbaine de Musaga, commune urbaine de Muha, non loin du Petit séminaire de Kanyosha.

Ce consommateur se demande pourquoi le gouvernement augmente les redevances sur l’huile de palme au lieu de le faire par exemple sur les boissons alcoolisées qui menacent la santé de la population. Pour un autre consommateur rencontré au marché de Musaga, le gouvernement devrait plutôt prendre des mesures allant dans le sens de limiter la hausse des prix comme cela se fait dans d’autres pays.

Notre source estime qu’une telle mesure n’est pas opportune au moment où beaucoup de Burundais continuent de croupir dans la pauvreté. « Il faudrait plutôt revoir à la baisse les redevances pour qu’il y ait au moins un léger mieux dans la vie de la population », suggère-t-elle.
Au regard du rythme actuel de la hausse des prix au Burundi, F.F., un jeune rencontré au centre-ville, se demande à combien un litre d’huile de palme s’achètera en 2040, année où le pays veut être émergeant.

« Le dernier consommateur en paiera le prix »

« Nous avons vraiment mal accueilli le projet de cette ordonnance », a réagi Jean-Bosco Hatungimana, président de la coopérative « Tugwize amamesa » de Gatete dans la ville de Rumonge. Elle a une unité de transformation de l’huile de palme. Il explique que l’augmentation des redevances des acteurs œuvrant dans la filière de l’huile de palme fera que les prix montent davantage sur le marché.

Notre source a souligné qu’en plus de l’impôt et de la taxe communale, sa coopérative paie aussi des frais d’autorisation de transformation de 100 000 BIF chaque année. Il informe que toute unité de transformation paie 350 000 chaque année à la commune et 15 000 BIF à l’OHP sur tous les 250 l vendus. Si alors les redevances sont revues à la hausse, il indique que les transformateurs n’accepteront pas de travailler à perte. Ils seront à leur tour obligés de revoir le prix à la hausse de leur produit.

Sur l’intention du gouvernement de promouvoir la production industrielle de l’huile de palme, M. Hatungimana trouve qu’il aurait d’abord commencé par des consultations et des discussions avec les producteurs. « Nous lui aurions présenté les défis auxquels nous faisons face et il aurait vu là où il faut augmenter ou diminuer les redevances. » Il supplie le gouvernement de consulter les concernés avant de prendre des décisions. Il demande en plus que le gouvernement cherche un consensus avant de sortir l’ordonnance. « Nous pouvons donner plus d’explication. Peut-être qu’il y a des situations dont il n’est pas au courant et partant ne comprend », se dit-il.

Faustin Ndikumana, directeur national exécutif de l’ONG locale Parcem, craint que l’ordonnance risque d’augmenter la malnutrition de la population.

L’activiste et économiste rappelle que l’huile de palme est l’un des aliments couramment consommés au Burundi qui est à l’origine de la consommation des lipides pour équilibrer le corps. Néanmoins, il déplore qu’elle subisse une inflation inquiétante. « Il était à environ 4 000 BIF le litre en 2023. Mais à l’heure actuelle, il est à environ 6 000 BIF, une inflation de plus de 30 %. », indique-t-il. Or, fait remarquer M. Ndikumana, pour améliorer la qualité de la nourriture dans le pays, l’huile de palme joue un grand rôle.

Si le gouvernement décide de revoir à la hausse les redevances sur les agents de la production, il explique que le coût supplémentaire sera indexé à la consommation. Ce qui veut dire que c’est le consommateur final qui va supporter.

Il projette que très prochainement, le prix d’un litre de l’huile de palme pourra arriver à 8 000, 9 000 voire 10 000 BIF. Sur ce, il faut que le gouvernement se ressaisisse et analyse les conditions dans lesquelles les Burundais se retrouvent afin de prendre des mesures équilibrées qui n’enfoncent pas les citoyens dont les conditions de vie sont déjà précaires.

Forum des lecteurs d'Iwacu

5 réactions
  1. Miburo

    Mais ,vous croyez que le gouvernement ne voit pas tous ceux qui augmentent les prix et qui causent cet inflation ! il faut récupérer ce qu’ils volent à la population : exemple des restaurateurs….

  2. Stan Siyomana

    1. Au Burundi, monsieur le premier ministre va au parlement pour declarer que le gouvernement n’a pas de solution pour la question de manque de carburant dans le pays.
    A quelques mois des elections de 2025, est-ce que nos dirigeants se soucient des preoccupations de ce citoyen qui dit : « On dirait que le gouvernement n’a plus pitié de sa population »?
    2. Par contre au Burkina Faso, PAYS D’HOMMES ET FEMMES INTEGRES, les nouveaux dirigeants essaient de trouver des solutions aux problemes du pays et sont en train de faire une revolution verte.
    « « Nous avons lancé deux grosses opérations l’année passée, l’offensive agro-pastorale et l’initiative présidentielle pour l’auto-suffisance alimentaire. Dans ce cadre, nous avons décidé cette année d’accompagner les producteurs. Le ministère en charge de l’agriculture avait déjà commencé un processus de labour gratuit de 64 mille hectares dans toutes les régions. En plus de cela nous avons décidé d’accueillir un demi-millier de tracteurs. Pour cette saison, ces tracteurs seront utilisés pour labourer gratuitement les terres. L’objectif c’est vraiment d’accroître l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire », a indiqué le président Ibrahim Traoré… »
    https://lefaso.net/spip.php?article130060
    https://www.youtube.com/watch?v=FQgAXCpOs4k

    • Miburo

      Au burundi, la mobilisation du gouvernement est pareil, mais il y a plus de commissionnaires que de producteurs : ces premiers sont à l’origine de la hausse excessive des prix sur le marché burundais…

      • Stan Siyomana

        @Miburo
        1. C’est quand meme bien de voir qu’avec les engrais et les semences selectionnees, l’on essaie d’augmenter le rendement par hectare de champs de mais ou de riz.
        2. Je ne suis pas expert en agriculture ou en environnement, mais je me demande si l’amenagement de tout le petit marecage dans lequel je pataugeais si je voulais prendre un raccourci pour aller a l’ecole (debut des annees 1960) ne va pas avoir de graves consequences environnementales (= polution des eaux par les engrais, assechement/disparution de nos ruisseaux). J’ai toujours en tete cette image des villageois du nord de Nzega District en Tanzanie (1981/1982) qui devaient creuser dans le sable du lit d’un petit ruisseau pour pouvoir avoir de l’eau pendant la saison seche.
        3. Meme si le gouvernement burundais essaie d’assurer la securite alimentaire du pays, meme si l’agriculture est supposee jouer un role majeur dans la Vision Burundi Pays emergent en 2040, reste a voir si le Burundi met en application la « DÉCLARATION DE MALABO SUR LA CROISSANCE ET LA TRANSFORMATION ACCELÉRÉES DE L’AGRICULTURE EN AFRIQUE POUR UNE PROSPERITÉ
        PARTAGÉE ET DE MEILLEURES CONDITIONS DE VIE…
        a) respecter l’engagement que nous avons pris d’allouer au moins 10% des dépenses publiques à
        l’agriculture et d’en garantir l’efficacité et l’efficience ;… »
        https://www.comesa.int/wp-content/uploads/2020/10/Malabo-Declaration-on-Agriculture-French.pdf

    • Yan

      Ce pays donne l’air d’avoir une longueur d’avance en Afrique. Déjà Sankara avait la même intention.

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