Au moment où la plupart des anciens habitants de la zone Gasenyi, nouveau site de la Présidence de la République, se sont difficilement résolus à céder leurs propriétés, moyennant une indemnisation, d’autres dénoncent une expropriation forcée et injuste. Ils demandent au gouvernement de prendre en compte le coût actuel des parcelles urbaines. Pour l’administration, ces gens sont animés de mauvaise foi.
D’après Espérance Kana, une des descendants de Henri Kana, propriétaire d’une parcelle à Gasenyi, le projet de construction de la Présidence de la République dans cette zone de la commune Mutimbuzi, province de Bujumbura dit rural, n’a pas été le résultat d’un consensus : « Des calculs mesquins ont caractérisé le traitement de cette question. Des commissions se sont succédées mais elles n’ont pas pu arriver à un compromis », dénonce-t- elle. De plus, ajoute-t-elle, il y a une tendance à diviser les gens en leur octroyant des indemnités calculées sur base de faux critères. Pour elle, une somme de 2 500 Fbu/m2 est une injustice au vu du coût actuel des parcelles. Même cette maigre indemnité, précise-t-elle, n’a pas été versée à tous les habitants. Certaines familles, signale-t-elle, ont déjà plié bagages alors que d’autres sont encore là en signe de contestation et de résistance. A.B.souligne que ceux qui ont accepté de partir à Maramvya ont reçu de grosses sommes d’argent pour reconstruire une autre maison ailleurs : « Un de mes voisins aurait reçu plus de 55 millions alors que sa maison était construite en briques non cuites.» Des parcelles de 15/17m ont été attribuées, à Maramvya, à chaque famille sans considération du nombre d’enfants. Marcienne Ntunzwenimana, veuve de Mayondo, un ancien habitant de Gasenyi, indique que de telles parcelles sont trop petites pour une famille de 6 membres par exemple. Elle ajoute aussi que le terrain de Maramvya n’est pas approprié pour la construction : « C’est un terrain instable, toujours rempli d’eau, et partant nécessitant beaucoup d’investissements pour y ériger une maison ».
Mécontentement de toute part
Un sexagénaire, ancien habitant de ce quartier de Gasenyi où sera érigée la Présidence ne cache pas son mécontentement. Il précise que la commission chargée de gérer cette affaire n’a pas tenu compte des dimensions et du coût réel de leurs parcelles : « La commission devrait nous les acheter au même prix que celui appliqué pour un hectare en Mairie de Bujumbura. Cette localité en fait partie aujourd’hui ». Espérance Kana, tout en indiquant que leurs familles ne sont pas contre ce projet, renchérit : « Les représentants du gouvernement sont les mêmes qui signent les titres des propriétés. Ils savent bel et bien le coût des parcelles ». Elle indique que dans l’ancien code foncier ou même dans le nouveau, nulle part il est stipulé qu’une personne peut être expropriée sans indemnité valable et concertée au moment où la terre constitue la 1ère richesse d’un Burundais. Pour Marcienne Ntunzwenimana, la veuve de Mayondo, 40 hectares pour la Présidence, c’est trop. Elle redoute qu’après leurs départs, d’autres personnes ne viennent s’installer dans ces parcelles. Elle demande que le gouvernement soit clair sur cette question. Mais subitement, comme sortie de nulle part, une femme qui a voulu garder l’anonymat indique que plusieurs parcelles ont déjà trouvé d’autres acquéreurs : « Il y a des parcelles qui seraient déjà délimitées et achetées par des parlementaires et d’autres autorités là en bas de la route», indique-t-elle du doigt.
« Ils sont mal intentionnés »
Selon Sébastien Ntirampeba, président de la commission chargée d’indemniser les anciens propriétaires de parcelles dans le quartier Gasenyi, ces habitants qui ne veulent pas partir sont de mauvaise foi : « Nous avons eu des difficultés pour entrer dans les maisons afin de faire notre expertise convenablement. La collaboration n’était pas facile avec les propriétaires », se plaint-il en ajoutant avoir procédé à l’inventaire à l’extérieur. Constatant certaines irrégularités dans des dossiers après l’expertise, la commission a commandité une contre expertise : « Nous avons découvert que les maisons déclarées construites avec du ciment ne l’étaient pas. Par ailleurs, certaines personnes ont continué à construire après notre première visite. Donc, l’indemnisation prévue avant la contre expertise a obligatoirement été réduite. » Il affirme que la commission a suivi une grille de critères bien précise.