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Société

Consommateurs de drogue : Sauver ce qui reste à sauver…

30/10/2023 Commentaires fermés sur Consommateurs de drogue : Sauver ce qui reste à sauver…
Consommateurs de drogue : Sauver ce qui reste à sauver…
Philippe Havyarimana : « Si un consommateur de drogue passe au moins trois mois au centre, il recouvre une bonne santé »

Les pensionnaires du centre « Bright Future Generation » affirment que les réinsertions coûtent cher à leurs familles respectives. Les acteurs du domaine de la prévention des stupéfiants jugent que des efforts des parties prenantes sont à redoubler, le trafic et la consommation des drogues étant devenus un fléau au Burundi.

B.N., un des jeunes, a été admis au Centre d’accompagnement psychologique et de réinsertion sociale des personnes victimes d’addiction aux drogues (Bright Future Generation) sis à Nyabugete. Il vient d’y passer plus de huit mois.

Agé de 32 ans, il fait savoir qu’il a commencé à consommer de la drogue en 2012, à l’âge de 20 ans. « J’ai commencé par le cannabis, puis le tabac et enfin le boost à cause de mauvaises fréquentations. » Il regrette d’avoir gaspillé 10 ans dans la drogue.

Selon lui, ses nombreux amis, au moins une trentaine, n’ont jamais suivi un accompagnement. « Les consommateurs des drogues ne se comptent pas sur les bouts des doigts », affirme notre source. Aujourd’hui, ses sœurs payent 400 mille BIF par mois au centre pour sa prise en charge.

Cet ancien travailleur de l’entreprise « Pierre taillée d’Afrique » fait savoir qu’il avait dépensé tout son argent pour acheter de la drogue avant de perdre son emploi. « Quand j’ai commencé à prendre le boost, je me souviens, c’était un dimanche, vers 17 h. Depuis ce jour, je ne pouvais m’abstenir d’en consommer ».

Il indique avoir vendu tout ce qu’il avait pu acheter : sa radio, son lit, son matelas… « J’ai même détruit les carreaux de la maison de mes parents pour les vendre afin d’acheter le boost ». Quand il travaillait, fait-il savoir, il gagnait 11 mille BIF par jour qui étaient totalement dépensés pour acheter de la drogue.

Les consommateurs de liqueurs ne sont pas à l’abri

J.M., un jeune ingénieur, est accompagné au centre. Il y a été admis suite à la consommation des liqueurs tels que Kalibu et Kick. Il avait travaillé pour des sociétés de construction, mais s’est retrouvé dans l’incapacité de poursuivre son métier. Celui-ci vient de passer plus d’un mois audit centre.

« Je ne pouvais plus prendre les produits Brarudi, je ne voulais que du Kick, je ne pouvais pas manger. J’ai beaucoup maigri, passant de 70 à 40 kg », raconte ce jeune ingénieur diplômé au Kenya.

Outre la perte de son emploi, il assure que la dépendance à ces boissons hautement alcoolisées l’a privé de beaucoup d’opportunités :« Il y a des gens utiles que je ne pouvais pas approcher. J’ai raté des interviews d’embauche. J’avais peur de sentir mauvais lors des interviews. » Son grand regret est de voir ses anciens camarades étudiants gagner leur vie tandis que lui, depuis 2012, ne pensait qu’à acheter la liqueur Kalibu puis Kick.

Ces jeunes ont des histoires similaires. Ils se disent déterminés à ne plus prendre de la drogue et conseillent à d’autres jeunes de ne surtout pas goûter à la drogue. Et de prévenir : « Pour certaines drogues, par exemple, le boost, toucher égal jouer. »

Ils demandent au gouvernement et aux bienfaiteurs de soutenir le centre « Bright Future Generation » pour aider gratuitement les victimes. « Cela allégerait le fardeau pour les familles ».

Actuellement, 8 jeunes hommes et 2 filles sont accompagnés dans ce centre de l’ONG « Jeunesse porte-flambeau pour combattre le Sida et la drogue » qui a déjà pris en charge 275 personnes d’un âge compris entre 15 et 39 ans.

Un centre pour les plus nantis

Philippe Havyarimana, psychologue, fait savoir que les drogues couramment consommées sont l’héroïne, le cannabis, la cocaïne, les amphétamines, les inhalant et solvants, les cigarettes et les alcools.

« Ils reçoivent un accompagnement, un suivi psycho-médical, l’autonomisation et le renforcement des capacités, et un encadrement sportif. » Si un drogué passe au moins trois mois au centre, soutient-il, il recouvre une bonne santé.

Cependant, il déplore que ledit centre ne puisse pas accueillir les jeunes provenant des familles moins nanties : « Ils doivent payer, car il nous faut des moyens d’hébergement. D’où nous sollicitons un soutien du gouvernement et des bailleurs de fonds pour atteindre les plus pauvres. »

Faille dans le contrôle ?

Eric Nsengiyumva, coordinateur de BAPUD, une association des anciens consommateurs de drogues, estime que les efforts devraient être faits à l’aéroport Melchior Ndadaye pour empêcher l’entrée des drogues dans le pays. : « Il n’y a pas de chiens policiers là-bas. Il n’y a pas de contrôle électronique ou de test rapide urinaire pour des gens qui sont suspectés. »

M.Sengiyumva déplore qu’il n’y ait pas au Burundi des centres de désintoxication suffisamment adaptés pour la prise en charge des jeunes. Il observe que, dans d’autres pays, ces services sont gratuits.

Pour lui, ce genre de services devraient être subventionnés. Il reconnaît que le gouvernement s’investit dans la lutte contre la drogue, mais que les moyens lui font défaut. Il trouve que l’unité de police antidrogue devrait être davantage équipée et augmenter ses moyens de lutte.

Et de recommander des actions de sensibilisation et d’information sur les aspects de prise en charge de ceux qui sont tombés dans la consommation de la drogue par tous les acteurs. « C’est l’affaire de tout un chacun », martèle-t-il.

Dans une réunion organisée par le ministère de l’Intérieur sur la lutte contre la drogue à l’endroit des représentants des confessions religieuses et des associations, jeudi 19 octobre, Père Désiré Yamuremye, chercheur, a révélé qu’en 2020, le Burundi a été classé premier dans le trafic de stupéfiants au niveau de la Communauté est-africaine : « L’aéroport de Bujumbura était en tête de liste dans le trafic de la cocaïne dans l’EAC. » Pour ce directeur du service « Yezu Mwiza », la police doit être vigilante.

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