De notre envoyée spéciale, Elyse Ngabire
Elles sont pour la plupart en exil avec ou sans leurs familles, d’autres se battent encore au pays. Certes, les conditions de travail sont très dures mais elles gardent le courage de tenir la flamme du métier toujours allumée.
Du 29 février au 24 mars 2016, s’est tenue au Palais des Nations à Genève la 31ème Session du Conseil des droits de l’homme. En parallèle, plusieurs conférences publiques, appelées dans le jargon onusien ‘Side events’ ont été organisées.
Plus que jamais, le Burundi a été au centre des échanges. En effet, la situation que traverse le pays préoccupe l’opinion tant nationale qu’internationale.
C’est dans ce cadre que l’ONG « Bangwe et Dialogue », ainsi que d’autres organisations internationales comme le Conseil international des femmes juives, Medical Care, Mothers Legacy, Project Raddho, Rwandan Women Network Kicukiro se sont penchées sur la problématique des médias indépendants détruits, l’exil des journalistes en général et des femmes journalistes en particulier.
Mardi, 15 mars de 17h à 18h30min, les journalistes burundaises Carine Fyiroko, ancienne secrétaire de rédaction de la Radio Publique Africaine (RPA) et Elyse Ngabire, ancienne cheffe de la rubrique politique au sein du Groupe de presse Iwacu ont eu l’opportunité de parler devant des dizaines d’invités de l’engagement des femmes pour la défense du droit à la liberté d’expression au Burundi.
Mme Samoya Colette, l’initiatrice de Bangwe et Dialogue a rappelé que la crise qui secoue le pays depuis avril dernier est la conséquence des violences sanglantes, du rétrécissement de l’espace politique, médiatique, etc. : «Opposants politiques, leaders de la société civile, professionnels des médias indépendants, etc. ont été les premières victimes et la plupart ont dû quitter le pays afin de sauver leurs vies et continuer à exercer à l’extérieur du pays. »
C’est dans ce contexte, explique-t-elle, que Bangwe et ses partenaires ont voulu dédier cette table ronde aux femmes des médias qui assurent une précieuse contribution dans la défense du droit à la liberté d’expression au Burundi.
Carine Fyiroko rappellera le classement du pays en matière de liberté de la presse. Le Burundi occupe la 145ème place sur 180 selon Reporters Sans Frontières. La journaliste a retracé l’historique de la RPA depuis sa création en 2001, jusqu’à sa destruction en 2015.
D’après Mme Fyiroko, la persécution des femmes journalistes de la RPA ne date pas de la fatidique nuit du 13 au 14 mai 2015. Bien avant, Domitille Kiramvu a connu la prison en 2006, Yvette Murekasabe, ancienne directrice de la RPA-Ngozi a connu de nombreuses convocations de la justice…
Carine Fyiroko a abordé les dures conditions de travail des journalistes en général. «Des journalistes sont sous le coup de mandats d’arrêt, ils sont accusés d’avoir collaboré avec le groupe des putschistes lors du coup d’Etat avorté du 13 mai, l’accès aux sources d’information est très difficile, les gens refusent de témoigner ou de réagir au micro de peur d’être poursuivi pour leurs opinions. » Les journalistes risquent de se lasser et d’abandonner le métier presque impraticable aujourd’hui.
Toutefois, Carine Fyiroko reste confiante : « La réouverture de deux radios des cinq détruites est un bon signe. Les médias ont fait preuve de leur rôle dans la consolidation de la paix et la promotion de la démocratie. Sans médias, la démocratie est vouée à l’échec.»
L’heure de la vérité
« Gardons l’esprit professionnel où que nous soyons, quoi que l’on dise de nous », a pour sa part déclaré Elyse Ngabire, journaliste au Groupe de presse Iwacu.
Iwacu, a expliqué la journaliste, a commencé avec des moyens modestes : une équipe de huit journalistes, trois ordinateurs, un appareil photo et un véhicule pour le transport des journalistes. Aujourd’hui, le groupe de presse compte plus de 40 employés et les journalistes disposent de matériel pour le travail. Iwacu, avant la crise, était sur une bonne lancée, grâce à un don de l’Allemagne et d’un crédit obtenu auprès d’une banque kényane, KCB, Iwacu s’est doté de sa propre imprimerie.
Elyse Ngabire a par ailleurs témoigné sur la place que le Groupe de Presse accorde à la femme. Depuis sa création, des rubriques phares comme la politique, la santé, l’environnement étaient assurées par des femmes. Elle-même avant qu’elle ne s’exile en France suite aux menaces assurait la rubrique politique.
La femme journaliste d’après Elyse Ngabire n’a rien à envier aux journalistes masculins. Ainsi, comme elle a couvert les manifestations d’avril 2015 à Bujumbura: « Nous avons exercé dans des conditions difficiles, essuyé des gaz lacrymogènes, échappés de justesse à la répression de la police. »
Même si Iwacu n’a pas été détruit, comme les radios, certains de ses journalistes ont été menacés. Elyse Ngabire a dû fuir et Antoine Kaburahe, le directeur des publications, a comparu devant la justice accusé d’être impliqué dans un dossier de coup d’Etat, six mois plus tard. Jusqu’à ces dernières semaines, il était sous le coup d’un mandat d’arrêt international.
D’après Mme Ngabire, cette situation fragilise le Groupe de presse alors que la précarité de l’économie burundaise ne permet plus la rentrée des recettes publicitaires.
Malgré cette mauvaise passe que traverse Iwacu, celui-ci garde des forces : « Sa crédibilité à l’échelle nationale et internationale, le professionnalisme de ses journalistes, font d’Iwacu un groupe de presse de référence. »
« Iwacu, un journal de l’opposition » ; « les journalistes en exil, des putschistes »
Aussitôt les deux interventions terminées, tous les doigts se sont levés presqu’en même temps pour prendre la parole. Entre autres, Willy Nyamitwe, Conseiller principal à la présidence de la République chargé de l’information, de la communication.
D’emblée, il a minimisé la délégation de l’ambassade du Burundi à Genève : « N’eût-été ma présence, Bagwe et Dialogue avait organisé un monologue. » Les diplomates burundais dans la capitale helvétique apprécieront.
Willy Nyamitwe a manqué de la courtoisie élémentaire observée dans les rencontres de ce genre. Sur un ton menaçant, il a accusé en vociférant les organisateurs de lui refuser la parole.
Stupéfaction totale de l’audience. « A l’ONU, cela ne se fait pas », Ici, on lève son doigt, on vous enregistre et vous attendez votre tour. Confieront des diplomates qui ont assisté à cette scène.
La parole sera donnée aux ambassadeurs africains, représentations des missions diplomatiques accréditées à Genève, qui exprimeront leur soutien face aux médias détruits et encourageront Iwacu d’aller de l’avant dans son combat d’informer le public.
« Pour un pays qui était considéré comme un modèle de la liberté d’expression, nous sommes tombés très bas », fera remarquer Venant Wege, un Burundais établi en Suisse.
M. Nyamitwe, menaçant, a accusé Iwacu: « Qu’on le veuille ou pas, Iwacu est un journal de l’opposition et c’est son droit. » Sans fournir aucune explication à cette affirmation gratuite, il s’en prendra ensuite à Carine Fyiroko. Pourtant, Mme Fyiroko n’avait pas mentionné l’identité de ceux qui ont détruit les médias. Mais d’après Willy Nyamitwe, elle a accusé le pouvoir. Et d’affirmer que tous les journalistes en exil aujourd’hui ont collaboré à la tentative de renversement des institutions.
Paradoxalement, Willy Nyamitwe se dit très favorable à l’ouverture des médias et du même coup, accuse ceux-ci de rouler pour l’opposition. Quelle contradiction ! ont fait remarquer plusieurs observateurs. « Dans un Etat où les journalistes, les opposants, les défenseurs des droits de l’homme, la population, etc. sont presque tous en exil, qui a le droit d’y vivre ? Les hippopotames… », a lâché, dépité, un invité.
Je suis d’accord que le pouvoir opprime au Burundi et il vous faut de l’aide, mais ce n’est pas l’Europe qui doit être votre secours. Vous êtes encore très profondément endormis dans votre sommeil ignorant. Tout le monde veut se débarrasser de l’Occident, même Kagame a chassé les Belges, mais vous, votre référence c’est la Belgique. Vous êtes de quelle planète? Si vous n’aimez pas votre pays, il faut le vendre. En tout cessez de gâter le nom de l’Afrique avec votre irresponsabilité.