Le 28 avril, huit cadres du Cnl ont publié une correspondance adressée aux militants Inyankamugayo où ils dénoncent la mainmise d’Agathon Rwasa sur le parti et demandent le respect des règles du parti. A l’occasion du congrès extraordinaire du 30 avril dernier, l’ensemble des signataires furent écartés des postes qu’ils occupaient au sein du bureau politique du Cnl.
Par Alphonse Yikeze
C’est la lettre qui a jeté un pavé dans la mare. Huit anciens cadres du parti dont six députés ont, dans une missive rédigée en date du 28 avril (et rendue publique au lendemain de la tenue du congrès extraordinaire du parti), pointé un certain nombre de dysfonctionnements qu’ils disent observer au sein du parti dirigé par Agathon Rwasa.
Ces hauts cadres du parti reviennent d’abord sur la désignation des candidats députés issus de ce parti pour l’Assemblée législative de la Communauté est africaine (EALA). Pour rappel, le 14 septembre dernier, pour le compte du Cnl, c’est la députée Cathy Kezimana qui avait été approuvée par l’Assemblée nationale burundaise pour représenter le Burundi au sein de l’EALA.
La tension s’installe
Ce choix, étrangement, n’était pas du goût du président du parti CNL qui avait indiqué que la candidature de Mme Kezimana n’émanait pas de son parti : « Si sa candidature avait été proposée par le parti CNL, on ne nous aurait pas caché la liste des candidats. Cela montre qu’il y a un agenda caché ». Et d’ajouter que le parti Cnl allait interroger les lois régissant l’EALA pour faire valoir ce que de droit.
A la lecture de la lettre des huit qui formaient la fine fleur du Cnl, nous apprenons que le plus haut sommet avait dressé une liste de noms de candidats du parti pour l’EALA qui a par la suite été retoquée par l’Assemblée nationale. Les huit se disent surpris que cette liste n’ait jamais été soumise à l’approbation et au vote des organes dirigeants du parti et plus spécialement au groupe parlementaire du Cnl. Ces cadres font savoir que cet épisode a créé une mésentente entre les plus hauts responsables du parti au sein du parti Cnl qui a donné lieu à un climat malsain.
Les huit précisent, en outre, que dans une réunion tenue en date du 1er novembre 2022 par le bureau politique du parti, le leader du Cnl a fait savoir qu’il y aurait un plan de déstabilisation des organes du parti et que sa sécurité physique serait même menacée. D’après cette lettre, ces propos ont été repris dans une autre rencontre du président du Cnl tenue à l’adresse des militants du Cnl habitant la mairie de Bujumbura en date du 6 novembre. Dans les jours qui ont suivi, à la suite de messages faisant le tour des réseaux sociaux et faisant état d’une liste de cadres à l’origine de ce complot, ces cadres signataires disent avoir demandé la tenue d’une assemblée du bureau politique pour éclaircir cette situation mais qu’ils n’ont obtenu satisfaction.
Le spectre de la nyakurisation
Deux commissions initiées respectivement par le secrétaire général du parti, Simon Bizimungu et le président du parti, ont été mises en place pour apporter la lumière sur cette situation. Selon les huit, ces deux commissions n’auraient jamais communiqué sur les conclusions de leur enquête. Aux dates des 15 et 16 avril, à l’occasion d’une tournée dans les nouvelles provinces découlant de la récente refonte administrative, le président du Cnl aurait, selon ces cadres, avancé que le plan de déstabilisation du parti est toujours à l’ordre du jour et qu’il viserait à terme la création d’un Cnl Nyakuri.
Cette situation a duré jusqu’à la tenue du congrès extraordinaire du 30 avril dernier (qui a consacré le maintien d’Agathon Rwasa à la tête du Cnl) où aucun des huit hauts cadres n’a été reconduit à son poste. Ce jour-là, dans son discours de clôture, Agathon Rwasa avait évoqué « des militants du parti qui ont voulu enfumer les Inyankamugayo et qui avaient pris l’habitude de s’absenter aux activités du parti sans aviser personne ». De leur côté, ces anciens responsables défendent au contraire que l’accès à un certain nombre de réunions du parti leur était désormais interdit. Certains d’entre eux, joints par Iwacu, disent n’avoir jamais voulu créé d’aile dissidente et soulignent qu’à la suite du congrès extraordinaire du 30 avril dont ils disent rejeter les conclusions (pour non-respect des statuts du parti), aucune de leurs doléances n’ont été prises en compte. « Nous demandons juste qu’il y ait respect des règles du parti, sans cela nous allons recourir aux organes habilités pour les faire respecter ». Et de conclure que le parti Cnl n’appartient à personne et qu’il est le résultat des apports de tous les militants Inyankamugayo.
Joint au téléphone, le président du Cnl a dit ne pas vouloir s’exprimer sur ce sujet et nous a renvoyé vers « ses porte-paroles ». Contacté, le secrétaire exécutif du parti, Simon Bizimungu nous a dirigé vers le nouveau porte-parole du parti, Providence Ntirabampa qui nous a répondu de manière surprenante : « Je suis nouveau à ce poste et il me faut d’abord parler avec le secrétaire exécutif pour qu’on détermine comment procéder pour vous répondre. Dès que c’est fait, je vous recontacterai. » Nous l’avons recontacté plus tard pour nous entendre dire qu’il n’avait pas encore eu le feed-back du secrétaire exécutif.
Le ministère de l’Intérieur s’en mêle
Dans une correspondance du 18 février, le ministre de l’Intérieur, Martin Niteretse, avait décidé de suspendre la célébration du 4ème anniversaire du parti CNL d’Agathon Rwasa et les échanges de vœux pour l’année 2023, initialement prévus le lendemain 19 février 2023.
Selon le ministre Martin Niteretse, cette mesure avait été prise pour prévenir tout risque d’affrontements sur les lieux des cérémonies et sur les itinéraires des participants conviés à ces festivités.
En effet, a-t-il souligné, dans l’entretien du 15 février avec le président du parti CNL, Agathon Rwasa, ils s’étaient convenus que ce dernier allait rencontrer les membres du bureau politique accusés de comploter contre les organes en place. Dans sa correspondance, le ministre Niteretse a signalé qu’il devait être informé des résultats de cet entretien.
« Jusqu’à ce jour, vous ne m’avez pas contacté. Ce qui me pousse à croire que vous n’avez pas pu trouver de solutions idoines à cette crise », a-t-il conclu dans sa correspondance.
Il avait enfin demandé à tous les gouverneurs, au maire de la ville de Bujumbura et à l’inspecteur général de la police de faire respecter cette mesure.
Dans un communiqué rendu public samedi 18 février, le parti CNL avait fait savoir que les membres de l’organe suprême du parti s’étaient réunis du 17 au 18 février 2023 à la permanence nationale de ce parti afin de passer en revue la question du climat malsain rapporté au sein du parti.
Après avoir analysé ce qui s’est dit sur les uns et les autres, a poursuit ce communiqué, la conclusion a été que ce n’était que quelques soucis internes mineurs, une occasion de se comprendre et de se demander pardon pour les manquements des uns et des autres.
Selon ce communiqué du parti CNL, les membres de l’organe suprême du parti avaient convenu d’une feuille de route pour traiter en profondeur les causes qui ont été à la base des mésententes pour que les militants et leurs leaders restent soudés.
Dans ce même communiqué, les membres de l’organe de direction du CNL avaient appelé tous les militants à rester unis et solidaires.
Des pontes éjectés du navire dirigeant
Ils sont en tout huit les signataires de la lettre du 28 avril adressée aux militants du Cnl. Il s’agit du député Térence Manirambona, ex-secrétaire à la communication ; la députée Immaculée Ntacobakimvuna qui était en charge de la promotion féminine ; Félix Mpozerihiga qui était conseiller à la présidence du Cnl ; le député Zénon Bigirimana qui était président de la Région Kirimiro-Mugamba ; le député Léopold Hakizimana, ex-conseiller au secrétaire général ; la députée Pelate Niyonkuru qui était en charge des finances et des projets au sein du parti ; Nestor Girukwishaka, ex-secrétaire national à la diplomatie et le député Bernard Ndayisenga qui était secrétaire à la sécurité nationale.
Eclairage/ Guillaume Ndayikengurutse : « Ces cadres ont surestimé leur poids au sein du parti »
Le politologue et enseignant à l’université estime que l’important pour Agathon Rwasa, c’est son assise populaire plutôt que les relations qu’il entretient avec les hauts cadres de son parti.
Avez-vous été surpris par la lettre du 28 avril dernier signée par plusieurs cadres du Cnl qui dénoncent un certain nombre de dysfonctionnements au sein de ce parti ?
Il n’y a pas de surprise parce que le Cnl est non pas un parti d’élites mais un parti des masses. C’est un aspect important et pertinent pour la situation actuelle du Cnl. Ceci pour dire que ces cadres du Cnl n’ont pas réellement pris en compte la nature de leur parti. C’est un parti qui compte beaucoup plus sur les masses que sur la capacité des élites à travailler sur la gestion managériale d’un parti politique.
Du coup, j’ai l’impression que ces cadres ont surestimé leur poids au sein du parti qui est beaucoup plus fondé sur la popularité de son leader que sur d’autres cadres. Que ces cadres dénoncent les dysfonctionnements qui existent au sein du parti, c’est tout à fait normal mais ils doivent se rendre compte que la façon dont ce parti est géré au plus haut sommet n’est pas déterminante pour la vie de ce parti. C’est comme cela que fonctionnent les partis de masses et son leader est conscient que ce qui est important pour lui, c’est son assise populaire plutôt que les relations qu’il entretient avec les haut cadres de son parti.
Des cadres qui, par ailleurs, au regard de l’historique de ce parti, ont eu des rôles à jouer, notamment au niveau des finances, au niveau de l’élaboration d’une idéologie qui cadre avec le contexte politique actuel, mais qui ne sont pas à l’origine de ce parti dont il ne faut oublier qu’il est issu d’un mouvement rebelle. La littérature académique revient beaucoup plus sur les capacités de ces partis anciens mouvements rebelles à devenir des partis civils, gérés de manière civile.
Je pense qu’il s’agit d’un problème auquel fait face également le Cnl. C’est-à-dire que ces cadres qui se sont indignés parlent beaucoup plus du manque de dialogue, de consultation, de débat contradictoire et de compromis, des pratiques qui sont toujours de mise dans des partis qui sont d’anciens mouvements combattants. Quelque part, il y a donc une lecture qui est faite par les cadres de ce parti qui est en décalage avec les réalités internes de ce parti.
Comment le Cnl en est-il venu à n’être incarné que par Agathon Rwasa ?
Ce n’est pas propre à ce parti. C’est un problème pour la plupart des institutions de notre pays, tant politiques que sociales. Le Cnl, comme tant d’autres partis, sont devenus personnalisés. Des partis qui se montrent inaptes à transcender la personnalité de leurs leaders. Pour le cas du Cnl, Agathon Rwasa existe en amont et en aval de l’existence de ce parti. Si bien qu’aujourd’hui, au sein du Cnl, Agathon Rwasa est devenu la personnalité la plus connue et ces cadres doivent se rendre compte que bien qu’ils aient apporté des contributions assez larges pour faire du parti ce qu’il est aujourd’hui, celles-ci restent à l’ombre de la personnalité du leader en chef de ce parti. Et celui-ci le sait très bien, lui qui sait mettre à profit son rôle de figure emblématique.
Est-ce une situation désirable ?
Non, ça ne l’est pas. Parce que pour qu’on puisse avoir un parti politique fort et capable de jouer son rôle, normalement, on doit aller au-delà des personnes qui ont une existence limitée. Mais, aujourd’hui, il faut se rendre à l’évidence que c’est son leader qui est au centre de l’existence du parti et que les autres cadres, d’une manière réaliste, surfent sur la personnalité de ce leader qui exploite sa popularité et son rôle central au sein de ce parti.
En outre, il faut noter que ces cadres qui s’expriment ont eu à occuper des postes à responsabilité au sein du parti et ont obtenu des mandats publics grâce au Cnl. Du coup, il est difficile de distinguer l’acte qu’ils posent à l’égard de ce parti de la crainte qu’ils ont par rapport à leur avenir politique. La crainte de se voir demain ou après-demain mis à l’écart sur les listes électorales est un élément qu’il ne faut pas négliger pour saisir cette démarche. Un autre élément qu’il faut prendre en compte c’est que le Cnl a connu plusieurs scissions au cours de son évolution. Il y a ainsi une paranoïa permanente par rapport à la volonté du pouvoir de le diviser que ce soit vrai ou pas d’ailleurs. Cependant, force est de reconnaître que ces scissions n’ont pas écorné la popularité de ce parti. De l’autre côté, il faut voir si du côté de ces cadres, la crainte pour leur avenir politique ne les a pas poussés à adopter des comportements de nature à rapprocher trop le Cnl du pouvoir. Ces deux éléments combinés devraient normalement pousser les uns et les autres à adopter une attitude beaucoup plus rationnelle parce que, de toutes les façons, ils seront beaucoup plus forts que séparés. Ils ont intérêt à trouver un terrain d’entente.
A la lumière de tout ça, on est amené à se demander si ce parti est à mesure d’assumer son rôle de parti politique d’opposition. Aujourd’hui, ces différentes scissions font douter de la capacité de ce parti à assumer ce rôle et au final, c’est le pluralisme et la démocratie qui s’en trouvent mis à mal.
A la suite du congrès extraordinaire du Cnl tenu ce samedi, ces cadres ont-ils toujours une chance de se faire entendre ?
Tout dépendra de la voie que vont emprunter ces cadres et le président du parti dans sa manière ce qui s’avère être une crise interne. Tout compte fait, ils ont intérêt à se rassembler. Enfin, toute velléité de scission ne fera qu’affaiblir le Cnl à la veille des élections.
L opposition au Burundi
Dans ce domaine, ici aussi le Burundi déroge aux habitudes politiques habituelles
Les députés de l opposition ont une attitude plus que bizarre. Lors des débats, quand il peuvent poser des questions, on ne les entends pas. Aucune interpellation dans les discussions budgétaires, dans les nominations a des postes importants. sur les discussions a propos de la BRB, avec le FMI.
Aucune question posée
Vous devez être le seul pays gérer de cette manière.
Est ce dû à la méconnaissance des matières traitées ?
Le désintérêt de la chose publique
Ou alors un copinage qui ne donne pas son nom
Vraiment bizarre……