La énième mise en garde adressée à Iwacu par le Conseil National de la Communication pour non-respect du principe de l’équilibre de l’information est tombée comme un couperet.
Je suis resté sans voix. L’équilibre de l’info, c’est notre ADN, fondamental, c’est une des premières règles, le premier commandement pour tout journaliste digne de ce nom.
Après 23 ans de métier dans divers médias, dont neuf au service, non pas d’Iwacu mais de ma patrie, je me pose des questions. Je m’interroge que tout le travail abattu par Iwacu depuis 10 ans, soit aujourd’hui sous le feu d’une critique sévère du CNC.
Etre journaliste au Burundi est un sacerdoce. Je me suis attelé avec tous mes confrères et consœurs à faire entendre l’autre son de cloche, l’autre voix étouffée que certains ne veulent pas entendre. L’autre face souvent cachée de la réalité. L’autre version des faits, qui quelquefois heurte forcément certaines sensibilités.
Avons-nous vraiment mal fait si nous avons pris le risque de faire ce choix ? Avons-nous, à Iwacu, commis l’irréparable en osant approcher telle victime d’une injustice ou telle autorité pour le mettre devant ses responsabilités ? Nous ne sommes pas vraiment dans notre rôle ?
Avons-nous commis un crime ou une faute professionnelle grave en tendant le micro à des personnes mises en cause, fussent-elles considérées comme «opposants»?
Il n’y a pas longtemps, en mars 2001, j’étais rédacteur en chef à la défunte Bonesha FM qui tente de renaître de ses cendres. J’ai été incarcéré par les Services des renseignements de l’époque pour avoir donné le micro aux rebelles, les fameux TTG, les « tribalo-terroristes génocidaires». Des gens se moquaient de notre jingle : «Bonesha FM, Bonesha ! ». Ils la transformaient en «Bonesha Fnl, Bonesha ! Ou en Bonesha Fdd, Bonesha !»
Voilà qu’aujourd’hui, Iwacu, mon média, est presque accusé d’être au service de je ne sais quelle force, d’avoir un «labo». L’histoire est toujours un éternel recommencement…
Et pourtant, hier comme aujourd’hui, l’esprit et mes valeurs sont toujours les mêmes. Quelques vertus que je professe et qui nous guident chez Iwacu : douter, bannir la malveillance, la précipitation, la simplification, le suivisme, la pensée unique, le sensationnalisme, la connivence, le cynisme. Nous essayons de vivre ces principes.
Nous voulons être des piliers de la démocratie, des traits d’union, des bâtisseurs de ponts, des porte-parole des opprimés, des laissés pour compte. Notre combat est citoyen.
J’ai rencontré le président du CNC ce jeudi. Je me confesse, j’avoue que je suis parti triste, attristé par l’attitude envers Iwacu.
Le journalisme que nous aimons et que nous voulons est noble. Nous donnons la parole à tout le monde pour informer les citoyens. C’est un droit garanti par la Constitution du Burundi.
C’est ainsi que nous bâtirons une Nation réconciliée avec elle-même, respectueuse des droits de l’homme où chaque citoyen peut s’exprimer. Même pour exprimer son opposition.