Dans un pays déjà meurtri par des divisions ethniques, les conditions de vie difficiles sont propices aux discours ethnicisants. Des gens en difficulté trouvent des boucs-émissaires. Pour Acher Niyonizigiye, expert en leadership et enseignant d’université, il faut plutôt trouver des solutions qui s’imposent.
Dans un contexte post-conflit, y a-t-il un lien entre les conditions de précarité et la résurgence des messages ethnicisants?
Dans un pays qui a été meurtri par des divisions ethniques, c’est très simple de chercher la réponse dans ce qui s’est passé dans l’histoire pour identifier un groupe qu’il faut accuser et blâmer. À partir de là, des discours ethnicisants trouvent place dans la communauté.
L’être humain a toujours tendance à se défausser sur les autres pour trouver un bouc-émissaire afin de justifier sa situation. C’est l’une des raisons qui explique la résurgence de ce genre des messages quand il y a des défis causés par la précarité.
Et pour les leaders ?
La deuxième raison, c’est lorsque les leaders veulent détourner l’attention des vrais problèmes du moment afin de conduire les gens à chercher la cause ailleurs. Les événements du passé contribuent aux difficiles conditions de vie, mais il y a des causes du présent qui entrent en jeu. Or, pour un leader, quand les gens se focalisent sur les causes du moment, il y a cette décrédibilisation pour le leader. C’est la raison de ce renvoi au passé pour justifier leur inaction. Ils veulent échapper à l’analyse critique.
Dans de bonnes conditions, les gens n’usent pas ou ne sont pas victimes des discours ethnicisants?
Si vous vivez dans de bonnes conditions, votre attention est portée vers l’avenir. Vous avez des projets à réaliser. Et vous voyez quoi faire pour les mettre en application. Vous avez des enfants qu’il faut éduquer. Vous êtes concentrés sur cela. Et cela vous donne la force mentale pour résister plus facilement aux discours ethnicisants.
Les opportunités sont partagées, si les conditions de vie sont communes entre différents groupes ethniques. On a tendance à voir l’autre comme un ami, un partenaire, un collègue. Cela renforce l’unité entre les groupes sociaux.
Et si la précarité persiste, est-il possible de lutter contre ces messages divisionnistes ?
C’est difficile, mais possible. Les discours ethnicisants sont devenus une réponse automatique aux problèmes du présent. Des gens perdent le sens de l’analyse critique et de l’autocritique. Pour inverser la tendance, il faut concentrer beaucoup d’efforts sur l’imagination d’une meilleure vie et sur la recherche des voies et moyens pour sortir de la misère. Plus ils se concentrent sur cela, moins ils auront le temps de penser aux divisions ethniques. Tous les groupes ethniques confondus doivent travailler pour trouver des solutions. Les jeunes générations doivent imaginer des stratégies pour un avenir meilleur pour ne pas rester prisonniers du passé. S’ils sont unis, ils vont résister à toute tentative de division et de manipulation. La jeunesse peut inciter les leaders à apporter des réponses objectives pour améliorer leurs modes de vie.
De leur côté, les leaders doivent assumer leurs responsabilités et trouver des solutions. C’est à eux de mettre le peuple sur le bon chemin pour accomplir leurs rêves.
Propos recueillis par Jérémie Misago
1. Vous écrivez:« À partir de là, des discours ethnicisants trouvent place dans la communauté… »
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S’adressant au #Fearless2017 Summit (organisé à Accra, Ghana par Pathway to Haven International Church), le juriste kényan Prof. Patrick Loch Otieno (PLO) Lumumba a dit que c’est pénible quand on lui dit de voter pour un individu tout simplement parce qu’il est issu du même groupe éthnique: POURQUOI SUIS-JE ALLE A L’ECOLE?
« One of the things that I find painful is for anybody to tell me to vote an individual because it’s from my ethnic group. HE IS THE GREATEST INSULT. WHY DID I GO TO SCHOOL?… »
https://www.youtube.com/watch?v=9j3_ie5UAHs
Rappelons que PLO Lumumba a même un PhD de l’Universiteit Gent (de Belgique).
1. Vous écrivez:« Les opportunités sont partagées, si les conditions de vie sont communes entre différents groupes ethniques. On a tendance à voir l’autre comme un ami, un partenaire, un collègue. Cela renforce l’unité entre les groupes sociaux… »
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Ce qui est écrit plus haut semble s’accorder avec le commentaire qu’une certaine Valérie Orlik a fait sur le discours du président français Emmanuel Macron à l’Assemblée Générale des Nations Unies:
« Valérie orlik
Nous sommes maîtres de nos existences à travers le monde de nos différences qui font notre richesse et notre ouvrage de paix mondiale. A nous d’oeuvrer en ce sens ou nous détruire par implosion d’absence d’humanité. »
https://www.youtube.com/watch?v=93OL4qVEd0o
1. Vous écrivez:« Pour inverser la tendance, il faut concentrer beaucoup d’efforts sur l’imagination d’une meilleure vie et sur la recherche des voies et moyens pour sortir de la misère… »
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Nous devrions nous demander comment certains réfugiés étrangers peuvent arriver au Burundi sans aucun bien matériel, et parviennent en suite à se débrouiller dans la vie (miex que la plupart des burundais).