Le processus de recherche de la vérité et la réconciliation exige la neutralité et un discours rassembleur. Pour l’historien et enseignant d’universités Donatien Ndikuriyo, la concurrence mémorielle met en cause les efforts de réconciliation.
Quel est le discours adéquat dans le processus de recherche de la vérité et de la réconciliation ?
C’est un processus qui nécessite de privilégier un discours permettant un rapprochement entre différentes catégories. Seule la reconnaissance des souffrances des autres permet de bâtir une société juste. Il faut donc éviter un langage qui suscite un ressentiment ou des incompréhensions. Eviter de minimiser voire nier les crimes ou les souffrances endurées par autrui.
Quid du rôle des officiels dans le processus?
Ils sont appelés à être neutres pour rassembler toute la population dans ce processus de la vérité. Il s’avère indispensable d’éviter la manipulation et l’instrumentalisation de la mémoire. Leur attitude fait que le processus de recherche de vérité et de la réconciliation soit une réussite ou un échec.
Pourquoi y a-t-il concurrence de mémoire ?
La concurrence mémorielle est un phénomène qui s’observe dans des sociétés ayant connu des massacres dus aux violences de masse. Elle consiste à décréter que notre groupe est bon tandis que les individus de l’autre groupe sont considérés comme mauvais. Et partant, il faut rejeter les responsabilités sur ces derniers. Cette concurrence mémorielle peut être favorisée par un pouvoir qui facilite l’un ou l’autre groupe, selon les massacres à commémorer. C’est possible aussi par des groupes sociaux en manque de reconnaissance.
Quelle est la conséquence de cette concurrence mémorielle sur le processus de réconciliation ?
Dans ces conditions, il est très difficile pour ne pas dire impossible d’arriver à la vérité et la réconciliation. Cette concurrence mémorielle entraîne des tensions qui peuvent naître entre différentes catégories. Il faut plutôt se mettre ensemble pour essayer de comprendre le passé. C’est difficile, mais possible d’avoir une mémoire collective.
Quel devrait être le rôle des associations de victimes dans la réussite du processus de réconciliation ?
Elles militent pour la perpétuation du devoir de mémoire en organisant des activités pour réunir différents groupes. Quand elles tiennent des discours pacifistes et rassembleurs, on peut arriver à une cohésion sociale. Elles peuvent enseigner à la population à pardonner et demander pardon pour les crimes commis. Cela guérit des mémoires et incite à la réconciliation.
Propos recueillis par Jérémie Misago