Depuis des décennies, des messages de haine ont été proférés. Des violences de masse s’en sont suivies. La campagne électorale de 2020 approche. Coup de projecteur sur les messages de haine avec Aloys Batungwanayo, membre de la Commission vérité réconciliation (CVR).
Que peut-on comprendre par message de la haine ?
Un message/discours de haine le plus souvent sous le terme anglophone «hate speech », désigne un type de discours qui attaque une personne ou un groupe de personnes sur la base de caractéristiques diverses (races, âge, sexe, tribu, ethnie, clans, religion, etc.). Il vise à intimider, à inciter à la violence ou aux préjugés/stéréotypes contre une personne ou un groupe de personnes.
Sous quelles catégories se présentent les messages de haine ?
Les messages de haine se transmettent soit par écrit, à l’oral ou par des signes.
Au Burundi, en 2015, il y a eu une expression que certains membres du CNDD-FDD ont utilisée. Il s’agit du terme « Kumesa », lessiver. Quelqu’un qui te voie et mime le lavage des mains. C’est un message de haine car on ne lave pas une personne. Cela montre qu’on vous a chosifié. Dans la grande crise de 1993, on demandait une carte nationale d’identité. Certains membres de la communauté tutsie touchaient leur nez avec le pouce. Ce qui montrait que leur carte est le nez pointu à l’opposé du nez épaté. Pour le cas contraire les autres se sentaient visés. Voilà des exemples de signes.
A l’oral, nous constatons que quelques familles donnent des noms à leurs enfants comme « Baratumaze » (on nous a exterminés). Si on m’appelle ainsi, quelle sera mon attitude ? Je me mets donc sur la défensive et au moment opportun, je vais attaquer.
Par écrit, on a souvent vu où une personne dessinée dont la tête appartient à l’homme mais le tronc est similaire au chien. C’est donc la déshumanisation.
En quoi consiste la déshumanisation ?
La déshumanisation est le faite d’ôter la dignité humaine à l’individu. Un groupe nie l’humanité de l’autre. Les membres de celui-ci sont assimilés à des animaux. Il s’agit notamment de la vermine, des insectes, charognards des maladies etc. La déshumanisation de l’homme permet de surmonter la répulsion normale contre le fait d’assassiner. Ils diront nous tuons un chien, un serpent. En 1972, on parlait des « Abamenja », traitres. En 1993, c’était des « Iboro». S’il fallait passer à l’acte, ils ne le regrettaient pas.
Comment peut-on les détecter ?
Selon le contexte du milieu, la culture et la signification des mots, il se détecte par la personne envers qui le message est adressé. Un groupe ou celui qui lance un message ne le considère pas comme message de haine. Une blague peut devenir une insulte pour le groupe indexé. En 2015, un terme « Mujeri » est utilisé, ce sont les opposants qui sont concernés. Mais, pour son auteur, ce n’était qu’une blague.
Pour faire face au message de haine, il faut engager un dialogue. Que les personnes indexées approchent les auteurs du message pour leur dire, nous ne sommes pas contents. Lui dire que les messages qu’il lance sont déshonorants. Et l’auteur pourra se poser la question, pourquoi je frustre les autres.
En plus, le rôle des témoins actifs est important pour envoyer un message de désapprobation aux auteurs des messages de haine. Donc avoir le courage moral (volonté et habileté d’agir selon les valeurs humaines).
Il nous faut prendre garde car les messages de haine aboutissent aux violences de masse.
Propos recueillis par Jérémie Misago