Au lendemain du remaniement ministériel qui est loin d’avoir arrêté de faire couler encre et salive, il convient de s’interroger sur une évidence troublante : la communication derrière certains décrets limogeant ou nommant les membres du gouvernement au Burundi. En 2009, Pierre Nkurunziza limogeait le ministre Samuel Ndayiragije pour « faute lourde », selon l’explication donnée à l’époque. De toute façon, c’était un détail superflu. Car rien ne l’obligeait à donner cette raison. Selon la Constitution, le Chef de l’Etat est chef du gouvernement et nomme aux emplois civils et militaires des personnes, « moyens » pour l’aider à accomplir sa mission. A l’annonce de la raison ayant précipité le ministre dans la disgrâce, l’opinion s’attendait à une traversée du désert pour le défaillant. D’aucuns disaient: " Le ministre, le pauvre! Il est politiquement mort. Il peut faire ses valises et aller enrichir de ses larmes la Meuse en Belgique"! Seulement voilà ! Quelques semaines après son départ du gouvernement, il était propulsé à la tête de l’Ecole Normale d’Administration. Était-ce du mépris envers l’E.N.A ? Etait-ce une manœuvre dilatoire ? Ce fut un purgatoire pour notre ex-ministre qui allait, quelques mois plus tard, s’envoler vers un siège prestigieux au Sénat. Le lundi 7 novembre 2011, le porte-parole du Président Nkurunziza déclarait en quelque sorte : « Conformément à la promesse faite à la nation d’évaluer les membres du gouvernement tous les six mois, le Président de la République vient de sanctionner certains ministres pour défaut de résultats. » Et les journalistes invités pour recueillir le grand scoop, étaient impatients de connaître les noms des « malheureux » qui sortaient ainsi du gouvernement par la petite porte. Le lendemain, l’opinion tant nationale qu’internationale allait tomber des nues en découvrant que des ministres recalés avaient recouvré des fonctions ailleurs… [Sur cette réhabilitation expresse->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article1289], on ne communique pas. Circulez ! Rien à dire. Pas la peine de tenter de convaincre qu’un chef de cabinet civil, un conseiller principal à la présidence est moins sollicité qu’un ministre. Ils coordonnent les activités ou les bureaux stratégiques. Ils conseillent mais puisque le Président est clairvoyant. Il les aura désormais à l’œil. Autre conjecture : la République ne veut plus condamner ses serviteurs loyaux à la galère pour des échecs de routine, qu’il ne faut surtout pas dramatiser ! Autrement dit, le Chef de l’Etat, en bon père de famille (de la Nation, préciseront certains), sait donner une seconde chance. Tout le monde sera servi, probablement. Ne vous en faites pas pour les deux ministres encore sur le banc de touche ! Faute de communication à la hauteur des événements Pierre Nkurunziza est fragilisé. Ce serait moins charitable de ne pas le lui dire, même si au Burundi, la prudence recommande d’avaler sa langue. Et la démocratie dans tout ça ? Sommes-nous moins fiers de la liberté de pensée et d’expression, au Burundi, depuis l’arrivée de Nkurunziza aux affaires ? De toute façon, dans notre pays, on craint beaucoup plus l’entourage et les courtisans que le président. Ce qui, de fait, laisse à l’opposition ADC et la société civile le luxe des coups d’éclat médiatiques. Car, depuis peu, la communication de survie marche volontiers sur les traces de feu Athanase Mutana. Ce faisant, le pouvoir, le Président en tête, ignore le talent de Max Gallo, ancien porte-parole de François Mitterrand, dont le comédien Guy Bedos disait : « Quand Mitterrand recrache un noyau d’olive, Gallo en fait une salade niçoise ! » Au sommet de l’Etat, la communication n’est pas une sinécure. Ce clin d’œil est purement fraternel.