Les éleveurs bénéficiaires de vaches dans le cadre du programme de renouvellement du cheptel bovin ne sont pas heureux. Faute de marché, ils doivent céder leur lait à vil prix. Un litre de lait coûte moins qu’une bouteille de bière de banane. Le découragement guette.
Il est 6h45, le lundi 12 juillet sur la colline Gashikanwa, commune Gashikanwa, province Ngozi. Adrien Nzeyimana, 59 ans a reçu une vache de race dite « frisonne » en 2019. Il s’agit d’une race laitière spécialisée avec des rendements laitiers élevés si des conditions bonnes d’alimentation, de logement et des soins sont réunies.
Dans l’étable, il amène des seaux propres. Il se lave les mains, nettoie les trayons et les mamelles de la vache. C’est le moment de traire.
Avant de procéder à la traite manuelle de sa vache laitière, il s’assure que la bête est détendue. Il effectue des premiers jets pour vérifier que l’aspect du lait est normal et qu’il n’y a pas de blessure au trayon. Tout se fait en chantant pour mettre à l’aise sa vache.
Elle donne 5 litres de lait par jour en cette période de la saison sèche et, en saison pluvieuse, la quantité obtenue varie entre 7 et 8 litres. La vache est traite le matin, le lait du soir est réservé à la génisse. Pour M. Nzeyimana, traire exige des conditions d’hygiène et de propreté. « Le lait peut devenir gâté ou se souiller et les acheteurs n’en prendront pas. Cela se produit si une personne malade trait la vache, les ustensiles de traites ne sont pas propres, les trayons et les mamelles de la vache sales. Ou si la vache est sous traitement médicamenteux», explique-t-il.
Le lait est acheminé à la coopérative, un centre de collecte de lait de Gashikanwa à un prix de 650 BIF par litre faute d’autres marchés d’écoulement. « Le lait est acheté à vil prix. Imaginez-vous un litre pour 650 BIF ? Même une bouteille de bière de banane coûte entre 1200 et 1500 BIF. C’est de loin inférieur aux efforts fournis et les dépenses enregistrées pour entretenir notre cheptel». Il dénonce également le retard dans le paiement ce qui met à mal leurs activités. Il leur est difficile, dit-il, de trouver du fourrage, pendant la saison sèche notamment.
Des éleveurs indignés
Même indignation chez Albert Bucumi. Lui a bénéficié d’une vache de la part du Programme de développement des filières (PRODEFI). « Ma vache donne 8 litres par jour. Cette quantité est écoulée à un vil prix. Cette situation me décourage». Il fustige le manque de marchés pour les produits laitiers. Si cette situation perdure, fait-il savoir, les éleveurs risquent d’abandonner ce métier. Il demande aux responsables du centre de collecte de lait de revoir à la hausse le prix du litre pour encourager les éleveurs.
Le lait est reçu au centre de collecte de lait dans des conditions d’hygiène strictes. Il fait l’objet de contrôles de qualité pour voir s’il n’est pas mélangé avec de l’eau ou s’il ne provient pas d’une vache malade. Il est immédiatement conduit, à travers des tuyaux, vers de grandes cuves réfrigérées avant d’être acheminé par camion également réfrigéré jusqu’à la laiterie à Bujumbura.
Pour la gérante du centre de collecte de lait de Gashikanwa, près de 400 litres de lait sont collectés chaque jour. Pendant la saison des pluies, ces quantités peuvent avoisiner 800 litres. Elle explique que la consommation locale est moins de 10% de la production journalière. Ils ont un client unique, Modern Dairy Burundi, une entreprise basée à Bujumbura qui produit du lait stérilisé qui se conserve 6 mois hors réfrigérateur.
« Le prix a été fixé au cours d’une réunion avec les différents partenaires et figure dans le contrat. Le prix actuel n’est plus celui de départ. On a revu à la hausse petit à petit. 500, 520, 600 et maintenant on est à 650». Pour elle, les retards dans le paiement sont dus aux clients qui tardent à honorer leur engagement.
D’après Théophile Niyibizi, administrateur de la commune Gashikanwa, le programme de renouvellement du cheptel bovin a distribué 300 vaches. Pour le moment, on compte 1200 vaches dans la commune. Avec le système de chaîne de solidarité bovine, d’autres ménages ont bénéficié des vaches. « Les éleveurs sont soumis au suivi et contrôle rigoureux pour les empêcher de les vendre. La vente d’une vache requiert une autorisation délivrée par l’administration».
M. Niyibizi affirme être au courant des plaintes des éleveurs par rapport aux défis rencontrés. Il indique que certains commencent à boycotter cette coopérative pour chercher d’autres clients ce qui fait chuter la quantité de lait collectée par jour. Il promet de tenir une réunion avec les personnes concernées, notamment les éleveurs, les responsables de centre de collecte et du programme pour trouver une solution adéquate.
Une situation analogue à Mwumba
Les mêmes plaintes sont exprimées par des éleveurs de la commune Mwumba. Pour eux, si des litres de lait obtenus ne trouvent pas preneurs, les gérants des centres de collecte les appellent pour les reprendre. Ces agri-éleveurs en consomment une partie. Mais une autre, qui ne tarde pas à s’avarier faute d’équipements pour une longue conservation, finit dans des compostières. « C’est la mort dans l’âme qu’on se retrouve obligé de renverser des seaux remplis de lait gâté. Un gâchis alors que ces vaches laitières, trop gourmandes, demandent beaucoup de fourrage, d’énergie et même d’argent pour leur entretien», se désole Joseph Ndayisaba, un éleveur de la commune Mwumba.
Par ailleurs, ces éleveurs déplorent l’absence d’usines de transformation d’aliments pour compléter le fourrage. Ainsi, les aliments concentrés d’élevage coûtent cher. Un kilogramme de ces aliments coûte 1000 BIF. Et une seule vache a besoin de 6kg par jour. Il précise que la moyenne de production pour une vache est de 4 litres par jour sans suppléments d’aliments. « C’est une perte énorme ! ». S’il y a supplémentation, poursuit-il, la vache peut donner entre 8 et 15 litres par jour. Et de marteler : « Il y a un déséquilibre entre les facteurs de production et la production elle-même.»
Au centre de collecte de lait situé au chef-lieu de la zone Mwumba, 350 litres sont collectés par jour. Raymond Ndacayisaba, gérant du centre de collecte de lait de la coopérative «Tugwize umwimbu w’amata », reconnaît cette situation. Il explique que le prix décrié figure dans les clauses du contrat avec l’entreprise Modern Dairy Burundi. D’après lui, la révision à la hausse de ce prix incombe au gouvernement. « Nous allons nous y plier ».
Pour sa part, Jérémie Manariyo, administrateur de la commune Mwumba, considère par contre que les éleveurs veulent spéculer : « Le prix fixé par le gouvernement est satisfaisant.»
1.Supposons qu’aujourd’hui une génisse frisonne puisse coûter 1 million 200 mille BIF parce que, même pour les vaches locales « Dans certains cas, ce prix peut grimper jusqu’à 1 million 200 mille BIF », témoigne F.V, un revendeur de vaches ».
https://www.iwacu-burundi.org/la-viande-bientot-un-luxe-pour-la-classe-moyenne/
Albert Bucumi de la Commune Gashikanwa aurait eu de plus grandes pertes s’il n’avait pas eu une vache gratuite dans le programme PRODEFI.
2.Le principe d’économie d’échelle pourrait aider les éleveurs de Gashikanwa et Mwumba.
« …les effets d’expérience sont à l’origine d’une baisse des coûts de production en fonction de la quantité de production d’un bien. Plus précisément, il a été observé empiriquement qu’avec chaque doublement de la production cumulée d’un bien, les coûts de production de ce bien baissent d’un pourcentage constant. L’ampleur relative de la baisse dépend de l’industrie concernée. Elle peut atteindre les 30% pour l’industrie aéronautique et se situe vers 10% pour l’industrie automobile… »
http://ressources.aunege.fr/nuxeo/site/esupversions/9e125e92-d3d2-4a34-bd8a-f5f1e4594191/Fondements_et_environnement_du_marketing_international/co/economie_echelle.html
https://oilprice.com/Energy/Energy-General/The-EV-Battery-Conundrum-Commodity-Rally-Could-Reverse-Cost-Curve.html
Mwotugirira iyo enquête dans au moins une commune par province.
En faisant ressortir les marges bénéficiaires des intérmédiaires.
L’apport de Leta Nkozi et Mvyei yoca iboneka pour améliorer la filière
Les producteurs de lait à Mwumba / Gashikanwa ne sont pas les plus mal lotis.
Tenez vous bien autour de Bujumbura, à moins de 50 km. Le prix est aussi de 650 fbu. Mais scandale, le consomateur l »achète à 1300 fbu à Bukumbura.
Le kg de concentré coûte 1000 fbu. Une vache laitière doit consommer 6 kgs pour 60000 fbu.
Si la vache produit 6 litres par jour.
Notre pauvre éleveur de Gashikanwa, Mbuye, Isale, Jenda produit à perte.
Ma question, trouvez vous cela normal?
1. » Imaginez-vous un litre pour 650 BIF ? Même une bouteille de bière de banane coûte entre 1200 et 1500 BIF… »
Mon commentaire
Il faut reconnaitre que ce lait n’est qu’un produit de base dans la fabrication du lait pasteurisé ou du fromage, alors que la bière de banane est un produit fini tant prisé dans la culture burundaise.
J’ai lu quelque part l’histoire d’un fermier d’un pays d’Europe Centrale qui disait que pour que sa ferme laitière soit rentable, il lui fallait au moins une quarantaine de vaches.
C’est quand même étonnant qu’on arrive pas à construire une laiterie à Ngozi, la troisième la ville du pays, alors que ces communes de Gashikanwa et de Mwumba sont à moins de dix kilomètres.
2.Quand je suis retourné au Burundi en 2006, j’étais vraiment surpris de voir que le Burundi, pays d’éleveurs légendaires de vaches, IMPORTAIT DU LAIT DU ZIMBABWE.
Un peu de concurrence bien gérée ne peut que faire améliorer les choses.
Et l’exportation ?
C’est de la communication des projets, j’aimerais assister au versement dans une compostière du lait au lieu de le livrer à 650 BIF/litre, 4-5 litre par jour avec de l’herbe cuieillie dans les bas fonds, de l’eau et bloc à lécher n’est pas une si mauvaise affaire si on se souvient d’autres avantages offertes par le fumier et ventes d’animaux comme les génisses une fois les deux ans. De plus d’autres circuits courts (éleveurs-restaurants-buvettes de lait) pas si rares à Ngozi offrent des altarnatives, la solution est à chercher dans la libéralisation des circuits
Le fermier en bon entrepreneur n’achetera pas des concentrés qui coûtent aussi chers si la productivité marginale ne suit pas avec 5 litre avec un coût d’opportunité presque nul il s’en sort déjà pas mal il nous raconte ce que nous voulons entendre en tant que bagiraneza