Jetées dans la rivière Kinyankonge, des immondices sont déversées dans le lac Tanganyika, bordé par Bubwari, un petit village dont les habitants attendent toujours d’être déplacés.
Quartier industriel, à Kumase (la bouse). C’est un bar-restaurant, au bord du lac Tanganyika où, il y a quelques mois, odeurs de bouse et les exhalaisons de brochettes de bœufs troublaient l’odorat de tout client.
Puis, le gouvernement a décidé de déménager les troupeaux de vaches vers Rukoko. Un ouf de soulagement pour les nombreux clients de Kumase, mais pas pour les habitants, de Bubwari qui font la cuisine, leur lessive et lavent leurs assiettes avec l’eau souillée du lac. Le delta verdoyant de la rivière Kinyankonge repousse une eau noirâtre du Tanganyika.
Les causes du malheur
Une eau noircie par tous les déchets du village (restes de charbons, sachets noirs en plastic, bouteilles vertes, …) qui ne dispose d’ailleurs d’aucun lieu d’aisance. Les déjections des villageois flottent sur le lac : « Fais attention là où tu mets les pieds », me lance un pêcheur en train de recoudre son filet de pêche. « On ne peut pas creuser plus d’un mètre de profondeur avant d’atteindre l’eau. Donc impossible de construire des toilettes », fait savoir Charles Ndiruvugo, un autre pêcheur qui vit dans le village depuis plus de cinq ans.
Selon ses observations, « le liquide qui sort des déchets de toute la ville de Bujumbura stockés à Buterere et ceux de la société Savonor (Fabrique des savons et de l’huile) est déversé dans la rivière Kinyankonge », poursuit-il.
Pour avoir de l’eau potable, les habitants de Bubwari, payent 50Fbu un bidon de vingt litres dans les environs. Félicien Bizimana, un vendeur d’Umudiringi, une boisson prohibée et très alcoolisée, n’en peut plus : « Nous tombons souvent malades. Nous souffrons de la dysenterie, du choléra, des vers intestinaux à chaque fois que nous buvons ou mettons les pieds dans le lac. »
Marie-Rose Uwizeye, une femme de six enfants se plaint pour ses légumes plantées le long de la rivière. Elle n’arrive plus à les récolter à cause de l’acide y déversé par la société Savonor.
« Nous attendons toujours d’être déplacé à Maramvya dans la commune de Mutimbuzi », indique Félicien brandissant la promesse du chef de quartier 9 dans la commune de Ngagara.
Mais Félicien doute fortement que l’administratif joigne l’acte à la parole. Il pense que le terrain où sont construites leurs maisons a déjà été vendu à Sion, un grand entrepreneur burundais : « Ce fût la même chose pour un autre village juste à côté du nôtre. Chaque habitant a reçu dix mille francs comme indemnisation », raconte-t-il. Ces habitants, même s’ils trouvent cette somme minime, ont déjà envoyé une liste de leurs noms à l’administration.