La baisse des pluies et le manque d’eau d’irrigation sapent la production agricole. Les agriculteurs souffrent. L’administration rassure que d’ici peu, ils seront servis en eau d’irrigation.
Le ciel est clair. La colline Rusiga est animée. A la transversale 8 de la colline Rusiga, les activités champêtres semblent au point mort. Les herbes ont envahi des canaux d’irrigation vides qui ne sont pas curés. L’eau ne ruisselle pas dans les champs. Les cultures de manioc, de patate douce et de maïs desséchés peinent à pousser.
9 heures. Evelyne Nimfasha fait le sarclage de patate douce et laisse derrière elle un nuage de poussière. Remontée, elle ne cache pas son angoisse : « Je suis ruinée. J’ai tout perdu. »
Visiblement désespérée, cette femme enceinte déplore la baisse des pluies et le manque d’eau d’irrigation. Elle soutient qu’elle a perdu toutes les plantations de haricots, de manioc, de patate douce, de maïs.
Le malheur ne vient pas seul. Dernièrement, les cultures des tomates et d’amarante, seules sources de revenus, n’ont rien produit. Cette cultivatrice indique qu’elle avait investi plus de 250 mille BIF. Jadis, quand les canaux d’irrigation étaient en bon état, elle arrosait ses cultures.
L’année passée, les précipitations étaient bonnes et cette femme témoigne avoir empoché 2 millions de BIF.
D’un geste de la main, elle nous montre un terrain. La fondation d’une maison y est toujours visible. « Cette parcelle deux ares. Nous l’avons achetée grâce aux revenus tirés de la plantation des tomates».
La plantation d’amarante n’a pas été épargnée non plus. Cette dernière a rapporté 40 milles BIF alors qu’avant, elle générait plus de 400 mille BIF.
Madame Nimfasha laisse entendre que si ce canal d’irrigation était fonctionnel, elle n’aurait pas enregistré une telle perte, car elle aurait irrigué ses cultures.
Les familles souffrent
Selon elle, ce canal a été détruit en 2017 par les travaux de pavage. Depuis lors, la famine sévit sur cette colline. Sa famille mène une vie misérable. Elle mange à peine une fois par jour et ses enfants exposés à la malnutrition. Evelyne Nimfasha laisse entendre que faute d’irrigation la vie devient impossible : « N’ayant pas d’autre recours, je m’en remets à la Providence. »
À cet instant, un passant curieux interrompt notre conversation. C’est Marcel Ndayirukiye, chef de colline Rusiga. Ce dernier ne voit que des conséquences immédiates sur les prix. D’après lui, cette chute de la production a, du même coup, provoqué la hausse des prix des produits de première nécessité. Le panier de patate douce est passé de 500 à 2000 BIF, le kg de maïs de 250 à 600 BIF, le kilo de haricots de 700 à 1 400 BIF et le riz de 900 à 2000 BIF. « Cette situation empire nos conditions de vie », assure-t-il.
Mêmes lamentations des 77 agriculteurs de la coopérative « Twijukiruburimyi ». Rencontrés au hangar communautaire de ladite coopérative, la détresse et le découragement se lisent sur leur visage.
Joseph Nyandwi, le représentant légal, déplore que le manque d’eau d’irrigation a laissé la coopérative sur la paille. Les saisons culturales A et B ont essuyé un échec.
Pendant la saison culturale A, la coopérative a cultivé deux hectares de soja. Au lieu de cinq ou six tonnes attendues, elle n’a eu que 1 625 kg. Sur 3,5 ha de maïs, ce regroupement a récolté 1 625 kg alors qu’avant, ils avaient une moisson de dix tonnes au moins. « Imaginez notre perte », confie ce représentant. Pour cette saison, poursuit-il, nous n’espérons pas mieux car la saison des pluies s’est terminée trop tôt.
M. Nyandwi explique que l’ONG « Accord » leur a accordé les semences et l’engrais chimique à crédit. Ce prêt se chiffre autour de 2,8 millions de BIF. De plus, cette coopérative a dépensé plus 1,5 million pour acheter 50 tonnes de fumier naturel. « Aujourd’hui, notre coopérative ne peut pas rembourser ce prêt. Elle n’a pas d’autres ressources», se résigne Marcel Nyandwi.
Le hangar communautaire est presque vide
Selon Alexandre Nimubona, chargé de la trésorerie de Twijukiruburimyi, les familles ont également subi un coup de fouet. Ce responsable souligne que la récolte est divisée en trois lots. Le premier est commercialisé pour rembourser les crédits consentis. Le deuxième rentre dans les caisses de la communauté. Quant au dernier lot, il est distribué équitablement aux membres de la coopérative.
L’année passée, après avoir remboursé les semences et l’engrais chimique, cette coopérative a encaissé 2 millions.
En outre, chaque membre a bénéficié d’une quantité de semences de haricots, du maïs et du soja dont il avait besoin. Il a également reçu au moins 80 kg de maïs, 30 kg de haricot et 15 kg de soja. Actuellement, la coopérative n’a rien à vendre ni à donner à ses membres.
Personne n’a été épargné, ajoute-t-il, la récolte a été mauvaise. Venez voir! Il nous fait entrer dans le hangar communautaire où la population environnante stocke sa récolte. Le hangar est presque vide. « Nous avons trois tonnes de maïs alors que l’année passée la population avait stocké plus de 52 tonnes ».
La place réservée à la récolte du haricot est vide. Car, explique-t-il, les agriculteurs n’ont rien produit. Ce cultivateur fait savoir que l’année précédente, la quantité de haricots stockée dans ce hangar était plus de 5 tonnes.
M.Nimubona demande à la direction provinciale agricole de faire tout son possible afin que ce centre de multiplication ait l’eau d’irrigation en permanence comme avant.
Patrice Nsabiyaremye, moniteur agricole dans la zone de Cibitoke, reconnaît que le manque d’eau est un problème majeur qui hante les agriculteurs. Cela a eu un impact négatif sur la production agricole Désormais, la réhabilitation des canaux d’irrigation est en cours. Les collines Rugerere et Samwe sont servies en eau. Bientôt, celles Munyika I, II et Mparambo seront également servies. M. Nsabiyaremye appelle les agriculteurs à la patience : « D’ici peu de temps, l’eau coulera de nouveau dans les canaux.»