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Commune Muyinga : les mères célibataires sont stigmatisées

06/10/2011 Commentaires fermés sur Commune Muyinga : les mères célibataires sont stigmatisées

Elles éprouvent des difficultés à hériter chez leurs parents. Leurs familles les considèrent comme des personnes sans moralité. Leurs enfants en souffrent car ils sont rejetés.

« Une jeune fille qui a mis au monde un enfant hors mariage est considérée comme sans valeur », déplore Rehema Bukuru, 35 ans, mère célibataire de trois enfants. Ne fréquentant plus le père de ses enfants, elle cultive dans la propriété familiale  pour subvenir aux besoins de ses petits.

Mlle Bukuru regrette de devoir se débrouiller seule alors que le père de ses enfants n’a aucun souci. « Je n’étais pas seule quand j’ai conçu mes enfants mais je suis la seule à subir le rejet de la communauté. »
Sa situation ne serait pas si compliquée, poursuit-elle, si le père avait fait enregistrer ses enfants. Et pourtant, il lui avait fait croire qu’il l’avait fait. « J’avais confiance en lui. Comment aurais-je pu douter de lui » confie-t-elle. Cette mère célibataire parle d’une situation inacceptable dans la mesure où elle ne pourra jamais hériter chez ses parents, ni ses enfants : « Mes frères ne l’accepteront jamais puisqu’ils ont aussi des enfants qui doivent hériter des terres de nos parents. »

Désidérate Kandanga, 25 ans, elle aussi, mère célibataire, indique que les autorités devraient revoir les textes: « Aucune loi n’évoque le statut de mère célibataire. » Elle se demande ce que deviendra son enfant puisque ses parents la rejettent aussi. Démunis, ceux-ci refusent qu’elle cultive leurs terres. Selon ses dires, ils lui signifient aussi que son enfant devra hériter chez ses grands – parents paternels.

«Que la loi nous autorise à hériter »

Quant à Ménériva Barayandema, 25 ans, elle s’est retrouvée enceinte après avoir rompu avec son fiancé : « C’était un coureur de jupons, je ne pouvais plus supporter qu’il me trompe. C’était de sa part un manque de respect. » Depuis son accouchement, la jeune maman habite chez ses parents qui assurent tout, vu que son fiancé s’est marié. Elle aussi est bien consciente que le déni d’héritage affectera son enfant : « Il ne comprendra jamais pourquoi ses demi-frères ou sœurs hériteront mais pas lui. »

<doc1461|right>Rosalie Nizigiyimana, sœur de l’ancien fiancé de Ménériva, affirme avoir l’intime conviction que son frère est le père biologique de l’enfant de Ménériva même si il ne s’en soucie pas. Selon elle, il aurait eu plein d’autres enfants qu’il renierait également. Pour elle, de tels hommes qui ne reconnaissent pas leur paternité devraient être punis conformément à loi. « Pourquoi les mères célibataires sont-elles les seules à subir toutes ces conséquences ? », se demande Mme Nizigiyimana. Elle regrette aussi que même ceux qui convoqués devant la justice ne comparaissent jamais.

« C’est la volonté des ancêtres »

Selon N.I, un quadragénaire qui habite la même commune, la volonté des ancêtres selon laquelle les filles ne doivent pas hériter doit être respectée. « Une mère célibataire ne peut pas hériter de ses parents. De même que ses enfants », annonce-t-il. Pour lui, ça serait mettre en péril l’héritage des garçons, et leurs descendants. D’après lui, les filles devraient méditer sur les conséquences des relations sexuelles avant le mariage ; car les hommes peuvent de chercher qu’à profiter d’elles. Plus déplorable, selon le quadragénaire, c’est que les enfants issus de pareilles liaisons en font les frais. « Ils n’auront pas d’héritage puisqu’ils sont reniés depuis la naissance », affirme-t-il.

Leurs enfants doivent hériter

« Le fait d’être mère célibataire est toujours considéré comme une honte dans la société burundaise », s’insurge Chantal Bajinyura, coordinatrice du Centre de Développement Familial (CDF) en commune Muyinga. Elle indique que les filles qui mettent au monde, hors mariage, sont souvent chassées de chez elles. Chantal Bajinyura explique que comme la plupart sont démunies, elles ne sont qu’avant tout intéressées par la pension alimentaire. La coordinatrice ajoute que comme aucune loi n’autorise les femmes à hériter, les mères célibataires en sont victimes.

Au sein du CDF, précise-t-elle, lorsque ces femmes viennent exposer leurs problèmes, elles sont orientées seulement quand elles ont des preuves attestant avoir eu une relation intime avec le père de leur enfant (une lettre qu’il lui aurait adressé, ou quelqu’un qui témoigne les avoir vus ensemble) : « Ceci est une façon de protéger leurs enfants pour qu’ils héritent. »

« Une mentalité qui n’évolue pas avec le temps »

Selon Chantal Mukandori, présidente de l’Association des Femmes Juristes, la succession est encore ouverte à la descendance mâle selon la coutume. Il n’y a pas de lois écrites qui régissent cette matière jusqu’à présent, la loi sur les successions n’est pas encore promulguée. Elle estime que c’est une mentalité qui n’évolue pas avec le temps. Toutefois, d’après Chantal Mukandori, actuellement les cours et les tribunaux ont évolué en cette matière, ils ne se basent plus sur la coutume, ils accordent l’héritage à tous les enfants sans considération de sexe.
« Une fille mère qui saisit la justice obtient chez elle une portion sur laquelle elle peut s’établir avec ses enfants », révèle-t-elle.

Malheureusement, ajoute-t-elle, beaucoup de filles ne se fient pas à la justice, elles préfèrent se taire et négocier une propriété chez leurs parents. Mais souvent la famille refuse de donner cette propriété de son propre gré. Pourtant, Chantal Mukabirori explique que du temps de nos ancêtres, un enfant issu d’une mère célibataire, qui a grandi chez ses grands parents, pouvait hériter au même pied d’égalité que les autres.

Elle conseille aux mères célibataires de penser avant tout à faire enregistrer leurs enfants : « Un enfant qui n’est pas enregistré n’a aucun droit dans le pays ». Cependant, elle précise que pour le cas des enfants reniés par leurs pères, la maman peut engager une action en recherche de paternité. Mais pour les cas des enfants issus des viols, le code des personnes de la famille approuve qu’ils soient enregistrés sous le nom de la mère et de père inconnu.

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