C’est vers 4 heures du matin que les "premiers irréguliers" qui passent la nuit ou qui vivent dans des maisons en construction dans le quartier Kibenga-lac ont été réveillées par des policiers, puis embarqués vers la commune. Les personnes arrêtées n’avaient pas de pièces d’identité; de jeunes femmes et des maçons, des domestiques désœuvrés ou en quête de travail. Quelques jeunes femmes affirment avoir été épargnées parce qu’elles avaient des bébés : « Il fallait avoir en mains sa carte d’identité, même la nuit sinon on vous embarquait. Nous allons demander la libération de nos maris et de nos voisines, nous avons trouvés leurs "{karangamuntu}" – la pièce d’identité », lance une jeune femme, tenant son bébé d’une main, et exhibant ce bout de papier bleu magique de l’autre. Ces policiers étaient placés à chaque coin de rue, même au bord du lac Tanganyika et le long de l’avenue du large. Impossible d’échapper au coup de filet. Chaque passant, surtout les maçons et autres manœuvres mal habillés qui descendent chaque matin des collines surplombant la ville de Bujumbura, étaient les plus contrôlés au grand étonnement des autres passants, des fonctionnaires bien mis pour aller travailler probablement dans des bureaux. Ces policiers n’arrêtaient pas les véhicules. Sous anonymat, un officier de police affirme que ’’c’est une opération de routine’’. Une deuxième durant ce mois. Lors de l’opération menée il y a deux semaines dans ce même quartier, la police avait arrêté une vingtaine de personnes dont des vendeurs de boissons prohibées fabriquées à base de sucre. Ils ont des maisonnettes en roseaux couvertes de bâches dont les portes sont ouvertes toute la journée. Les maçons, les domestiques, filles et garçons y vont pour noyer leurs soucis et souvent jusqu’au petit matin ; un peu dérangeant pour les voisins nantis.