Les cas de violences économiques dans la commune Bubanza prennent une allure très inquiétante. Ce phénomène déstabilise les ménages. Les défenseurs des droits humains interpellent les victimes à sortir de leur silence.
Plus de 20 cas de violences économiques ont été documentés pour le seul mois de juillet par le Réseau burundais des personnes vivant avec le VIH/SIDA (RBP+), antenne de Bubanza. Il s’agit de la dilapidation des ressources familiales dont l’un des conjoints est victime. Les femmes étant essentiellement les victimes. En effet, explique Antoine Icihagazeko, responsable de RBP+, certains hommes vendent les récoltes ou le bétail à l’insu de leurs épouses et profitent seuls de l’argent reçu.
Selon lui, ce phénomène inquiète et entraîne des violences physiques et psychologiques. Les cas documentés sont loin de refléter la réalité sur le terrain. « Les femmes sont parfois battues, traumatisées quand elles réclament la gestion des fonds perçus », déplore cet activiste des VBG.
Certaines femmes, venues se confier au responsable de RPP+, ne cachent pas leur calvaire. « Quand j’ai demandé à mon mari le montant perçu après la vente de notre chèvre, je n’ai reçu que des coups et des insultes », témoigne, B.H.
«Je ne vois pas comment exprimer ma douleur quand j’ai remarqué que mon mari a vendu tout le riz sans apporter le moindre sous », raconte N.B. en sanglots de la colline Shari I. Or, déplore-t-elle, il ne m’a jamais accompagné pendant le semis. « Tous mes efforts sont devenus vains ».
Pour M. Icihagazeko, la dilapidation des biens familiaux présente une double frustration pour les victimes. D’une part, certains en profitent pour entretenir des concubines et désertent le toit conjugal. D’autre part, d’autres trempent dans l’ivresse et oublient la consommation du mariage.
B.N. 30 ans, mariée à un militaire, raconte son calvaire : « Après avoir consommé tout le salaire perçu à l’issue de sa mission en Somalie, mon mari a détruit le toit de la maison et vendu toutes les tôles. J’erre dans la rue avec mes trois enfants.»
Ce n’est pas tout. Mme B.N. continue son récit douloureux : « Il a confisqué mon téléphone et l’a vendu aux enchères. Il a brûlé tous mes habits. Il m’accuse faussement d’être une prostituée. »
G. H., quant à elle, est une fonctionnaire mariée à un enseignant. Elle utilise son maigre salaire pour subvenir à toutes les dépenses familiales. « Mon mari est devenu alcoolique. Il ne m’aide en rien. Je suis traumatisée et dépassée par les événements ».
Il faut briser le silence
Julien Irakoze, point focal de l’association: Unissons-nous pour la promotion des vulnérables, explique la recrudescence des violences économiques par plusieurs facteurs. Les victimes ont peur d’être stigmatisées par l’entourage. Il y a aussi des menaces de représailles par leurs maris qui pèsent sur les victimes empêchant ces dernières de porter plainte. La plupart des femmes ignorent les procédures judiciaires. D’autres ne sont pas sensibilisées sur les textes légaux.
De son côté, Denise Bambarukontari, leader communautaire sur la colline Shari I, estime que les violences économiques sont accentuées par l’inégalité de pouvoir entre l’homme et la femme. « Il faut des lois égalitaires entre l’homme et la femme ». Cette activiste déplore le silence de certaines femmes face aux violences qu’elles subissent. Et de les interpeller : « Il faut qu’elles sortent de leur silence et dénoncent les abus. Le tabou doit être brisé.»