La Commission Nationale Terres et Autres Biens (CNTB) a organisé, le 6 juin 2012, à Rumonge, une journée d’échanges et de réflexions sur la problématique de réhabilitation des sinistrés dans leurs droits. Certains participants parlent d’une autoglorification.
<doc5973|left>De l’avis de Mgr Sérapion Bambonanire, président de la CNTB, cette commission fait face à certains obstacles qui contrecarrent la réhabilitation des sinistrés dans leurs droits. Dans son discours, il a cité, entre autres, la désinformation sur les activités de la CNTB, la volonté délibérée pour certaines personnes de garder à tout prix la chose d’autrui, l’administration qui, parfois, veut couvrir les erreurs commises par les autorités du passé et la complicité de certains administratifs dans l’accaparement de la chose d’autrui.
Un cas illustratif opposant un cadre administratif à un certain Wilson de la localité de Mutambara a été présenté. Actuellement, souligne Gabriel Nitereka, président de la CNTB à Bururi, cette famille dort à la belle étoile après que le tribunal de résidence de Rumonge ait détruit sa maison. Pourtant explique-t-il, la commission avait tranché en faveur de ce sinistré mais la justice classique n’a pas hésité à contourner cette décision. Gérard Ndikumana, administrateur communal de Rumonge, a promis à cette famille que la maison sera reconstruite aux frais de la commune.
Les obstacles que rencontre la CNTB
Lors des débats, les participants sont revenus sur la méconnaissance ou la mauvaise interprétation de la loi (cas de la prescription du trentenaire), la manipulation de la population par certains hommes politiques qui lui demandent de ne pas restituer les biens d’autrui qu’elle occupe, l’ingérence de certains juges pendant que les dossiers sont en cours de traitement à la CNTB, etc.
Pour le président de la CNTB, il y a une nécessité d’échanger avec des représentants du peuple, ceux de différents ministères partenaires de la commission, des membres des congrégations religieuses, des rapatriés sinistrés, des résidents et quelques professionnels des médias.
Le président de la CNTB a demandé aux participants de contribuer en toute liberté afin que des propositions concrètes sur cette question soient dégagées.
Il est alors apparu que certains abondaient dans le sens de la commission pour dire que s’il s’avère qu’une propriété est occupée par quelqu’un d’autre, il doit la restituer à son propriétaire dès que celui-ci le demande. C’est aussi l’avis de Vincent Ntibayubahe, gouverneur de Makamba et du ministre Saïdi Kibeya. Le gouverneur n’a pas hésité à dénoncer des ententes déséquilibrées entre un déplacé et un résident : « Les résidents profitent souvent de la méconnaissance de la loi par les rapatriés ou de leur faiblesse pour conclure ce genre d’entente. Nous devons les revoir à tout prix. »
Quid du volet réconciliation ?
Certains participants demandent qu’une juridiction spéciale soit mise en place pour garantir le caractère définitif des décisions de la CNTB. « Parfois, les juridictions classiques reviennent sur des cas déjà tranchés par la commission et des jugements en défaveur des sinistrés sont pris. »
<doc5974|left>Mais d’autres comme le député Charles Nditije, président du parti Uprona, ont insisté sur la nécessité du volet réconciliation dans la réhabilitation des sinistrés. Il a rappelé que des gens se voient contraints par la CNTB de rendre des propriétés qu’ils ont acheté en 1972 : « Ces parcelles ont été réquisitionnées par l’Etat d’alors. Elles appartenaient aux réfugiés de 1972. Mais les nouveaux propriétaires les ont achetées en bonne et du forme. » Ainsi, selon lui, cette question doit être réglée avec délicatesse pour ne pas créer d’autres sinistrés.
Un magistrat présent a alors fait remarquer que la prescription du trentenaire ne peut pas être évoquée contre celui qui ne peut agir : « Lorsque le président Bagaza a décrété, en 1977, que ceux qui ont occupé injustement les propriétés des réfugiés de 1972, les rendent, les conditions politiques et sécuritaires n’étaient pas réunies pour que les véritables propriétaires réclament leurs biens. »
Divergence de vues
Ce désaccord a atteint son paroxysme lorsque le président de la CNTB à Bururi a présenté un vieux rapatrié aux participants en expliquant qu’il a été battu par des résidents, alors qu’il réclamait sa maison. « Il a même perdu des dents », souligne-t-il.
C’est à ce moment que Charles Nditije a dénoncé ce qu’il appelle une opération d’autoglorification : « Je ne suis pas d’accord avec cette opération car les parties en conflit n’ont pas toutes été présentées. » Selon lui, la CNTB veut montrer que seuls les rapatriés ont des problèmes comme si les résidents n’en avaient pas. »
Cet avis est partagé par un groupe d’habitants de Rumonge présents dans la salle de réception de l’hôtel Tanganyika Lodge où les assises se sont tenues. Gaspard Bazikwankana, l’un de leurs représentants, considère que les résidents n’ont pas été entendus : « Nous sommes en colère car la CNTB ne nous a pas accordé la parole. Seuls les rapatriés ont eu le temps de s’exprimer. » Et de conclure qu’il ne s’agissait que d’une opération séduction.