Violation des droits de l’Homme, élections de 2020, rétrécissement de l’espace politique … tous ces sujets sont passés sur la table du Conseil des droits de l’Homme. Les membres de la Commission d’enquête sur le Burundi n’ont pas fait dans la dentelle. Bujumbura, comme à l’accoutumée, crie au complot visant à déstabiliser ses institutions.
«La situation des droits de l’Homme reste très préoccupante». C’est le constat des 3 experts onusiens, Doudou Diène, Françoise Hampson et Lucy Asuagborn, mardi 12 mars 2019, lors du débat interactif avec le Conseil des droits de l’Homme.
Selon eux, le gouvernement n’a démontré aucune volonté de lutter contre l’impunité qui règne dans le pays et encore moins engager un dialogue inclusif pour trouver une issue à la crise politique qui dure depuis 2015. «Cela favorise la perpétuation des violations des droits de l’homme». Comme principaux responsables présumés de «ces violations graves et crimes internationaux depuis 2015», la commission d’enquête pointe du doigt certains membres des forces de sécurité et de la ligue des jeunes qui occupent des postes de responsabilités dans ces institutions. “Les Imbonerakure sont omniprésents et exercent une surveillance continuelle de la population. Ils sont directement impliqués dans la majorité des violations des droits de l’homme documentées par la commission”.
La commission fustige également les contributions financières demandées à la population alors qu’un 1/3 des Burundais a besoin d’aide humanitaire. Elle se dit préoccupée par la décision du gouvernement de mettre à contribution des ménages pour financer les élections de 2020. « Ces contributions prennent régulièrement l’allure de racket ou d’extorsion, car elles s’accompagnent de violence ou encore, conditionnent l’accès aux soins de santé et à l’éducation». Sans oublier, d’après ces experts onusiens, les différentes contributions financières ou en nature pour la construction de permanences du parti au pouvoir.
Concernant les élections de 2020, les experts trouvent qu’elles peuvent avoir une grande incidence sur la situation des droits de l’Homme au cours des prochains mois. Pour eux, le respect des droits de l’Homme, des libertés fondamentales ainsi que le pluralisme politique et l’indépendance des médias sont indispensables à l’organisation des élections qui sont réellement démocratiques, libres et crédibles en 2020.
Sur ce, la commission s’est alors engagée de garder l’œil sur les décisions prises par les autorités burundaises ainsi que tous les développements sur terrain afin d’identifier les risques éventuels de violations des droits de l’Homme. «La commission d’enquête est plus nécessaire que jamais, car c’est le seul mécanisme international à même d’enquêter de manière indépendante, rigoureuse et impartiale et d’établir les responsabilités pour les actes commis».
Une commission vendue, clame Bujumbura
Mensonger, diffamatoire, insultant, typologiquement politique,… Rénovat Tabu, ambassadeur et représentant permanent du Burundi à Genève, n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. Les qualificatifs pour tirer à boulets rouges sur la commission pleuvaient. “Le Burundi a reçu et scruté le rapport oral que vient de présenter cette commission et le rejette publiquement. Il est sans valeur ajoutée. Son contenu est mensonger et diffamatoire.»
D’après l’ambassadeur Tabu, Doudou Diène, président de cette commission s’arroge le droit d’être le porte-parole de l’ONU et de l’opposition politique burundaise en interférant dans les affaires internes de l’Etat burundais par ses leçons et mises en garde. Pour lui, il n’est précisé nulle part que la commission aura un mandat éternel d’enquêter sur toute la vie nationale du Burundi. «Il s’agit simplement d’une ultra-petita politique.”
Bujumbura assure qu’elle ne collaborera jamais avec «une commission qui est devenue une caisse de résonnance des forces négatives sous l’onction du Conseil des droits de l’Homme».
A ce tableau sombre dépeint par la commission d’enquête, Rénovat Tabu oppose un « espace politique apaisé », en mettant en exergue l’agrément du parti d’Agathon Rwasa, le Congrès national pour la liberté (CNL). “Le Burundi informe qu’il est déjà en marche vers les élections de 2020 et que tous les instruments nécessaires sont bien pensés». Il a demandé à la communauté internationale de se garder de tous faits et gestes de nature à saper la réussite de ces grands événements électoraux. Pour Rénovat Tabu, Doudou Diène et ses mentors seront responsables au cas où il adviendrait quoi que ce soit au Burundi.
Cette sortie de l’ambassadeur Tabu lui a valu une mise en garde de la part du président du Conseil des droits de l’homme, Coly Seck. «Je voudrais rappeler à l’ambassadeur du Burundi que le langage inapproprié n’est pas toléré dans le cadre de ce Conseil des droits de l’Homme».
Rappelons qu’en octobre dernier, la Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, Michelle Bachelet, avait demandé à l’ambassadeur du Burundi à l’ONU, Albert Shingiro, de présenter des excuses complètes à Doudou Diène et aux autres commissaires, ainsi qu’au Conseil des droits de l’homme suite aux menaces proférées de poursuivre en justice les membres de la commission. C’était lors d’une réunion de la 3ème commission de l’Assemblée générale à New York.
Ce qui n’a pas empêché Albert Shingiro de récidiver dans un tweet datant du 13 mars : «Les propos fallacieux, diffamatoires et mensongers de Doudou Diène sur le peuple burundais et ses leaders doublés de l’intention de déstabiliser notre pays ne resteront pas infiniment impunis.»