Le président de la Commission d’enquête sur le Burundi confirme la persistance des violations des droits de l’Homme. C’était au cours de la 42e session du Conseil des droits de l’Homme tenue, mardi 17 septembre, à Genève. Politiques et activistes de la société civile ne s’accordent pas sur le renouvellement de son mandat.
Dans sa présentation orale, lors du dialogue interactif sur le Burundi, Doudou Diène fait état de la persistance de graves violations des droits humains qui ont continué à se produire depuis mai 2018, en particulier des violations du droit à la vie, des arrestations et des détentions arbitraires, des actes de torture et autres formes de mauvais de traitement, de violence sexuelle et de violation des droits économiques et sociaux. Le tout dans un climat général d’impunité.
Doudou Diène constate une évolution au niveau du profil des victimes des violations graves des droits de l’Homme. « Elles ont continué à viser des personnes considérées comme des opposants au parti au pouvoir, le CNDD-FDD, mais la conception de qui est un opposant politique est devenue extrêmement large ».
En première ligne, indique le commissaire Diène, se trouvent des membres et des sympathisants – supposés ou avérés – de partis politiques d’opposition, notamment le Congrès national pour la liberté (CNL) créé en 2019, mais également le Mouvement pour la solidarité et la démocratie (MSD) et l’Union pour la paix et le développement (UPD)-Zigamibanga.
La commission épingle les Imbonerakure comme principaux auteurs de ces forfaits.
L’espace politique et médiatique rétréci
La commission d’enquête déplore le verrouillage de l’espace médiatique et politique. « L’une des évolutions les plus frappantes, depuis notre dernier rapport, est l’intensification des restrictions des libertés publiques, notamment les droits à la liberté d’expression et d’information et les droits à la liberté d’association et de réunion pacifique ». D’après les enquêteurs onusiens, la situation est préoccupante d’autant plus qu’elle s’inscrit dans un contexte préélectoral.
Par ailleurs, selon la commission, le système judiciaire a continué de servir d’outil de répression contre les opposants politiques, et à être instrumentalisé par le pouvoir exécutif à des fins politiques. « Dans un pays miné par l’impunité, les victimes ont continué d’avoir peur de porter plainte, craignant des représailles ».
Selon ces experts onusiens, le processus électoral de 2020 se caractérise par le rétrécissement accéléré de l’espace démocratique avec une société civile contrôlée et des médias censurés. « Le multipartisme n’est que de façade alors qu’un climat d’intolérance politique règne. L’espace politique est verrouillé par le parti au pouvoir et sa ligue des jeunes les Imbonerakure ». Et de conclure : « Nous vous demandons le renouvellement du mandat afin qu’il reste au moins un mécanisme international indépendant en mesure de poursuivre la surveillance de la situation des droits de l’homme dans le pays, notamment dans le cadre du processus électoral ».
Enfin la commission prévient sur l’existence des huit facteurs de risque communs aux atrocités criminelles au Burundi. Selon la commission, il y a risque de détérioration de la situation à la veille des élections de 2020. Et d’alerter les autorités burundaises, la communauté internationale et toutes les autres parties prenantes de prendre rapidement des mesures de prévention adéquates.
Gitega dénonce le rapport
«Le Burundi voudrait publiquement rejeter ce rapport mensonger, diffamatoire et politiquement motivé », a déclaré Rénovat Tabu, le représentant permanent du Burundi à Genève. Il s’insurge contre la démarche empruntée par la commission.
« Le rapport que vient de présenter la contestée commission sur le Burundi a déjà été présenté devant les médias, en date du 04 sept, par ses auteurs, en violation flagrante du mandat qui précise que ‘’le rapport final est présenté devant le Conseil des droits de l’homme’’», avant de marteler : « Le Burundi voit dans cette démarche une fuite-en-avant, une sorte de corruption de l’opinion internationale et une manipulation abjecte de l’opinion »
Par ailleurs, l’ambassadeur Tabu estime que certains faits sont exagérés. Aujourd’hui, fait-il savoir, le Burundi est stable et la paix et la sécurité règnent sur tout le territoire national.
Et de préciser : « Les élections générales de 2020 se préparent déjà et tous les instruments sont en place notamment le calendrier électoral». Enfin, Tabu Rénovat tranquillise : Le Burundi n’a jamais coupé sa coopération avec les mécanismes des NU, mais il refuse des mécanismes imposés alors que le consensus doit rester le postulat de toute coopération ».
Toutefois, il s’insurge contre un éventuel renouvellement du mandat de la commission : «Les trois mandats successifs de cette commission ont été une peine perdue et une ruine financière pour les NU. Il est grand temps d’y mettre fin ».
L’UE se dit préoccupée par la détérioration des droits de l’Homme au Burundi. Elle fait savoir qu’elle compte présenter une résolution visant à renouveler le mandat de la commission. Selon elle, la commission reste le seul mécanisme indépendant à enquêter, documenter et informer la communauté internationale sur la situation des droits de l’Homme au Burundi. Elle demande au gouvernement burundais de coopérer avec les mécanismes des NU. Moscou et Pékin, quant à eux, recommandent « des solutions africaines aux problèmes africains ».