Jeudi 21 novembre 2024

Économie

Commercialisation du sucre : A quand la fixation du prix réel ?

24/10/2024 4
Commercialisation du sucre : A quand la fixation du prix réel ?
Des sacs de sucre entassés dans un shop dans la zone urbaine de Gihosha

Le 24 septembre 2024, le président de la République, Evariste Ndayishimiye a instruit la ministre du Commerce d’approfondir la recherche afin de fixer le prix réel du sucre. Mais, jusqu’à présent, certains commerçants et les ménages grognent. Certains politiques s’accordent pour dénoncer un prix qui dépasse le pouvoir d’achat des consommateurs.

Dans la mairie de Bujumbura, ils sont nombreux à se lamenter. Les ménages s’interrogent à quand la fixation du prix réel du sucre comme l’avait instruit le chef de l’Etat. Certains continuent, autant que faire se peut, à acheter le sucre à 8 500 BIF le kilo.

Sur le terrain, des ménages sont désemparés. Dans la zone urbaine de Kamenge, les commerçants du sucre, surtout les détaillants, ont du fil à retordre pour payer le loyer de leurs boutiques. Ils disent qu’ils travaillent à perte.

« Avant la hausse du prix du sucre, je pouvais écouler un sac de sucre de 50 kg dans deux ou trois jours. Mais, avec le prix actuel de 8 000 BIF le kg, je peux passer plus de deux semaines sans que ladite quantité soit consommée. J’enregistre des méventes », se lamente B N, un commerçant détaillant rencontré dans le quartier Mirango I de la zone urbaine de Kamenge.

Il fait savoir que les clients viennent au compte-gouttes. Ils disent qu’ils ne sont pas à mesure d’aborder le prix de 8 500 BIF le kilo qu’ils jugent exorbitant par rapport à leur revenu. « Quand ils voient sur la notice que le prix du kilo est de 8 500 BIF, ils boudent et rebroussent chemin ».

Ce boutiquier est pour le moment dans l’impasse. Il éprouve des difficultés pour payer le loyer car le sucre est le seul produit qu’il vend dans sa boutique. Comme solution, fait-il savoir, il envisage d’y mettre d’autres denrées dans le but de voir s’il peut avoir de l’argent pour payer le propriétaire de la chambrette.

Certains grossistes spéculent

Dans d’autres quartiers comme Bwiza, Cibitoke et Kinama, certains boutiquiers s’arrangent pour redétailler le kg de sucre en le mettant dans de petits sachets à raison de 200 BIF le sachet.

Les ménages à faible revenu se rabattent sur ce sucre emballé dans de petits sachets. Mais là encore, il faut acheter au moins trois sachets pour une petite tasse de thé. Et ceci pour uniquement calmer les enfants.
« Le Père de la Nation a plaidé en faveur de la population. Il faut que l’autorité concernée fixe un prix abordable par les consommateurs »

Ils font savoir que les moyens financiers ne leur permettent pas de s’acheter ce sucre. Ils précisent que le sucre est une denrée alimentaire nécessaire pour les familles mais pas indispensable. « Avec la somme de 8 500 BIF, je peux acheter 2 kg de riz ou 2 kg de haricot. En tant que chef de ménage, le choix est clair », fait observer le prénommé Léonard, un habitant du quartier Muyinga, dans la zone urbaine de Kinama.

Du côté de certains grossistes, c’est la prudence. Ils ont suspendu les approvisionnements craignant des pertes éventuelles s’il advenait que le prix du sucre soit revu à la baisse.
« La parole du président de la République tient lieu de loi. S’il advient que l’instruction donnée à la ministre du Commerce de revoir le prix du sucre à la baisse soit concrétisée et qu’on a constitué des stocks, nous allons enregistrer des pertes énormes », confient-ils.

Pour rappel, lors d’une séance de moralisation à Cankuzo, le jeudi 19 septembre dernier, le président de la République, Evariste Ndayishimiye s’était insurgé contre la hausse du prix du sucre en qualifiant de mensonges les raisons avancées par la Sosumo.

Il avait demandé aux cadres dirigeants à ne pas toujours penser à remplir leurs ventres, mais de penser avant tout à la population.

Une commission est à l’œuvre, mais…

Rosine Guilène Gatoni : « La décision de la Sosumo est loin d’être populaire »

Lors de l’émission publique des porte-paroles des institutions tenue le vendredi 11 octobre à Bururi, la question en rapport avec le nouveau prix du sucre a été soulevée. Les gens ont voulu savoir si l’appel du chef de l’Etat a été ignoré.

La porte-parole du chef de l’Etat, Rosine-Guilène Gatoni avait tranquillisé. Elle a d’abord reconnu que la décision de la Sosumo est loin d’être populaire : « Cela fait un temps que la Sosumo a revu à la hausse le prix du sucre. Une décision qui a attristé beaucoup les citoyens et qui n’a pas plu au chef de l’Etat qui n’a pas tardé à faire des remontrances à la Sosumo. Il a alors demandé au ministère du Commerce de mettre sur pied une commission chargée d’étudier le prix que l’État peut fixer en fonction du prix du sucre importé, de la marge bénéficiaire mais aussi des moyens utilisés par la Sosumo dans la production du sucre. » D’après Mme Gatoni, c’est dans l’optique de trouver un prix juste, parce qu’il se pourrait qu’il y ait eu des erreurs dans la fixation du prix.

De son côté, le porte-parole du ministère du Commerce, Onésime Niyukuri, a confié que « la commission chargée de trouver un prix raisonnable acceptable par toutes les parties est en sa phase finale de collecter toutes les données ».

Concernant les délais de cette commission, il avait seulement fait savoir que le prix sera trouvé rapidement comme cela a été sollicité. « Pour que le prix ne subisse pas des fluctuations et ne soit pas revu aussitôt fixé, il faut une étude minutieuse. Par conséquent, cela demande du temps, la commission n’est pas donc en retard », a précisé le porte-parole du ministère du Commerce.


Réactions

Kassim Abdoul : « Que la population prenne le mal en patience !»


Kassim Abdoul, président du parti UPD/Zigamibanga, fait savoir que le sucre est devenu depuis une certaine période un produit de grandes spéculations et de grandes convoitises.

« Il est impensable que depuis que le chef de l’Etat a déclaré que le prix devrait être revu à la baisse autant de jours puissent passer sans que les autorités concernées prennent des mesures de redressement », s’indigne-t-il.

Il fait observer qu’en tant que membre du gouvernement, la ministre du Commerce a l’obligation de revoir sa copie et de se conformer à l’injonction de la plus haute autorité.

Il interpelle la ministre du Commerce d’agir immédiatement pour l’intérêt du peuple burundais tout en demandant à la population de prendre le mal en patience.

Gabriel Banzawitonde : « Le pouvoir d’achat de la population a été ignoré »

Le président du parti Alliance pour la paix, la démocratie et la Réconciliation (APDR), fait savoir que le gouvernement du Burundi devrait prendre des mesures allant dans le sens d’alléger les souffrances de la population.

Il estime qu’on n’a pas tenu compte du pouvoir d’achat de la population en fixant le nouveau pris du sucre. D’où, déplore-t-il, certains ménages ne sont plus à mesure de se procurer de cette denrée alimentaire.
« Il faut que le gouvernement respecte ses engagements envers la population », interpelle-t-il

Gaspard Kobako : « Un couloir à un enrichissement illicite »

« Est-ce que la fixation du prix du sucre à 8 000 BIF le kilo a fait l’objet d’une étude préalable notamment au sein du Conseil des ministres ? », s’interroge Gaspard Kobako, président du parti Alliance nationale pour la démocratie (ADN/Intadohoka).

Il fait savoir que seules les autorités habilitées peuvent fournir des réponses tout en fustigeant celles données par le directeur général de la Sosumo comme quoi c’était pour s’aligner au prix des importateurs alors que cela devrait être l’inverse.

« En attendant de revoir à la baisse et en retardant de le faire, c’est donner un couloir à un enrichissement sans cause aux commerçants véreux et compradores. Les commerçants et autres spéculateurs vont continuer de bénéficier de cette aubaine au moment où les consommateurs continuent leur grogne, le malheur des uns faisant le bonheur des autres », déplore-t-il.

Précisons qu’au moment où nous mettons sous presse cet article, le ministère du Commerce vient de réviser le prix du sucre en le fixant à 6 000 BIF par kilo au dernier consommateur. Cela transparait dans un communiqué sorti par ledit ministère le jeudi 17 octobre 2024. Et même là toute une série de questions se pose. Est-ce que ce prix correspond au prix réel du sucre tel que souhaité par le président de la République ? Est-il abordable par rapport au pouvoir d’achat actuel des ménages ? Va-t-il finalement mettre fin aux spéculations qui entourent la commercialisation du sucre ? Pour de nombreux consommateurs, ce prix reste exorbitant. Dossier à suivre.

Forum des lecteurs d'Iwacu

4 réactions
  1. Commentateur

    Le chemin est encore long si l’analyse de la problematique sucre se limite à la fixation.
    Avec l’émergence des producteurs de jus avec le sucre comme intrant, la demande a été supérieure à la quantité offerte. La solution ne viendra jamais par la fixation du prix, au contraire, elle viendrait de la disponibilisation du sucre par la mise en place des mécanismes permettant d’améliorer l’offre de ce prduit.
    Si la SOSUMO a revu à la hausse le prix du sucre, c’est pour des raisons qui pourraient être liées au coût de production du sucre. La forcer à réduire le prix, c’est en quelque sorte la condamner à fermer ou licencier une partie de ses employés dans un futur proche.
    Ce qui m’intrique ce sont les analyses de ces chef des partis politiques: « etudes dans le conseil des ministres », « tenir compte du pouvoir d’achat de la population », « enrichissement sans cause (illicite) » … vraiment?

  2. Kibinakanwa

    On ne fixe pas le prix de vente d un produit en tenant compte du pouvoir d’acjat des ménages.
    On le fait en tenant compte du coût de production.
    Le président de la république ne doit pas donner des injonctions irréalisables.
    Ou sommes nous?

    • jereve

      Si si, on peut le faire, en vendant le produit au prix inférieur à son coût de production, à condition que l’état compense la perte par le paiement d’une subvention au producteur ou en accordant des exonérations sur le processus de production ou d’importation. C’est ce qui se passe chez le pays frère l’Egypte, grand consommateur de pain. Cela fait plusieurs années qu’il subventionne le pain pour permettre à la population de l’acheter à bon marché. Evidemment que cela pèse très lourd dans le budget; l’idée de quadrupler le prix a une fois été évoquée, mais la prudence s’impose car cela risque de provoquer des troubles.

    • Jean Pierre Hakizimana

      On est au Burundi, le pays dans lequel on dépense d’énergie énorme pour re-inventer la roue. Un pays gouverné par des gens qui pensent savoir ce que le monde entier n’a jamais su et probablement ne sait pas toujours!

      Il est temps que le consommateur apprenne a s’adapter! Je suis certain qu’il l’est déjà.

      Je ne sais pas mais, voir que les gens aillent chercher l’eau dans les caniveaux d’eau pluviale ou usée (La photo de Kinama) dans un capital économique rend mon humble coeur lourd. Afin je me dis que le sucre c’est le moindre de leur soucie! Afin, c’est peut être moi!

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