Dans ses observations finales concernant le troisième rapport périodique du Burundi, le comité des droits de l’Homme de l’ONU déplore qu’il y ait encore des violations de droits de l’homme au Burundi. Il appelle le gouvernement burundais à lutter contre l’impunité et à garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire.
« Le comité des droits de l’Homme s’inquiète des informations indiquant que la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme (CNIDH) n’est pas indépendante, qu’elle procède à un suivi sélectif des cas de violations des droits de l’Homme. Il est aussi préoccupé par le fait que cette Commission ne dispose pas de bureaux provinciaux lui permettant de déployer son action sur l’ensemble du territoire », lit-on dans le rapport des observations, sorti ce 26 juillet, sur le troisième rapport périodique du Burundi.
Il appelle le Burundi à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir, en pratique, la pleine indépendance de la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme (CNIDH) et la doter des ressources et des capacités suffisantes lui permettant de s’acquitter efficacement de son mandat, en conformité avec les Principes de Paris concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’Homme.
Le Comité des droits de l’Homme dit s’inquiéter aussi des rapports faisant état de la persistance de la corruption au plus haut niveau de l’Etat, dans le secteur public et la justice, ainsi que dans les secteurs de marchés publics de construction d’infrastructures et d’exploitation des ressources naturelles, en particulier lors des négociations des licences minières.
Il recommande au Burundi d’intensifier ses efforts pour combattre la corruption et prendre des mesures nécessaires pour garantir l’indépendance et l’efficacité des institutions nationales de lutte contre la corruption, y compris la Cour spéciale anticorruption et son parquet général ainsi que la Brigade spéciale anticorruption.
Ce comité appelle également à l’Etat burundais à veiller à ce que tous les actes de corruption fassent l’objet d’enquêtes indépendantes et impartiales et à ce que les responsables, y compris les fonctionnaires au plus haut niveau de l’Etat et autres personnalités, soient traduits en justice.
Appel à l’indépendance du pouvoir judiciaire
Le comité de droits de l’Homme trouve aussi alarmantes les informations faisant état d’un grand nombre de cas de disparitions forcées, exécutions extrajudiciaires et torture dont les victimes sont principalement des opposants politiques ou présumés opposants.
Selon ce comité, ces violations se sont intensifiées lors des manifestations de 2015, du référendum constitutionnel de 2018 et des élections de 2020.
Il interpelle le Burundi à prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre l’impunité et veiller à ce que des enquêtes impartiales et approfondies soient promptement menées sur toutes les allégations de disparitions forcées, exécutions extrajudiciaires et torture, notamment celles dont les auteurs seraient des agents de l’Etat.
Et de l’appeler à faire la lumière sur le sort des personnes disparues et veiller à ce que les membres de leur famille soient informés de la progression et du résultat des enquêtes.
Le Burundi est appelé à s’abstenir de nommer ou de promouvoir des auteurs présumés de violations de droits de l’Homme à des postes de responsabilités.
En plus, le comité des droits de l’Homme se dit préoccupé par les allégations concernant l’absence d’efficacité, d’impartialité et d’indépendance de la Commission vérité et réconciliation (CVR).
Pour ce comité, le Burundi devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que le travail de la CVR soit indépendant, impartial, inclusif, transparent et équilibré : « Il devrait aussi veiller à ce que les auteurs des violations des droits de l’homme commises dans le passé, quelle que soit leur origine ethnique ou affiliation politique, soient poursuivis et sanctionnées proportionnellement à la gravité des faits reprochés et que toutes les victimes ou les membres de leur famille obtiennent une réparation intégrale ».
Concernant la justice burundaise, le Comité demeure préoccupé par l’absence persistante d’un pouvoir judiciaire indépendant. Il fustige le fait que le président de la République préside le Conseil supérieur de la magistrature, où siège également le ministre de la Justice. Et de noter avec inquiétude particulière que la loi donne à ce Conseil le pouvoir de contrôler la qualité des jugements, arrêts et autres décisions judiciaires ainsi que leurs mesures d’exécution.
Il exhorte le Burundi de prendre toutes les mesures nécessaires pour réformer en profondeur son système judiciaire en le garantissant la pleine indépendance, l’impartialité et la sécurité des juges et des procureurs ainsi que de veiller à ce que ces derniers soient préservés de tout type de pression ou d’ingérence indue d’autres organes, notamment du pouvoir exécutif, y compris au niveau du Conseil supérieur de la magistrature.
Quid du troisième rapport périodique du Burundi ?
Dans le troisième rapport périodique soumis au Comité des droits de l’Homme en septembre 2020 et qui a fait objet d’examen dans la séance de juillet 2023 à Genève, le gouvernement du Burundi dit avoir engagé des réformes importantes dans l’administration, l’exécutif, le législatif, la magistrature, les forces de défense et de sécurité pour mettre en œuvre le contenu du pacte international relatif aux droits civils et politiques.
« Il existe déjà des Institutions de protection et de promotion des droits de l’homme, notamment la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme au Burundi (CNIDH), le Conseil national de la communication (CNC), l’institution de l’Ombudsman, la Commission nationale des terres et autres biens (CNTB), les Cours et Tribunaux, la Brigade et la Cour anti-corruption ainsi que l’Inspection générale de l’Etat », lit-on dans ce rapport.
Concernant l’indépendance de la CNIDH, le rapport indique que le Burundi reconnaît à la CNIDH le rôle consultatif, celui de donner aux pouvoirs publics des avis, propositions et recommandations précises, réalistes et pertinentes sur toutes les questions relatives aux droits de l’homme. Ainsi, les missions assignées à cette Commission sont conformes aux « Principes de Paris ».
En outre, le troisième rapport périodique du Burundi précise que la composition des membres de la CNIDH, telle que prévue par les articles 7 et 8 de la loi no 1/04 du 5 janvier 2011, est également conforme aux « Principes de Paris », car il reflète le pluralisme, la diversité des sensibilités représentées et les qualités professionnelles des membres de la Commission.
Concernant le fonctionnement du pouvoir judiciaire, ce rapport indique que l’organisation du système judiciaire Burundais fait que les enquêtes se fassent de façon rapide et efficace : « La police judiciaire est organisée de façon qu’il y ait, dans chaque commune et dans chaque province, respectivement un poste de police chargé de mener des enquêtes. La même organisation se retrouve au sein du Service national de renseignement. Il en est de même de l’organisation du ministère public qui dispose d’un parquet dans chaque province qui contrôle l’action de la police judiciaire et qui est l’organe poursuivant ».
Concernant la poursuite et la condamnation des présumés auteurs, le Burundi informe le Comité que toutes les allégations de privation arbitraire du droit à la vie connue des autorités administratives, policières et Judiciaires sont poursuivies en justice et que les auteurs reconnus coupables sont condamnés à des peines appropriées : « Cependant, le Burundi reconnaît que certains présumés auteurs des atteintes au droit à la vie peuvent échapper aux poursuites et condamnations judiciaires du fait qu’ils ne sont pas identifiés ou qu’ils ont pris fuite vers les pays étrangers ou que les moyens de preuve ont manqué ».
Selon le troisième rapport périodique du Burundi, beaucoup de jugements rendus prononcent les réparations dues aux familles des victimes et dans certains cas, les tribunaux appliquent même la contrainte par corps. Cependant, il regrette que la plupart des auteurs soit incapable de réparer le dommage causé aux victimes : « Pour répondre à cette préoccupation, le Burundi envisage de créer un Fonds d’indemnisation des victimes qui, malheureusement n’est pas encore mis en place pour que toutes les victimes soient indemnisées. L’étude de faisabilité est en cours ».
Pour rappel, la délégation burundaise a boycotté, ce 3 juillet, la séance d’examen de son troisième rapport périodique devant le Comité des droits de l’Homme à Genève sous prétexte que des gens recherchés par la justice burundaise y étaient présents. Ce retrait a été salué par le gouvernement du Burundi, mais déploré par Genève.