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École Hôtelière du Burundi : « Voir grand, chez moi »

05/05/2013 Commentaires fermés sur École Hôtelière du Burundi : « Voir grand, chez moi »

La Semaine belge est aussi l’occasion de découvrir une diaspora burundaise engagée. Des parcours qui parlent. Iwacu a rencontre Alain-Claude Nkurunziza : 25 ans après, son rêve prend petit à petit forme. Voici un ancien étudiant de l’École hôtelière de Lausanne qui s’apprête à ouvrir, avec une amie, un établissement de rang international en matière de formation en hôtellerie. Ça sent bon.

<doc7297|left>« La seule école de ce rang dans la sous-région se trouve à Nairobi : la Kenya Utalii College » indique Alain-Claude Nkurunziza d’un œil pétillant, alors qu’il vient de passer presqu’une trentaine de minutes à discuter avec un client intéressé par son projet.

Impossible de rater la haute affiche qui annonce ‘EHB’ en gros caractères, rouges, bien visibles, pour ‘École Hôtelière Burundi’.

Même si les travaux de construction du complexe hôtelier (10 salles de classe, 16 chambres et un restaurant panoramique pour faire appliquer la théorie en temps réel) ne vont commencer qu’en 2014 et que le projet ne devrait être opérationnel qu’en 2015, il y a de l’enthousiasme dans la voix d’Alain-Claude. Et pas seulement parce les affaires pointent à l’horizon, loin de là : « Mon rêve devient, jour après jour, un peu plus une réalité. »

Tout cela commence d’une manière bizarre. Franchement. Voyez : au seuil du secondaire, en 7ème année, ce professeur à l’École Indépendante demande aux désormais ex-écoliers ce qu’ils entendent faire à l’Université : « Il n’y avait pas d’alternative pour lui : après les Humanités Générales, la direction suivante, c’était les amphithéâtres. Point trait », se souvient ce père frisant la quarantaine (naissance à Bujumbura en 1975) mais qui ne le paraît absolument pas.

Autour de lui, les préférences tombent : tel veut être médecin, telle autre de faire carrière dans le Droit, l’Économie, Lettres, et cet hurluberlu qui veut entrer dans la faculté d’Agriculture, … bref, des aspirations d’adolescents qui ne puisent leurs rêves qu’en se mirant dans les murs universitaires du campus Mutanga auparavant occupé par leurs parents : « Or, tout cela ne m’intéressait pas ! J’ai donc dit au professeur que l’Université, ce n’était pas mon affaire ! »
A partir de ce jour, on regarde d’un drôle d’œil ce jeune citadin voué à la perdition …

Ses parents ? Le papa, burundais, est parti tôt, alors qu’Alain-Claude a 11 ans. La maman, rwandaise, élève donc la petite fratrie de deux garçons et une fille avec courage et fierté. Elle travaille à la Bancobu. En 1989, elle fait un saut à Lausanne (Suisse) où elle a croisé son défunt époux il y a une dizaine d’années, et revient à Bujumbura avec, en plus (évidemment) des chocolats, une brochure publicitaire parlant d’hôtellerie.
Quelques temps avant, Alain-Claude a été visiter, accompagnant son parrain, le {Chez André}. Ce nouveau restaurant qui vient d’ouvrir à Bujumbura fait un tabac et, foi de futur hôtelier, « le cœur s’est emballé. Je me suis dit, tout heureux à la vue de ce plafond haut, de ces murs blancs : ‘Il y a des gens qui ont pensé à ce que je veux, et qui l’ont, en plus, mis en pratique ! »

Entre-temps, 1993 survient, et Alain-Claude, son grand-frère et sa petite sœur sont obligés de quitter le pays pour la Suisse. Ils pensent y rester quelques 6 mois, puis revenir avec l’accalmie, annoncée pour bientôt : c’est leur mère qui les y rejoindra.
Et quand arrive le temps de l’après-lycée, pas d’hésitation : Alain n’a d’yeux que pour l’École Hôtelière de Lausanne : « Pourquoi ici ? », lui demande le directeur. « Parce que c’est la plus ancienne, la plus réputée et que, si l’on sait comme on y entre, on sait moins bien comment on en sort », bombe le torse l’ancien gamin de Rohero et Gatoke.

Qui se montre féroce avec les études, la vie : la journée dans les cours, la nuit dans les cuisines en tant que serveur. Ses journées, ses weekends, ce sont 18heures d’affilées, jour après jour.
Et, pour le stage, Alain-Claude s’envole pour les USA, dans la chaîne hôtelière Hyatt : « Je voulais mélanger les expériences. La Suisse, c’était l’expérience et l’excellence. Les États-Unis, c’était l’immensité et les ambitions en plus.»

Le dénommé Nkurunziza découvre l’Amérique, New York, le monde, dans un hôtel derrière les plats qu’il sert rapidement, précis, alerte : « A 25 ans, je suis rentré en Suisse et nous avons créé, avec un ami, une entreprise dans l’Event Management. »
Il n’est pas bête, le fils de feu Nkurunziza, mais alors pas du tout !
Son raisonnement est simple : en 2000, les entreprises, la plupart venant des USA, commencent à fusionner avec des maisons européennes. Cela demande des soirées spéciales où les cadres des deux entités bientôt unies doivent apprendre à se connaître, à partager leurs expériences. Les deux jeunes gens investissent le créneau (non sans quelques réserves de certains qui réfléchissent deux fois avant de confier leurs programmes à un jeune Noir au nom imprononçable!) et organisent plusieurs soirées du genre … jusqu’au 11 septembre 2001 qui douche les ambitions du duo : « Avec les attentats, il y a eu des restrictions au niveau des voyages des Américains, nos clients en fait, et nous avons dû arrêter notre boîte », se rappelle Alain-Claude.

Le voilà donc qui se retrouve au chômage, pas pour longtemps puisqu’il travaillera pour un groupe hôtelier asiatique, démissionnera pour créer sa propre société de location de limousines, s’offrira le bonheur de deux bébés, tentera de rentrer au Burundi en 2007, ratera de peu de créer un call-center à Kigali en 2009, avant de se faire embaucher par la Japan Tobacco pour laquelle il travaille jusqu’à maintenant : « Avec les enfants, je me suis dit : Hé ho !, faut pas trop la jouer aventurier. Pour pouvoir rentabiliser ton entreprise, il te faudra des années. Et durant ce temps, que deviendront tes enfants ? »

2010 : Alain-Claude rencontre à Bruxelles Chantal Kamatari, qui se montre enthousiaste à l’idée de la création d’une école hôtelière au Burundi : « Quelle aubaine ! Elle avait un terrain à Kajaga, au bord du Tanganyika ! », précise Alain-Claude, enthousiaste à l’évocation. Le business plan du projet est confié à son alma mater. Deux ans plus tard, le Burundi décroche le "Best of the best" au Salon International du Tourisme à Berlin : « Quelle joie de présenter le projet de l’EHB à la ministre en charge du Commerce et du Tourisme ! », se souvient Alain.

Et depuis, le projet mature un peu plus : « A Lausanne, 50 % des étudiants devaient être des Suisses, sur 94 nationalités présentes alors. Pour l’EHB, 60 % des locataires devront être des Burundais ! » jure dans un sourire celui qu’on surnommait {Ceusi} (le Noir).

<quote>{Quelques caractéristiques de l’EHB
– A l’année, l’établissement devrait accueillir 120 étudiants : 60 dans un cursus normal, le reste comme stagiaire
– L’EHB sera une fondation
– Le restaurant et l’hôtel vont générer des fonds pour encaisser les coûts salariaux (une trentaine de professeurs) et amortir les frais d’enregistrement aux cours (« Le coût des études devra revenir au même prix que la moyenne dans les universités privées locales », explique Alain-Claude). Le reste des informations, [à lire ici->http://ecolehoteliereburundi.com/] }</quote>

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