Lundi 23 décembre 2024

Économie

CNTA, un centre qui manque de tout

29/10/2020 Commentaires fermés sur CNTA, un centre qui manque de tout
CNTA, un centre qui manque de tout
Pierre Sinarinzi : « Le CNTA n'est pas doté de textes réglementaires actualisés.»

Manque de moyens financiers, salaires insuffisants, personnel inexpérimenté, absence de textes règlementaires et statuts de l’entreprise sont entre autres les défis du CNTA. Pierre Sinarinzi, son directeur, fait le point.

Créé en 1993 pour promouvoir l’industrie agro-alimentaire au Burundi, le centre national de technologie alimentaire (CNTA) est loin d’atteindre son objectif. Aujourd’hui, le centre fait face à de multiples défis. Pierre Sinarinzi, son directeur, avance plusieurs raisons, notamment l’absence des textes règlementaires : «Le CNTA n’est pas doté de textes réglementaires actualisés. Il est régi par des textes qui datent des années 1990. Aujourd’hui, ils sont devenus obsolètes.» Leur mise à jour s’est heurtée à l’opposition du ministère des Finances qui craint l’impact budgétaire de cette actualisation. Dans l’état actuel des choses, s’alarme M. Sinarinzi, le CNTA n’est pas en mesure d’accomplir ses missions : «Le centre dispose d’un petit budget à cause de textes règlementaires qui ne sont pas encore actualisés.»

M. Sinarinzi affirme, par ailleurs, que la transformation agro-alimentaire est encore au stade embryonnaire : «Les produits agro-alimentaires transformés restent insuffisants. Il existe quelques unités de transformation éparpillées à travers tout le pays. Elles sont trop souvent artisanales et ne remplissent pas les normes de qualité recommandées.»

Le directeur du CNTA indique que la technologie agro-alimentaire reste à développer au Burundi : «La majorité des produits agricoles sont consommés sans avoir été transformés. Cela entraîne des pertes de produits périssables en période de surproduction.» De surcroît, précise-t-il, la transformation augmente la valeur ajoutée et permet une meilleure conservation de la récolté.

Le responsable du centre national de technologie alimentaire au Burundi évoque aussi le manque criant du personnel qualifié et expérimenté. Cette situation résulte de l’instabilité des employés due aux mauvaises conditions de travail liées essentiellement aux salaires trop bas par rapport aux autres institutions étatiques assimilées au CNTA.

Félix Nkubaye : « Les salaires des employés de la CNTA n’ont jamais été revus à la hausse depuis 1993. »

Félix Nkubaye, chef du personnel au centre national de technologie alimentaire, fait savoir que «les salaires des employés de la CNTA n’ont jamais été revus à la hausse depuis 1993, suite au manque de mise à jour de textes réglementaire ».

Durant les 15 dernières années, constate avec amertume M. Nkubaye, les salaires des fonctionnaires, à l’exception de ceux du CNTA, ont été augmentés de 34 %. Ses employés n’ont pas aussi reçu les indemnités d’ajustement salarial, comme les autres fonctionnaires de l’Etat en ont bénéficié, il y a cinq ans. Raison pour laquelle certains employés ont choisi de démissionner. Au cours de cette période, 71 employés ont abandonné leurs activités à la CNTA, suite au manquement du statut du personnel. Son effectif actuel s’élève à 74 employés. «Ceci prive le centre des employés expérimentés. Le CNTA fait toujours des recrutements de nouveaux employés. Ceux qui acceptent de travailler partent dès qu’ils acquièrent de l’expérience. Le centre est devenu la pépinière des autres centres qui donnent des salaires consistants».

Transformation agro-alimentaire embryonnaire

Les équipements du centre sont ultra modernes, mais certains techniciens ne sont pas à la hauteur pour les utiliser convenablement.
Le chef du personnel a indiqué que le salaire de base d’un ingénieur civil est de 72.ooo BIF. Les plantons et les veilleurs touchent moins de 30 000 BIF par mois.

M. Nkubaye déplore, par ailleurs, l’injustice subie par les employés du CNTA : «Actuellement, nous sommes régis par le règlement d’ordre intérieur provisoire vieux de 26 ans. »

Ce chef du personnel indique également qu’il est inconcevable qu’un ingénieur civil du CNTA, qui a usé sa culotte sur les bancs de l’école pendant 19 ans, et qui partira à la retraite d’ici une année, touche encore un salaire net de 350000BIF, l’équivalent d’un salaire net d’un enseignant de niveau licence au recrutement. « Nous avons le sentiment d’être des enfants mal aimés ».

Sévérien Twagirimana, chef de service transformation et conservation au CNTA, estime que les responsables du pays mettent en avant d’autres priorités que les recherches en transformation agro-alimentaire. «Le développement de ce secteur demande beaucoup de moyens financiers et ne donne pas de résultats à court terme. Le centre a des équipements modernes, mais manque parfois de réactifs pour mener ses recherches».

Le centre a des équipements modernes mais manque parfois des réactifs pour mener ses recherchés

Ce technicien estime, en outre, que les opérateurs économiques burundais ne s’intéressent pas beaucoup à la recherche. Ils veulent des résultats rapides. Ils s’adressent uniquement au bureau burundais de normalisation et contrôle de qualité pour avoir la certification de leurs produits.

M. Twagirimana estime que la transformation agro-alimentaire au Burundi n’est pas significative compte tenu du poids de l’agriculture dans l’économie burundaise. «Les recherches du CNTA se concentrent en grande partie sur les produits périssables». Dans d’autres pays il souligne que les résultats de la recherche aident les pays à transformer des produits d’exportation. Le CNTA devrait être un centre moteur pour le développement du secteur de l’agro-alimentaire.

Les statiques officielles montrent que 77,9 % du revenu total du pays provient de l’agriculture. Le rapport agricole 2011-2012 montre que 90,8 % de la population burundaise vit de l’agriculture.

Malgré tout, ce centre a réussi à développer certaines technologies, notamment la fabrication de l’huile d’avocat, les concentrés de tomates, la sauce pili-pili, le nectar et le concentré de maracuja. Le CNTA dispose de formules utilisées pour la fabrication de jus mixtes, vins d’ananas et de banane, mayonnaise, ketch up de tomates, pains à base de farine de manioc, beignets à base de farine de patates douces, chips de patate douce, pomme de terre, etc.

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