Dimanche 22 décembre 2024

Politique

CNL : « Nyakurisation » quand tu nous tiens

CNL : « Nyakurisation » quand tu nous tiens
Les congressistes du parti CNL à Ngozi

Il s’est tenu, le dimanche 10 mars à Ngozi, un congrès extraordinaire du CNL d’Agathon Rwasa convoqué par le groupe des 10 militants opposés à son leadership. Ses fidèles n’ont pas été autorisés à prendre part à cette rencontre sous haute surveillance et facilitée par les pouvoirs publics. Un congrès et des insolites. Certains politiques divergent sur leurs points de vue.

Par Pascal Ntakirutimana, Abbas Mbazumutima & Rénovat Ndabashinze

Selon des témoignages recueillis à Ngozi, l’information de la tenue d’un congrès extraordinaire du parti CNL a commencé à filtrer, dans la nuit de samedi, le 9 mars 2024. D’après des sources diverses dans le centre-ville de Ngozi, cette information a été une surprise. « Nous savions déjà que les activités de ce parti sont suspendues sur tout le territoire national. Par ailleurs, Rwasa a été dernièrement interdit de tenir un congrès. »

Le début proprement dit de ce congrès n’a pas été facile : l’entrée était bien surveillée, il y avait un déploiement de policiers dans les rues menant à la salle qui a abrité ce congrès des dissidents d’Agathon Rwasa. Plusieurs journalistes n’ont pas eu accès à cette salle.

Les députés fidèles à Agathon Rwasa ont tout tenté pour prendre part à ce congrès en vain, ils ont été bloqués par des policiers sous la supervision du gouverneur de Ngozi et du commissaire provincial, au niveau de la Cathédrale de Ngozi.

La sécurité et la surveillance étaient renforcées. Les agents du Service national de renseignement (SNR) épaulés par quelques jeunes, avaient quadrillé la salle où se tenait cette grand-messe.
Toutes les voies menant à la salle étaient bloquées. A part les congressistes et d’autres invités, personne d’autre n’a eu accès à la salle.

Un congrès pour « dénouer la crise »

C’est en qualité d’autorité intérimaire que Mme Marie-Immaculée Ntacobakimvuna a lancé les activités de ce congrès extraordinaire du parti CNL organisé par un groupe de députés qui se sont rebellés contre Agathon Rwasa.

Sous le thème : « Le parti nous appartient tous. Retournons aux activités et mettons en avant un leadership réconciliateur », Mme Ntacobakimvuna a rappelé que depuis le 6 novembre 2022, des informations divisionnistes et de haine ont commencé à circuler au sein de la famille des inyankamugayo, membres du parti CNL. Dès lors, ces derniers ont commencé à se regarder en chiens de faïence.

Par ailleurs, a-t-elle poursuivi, « l’ancien président du parti et son secrétaire n’ont pas été à la hauteur pour défendre les intérêts supérieurs du parti ni pour rassembler les inyankamugayo ou dénouer la crise qui sévissait au sein du parti ».

C’est pourquoi, a dit Mme Ntacobakimvuna, ce congrès avait deux objectifs : « Dénouer la crise qui sévit au sein de ce parti depuis à peu près 16 mois et redynamiser les comités du parti à travers tout le pays ».

Un Congrès qui s’est tenu sans une représentation officielle ni du ministère de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique, ni des autres partis politiques, ni celle du corps diplomatique et consulaire accrédité au Burundi.

A l’agenda, il était prévu que ces congressistes opposés au leadership d’Agathon Rwasa procèdent à l’élection de nouveaux membres du bureau politique de ce parti.

Pour rappel, en date du 26 février 2024, Agathon Rwasa avait adressé une correspondance au ministre de l’Intérieur l’informant de la tenue d’un congrès extraordinaire. Mais ledit ministre n’a pas marqué son accord.
Le mandat de l’organe national du parti CNL mis en place lors du congrès extraordinaire de 2019 devait expirer le 20 avril 2024.

Nestor Girukwisha, le nouvel homme fort du CNL

Le congrès extraordinaire du CNL tenu le dimanche 10 mars à Ngozi dans la salle Oasis de paix, sans l’aval d’Agathon Rwasa, mais avec le feu vert du ministère de l’Intérieur, a statué : c’est désormais Nestor Girukwishaka qui a été désigné pour occuper le poste de nouveau président et représentant légal de ce parti.

Des chansons et des slogans dénonçant le leadership d’Agathon Rwasa se faisaient entendre dans la salle où se tenait ce congrès de ses détracteurs. Avant que ne retentisse une salve d’applaudissements du nouveau président du CNL.

Dans son discours de circonstance, celui-ci a insisté sur trois demandes au chef de l’Etat et à son gouvernement.
Il a d’abord demandé la libération de tous les prisonniers politiques, particulièrement les membres du parti CNL emprisonnés à cause de leur appartenance politique. « Nous allons faire une liste exhaustive des membres du parti CNL qui sont dans des prisons en vue de la présenter au président de la République »

Il a également exhorté que le gouvernement burundais puisse procéder au rapatriement volontaire des réfugiés.
M. Girukwishaka a enfin demandé au chef de l’Etat de renforcer la cohésion sociale en valorisant les compétences dans les recrutements ou désignations de différents gestionnaires étatiques en vue de dépasser le favoritisme.

Quid de la légalité de ce congrès ?

« Nous avons demandé que le gouverneur nous montre une copie de la lettre signée de la main du ministre de l’Intérieur autorisant la tenue de ce congrès, en vain », a déploré le député Pamphile Malayika, un député pro Rwasa bloqué.

Selon lui, tous les efforts faits auprès du ministre de l’Intérieur pour avoir des éclaircissements sur ce congrès n’ont rien donné. « Il est resté introuvable et ce congrès viole tous les textes et règlements régissant le parti CNL », a-t-il regretté.

Le gouverneur de Ngozi, de même que le commissaire provincial de la police qui supervisaient tout ont expliqué à ces fidèles de Rwasa que le congrès était légal.

Contacté pour s’exprimer sur la légalité de la tenue de ce congrès, le ministre de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique nous a répondu : « je suis en réunion. »
« En rapport avec l’organisation des réunions des partis politiques/réunions ou manifestations publiques, on ne demande pas l’autorisation, mais on informe. », confie Térence Manirambona, l’un des organisateurs de ce congrès.
Et d’ajouter : « qu’il y ait ceux qui n’ont pas participé, c’est normal parce que c’est rare qu’il y ait une participation de 100% pour diverses raisons. Les députés ont participé bel et bien au congrès, vous pouvez consulter les images. S’il y avait ceux qui ont été malmenés, demandez-leur pourquoi ! »

Toutefois, Simon Bizimungu, secrétaire général de ce parti, fait savoir que consécutivement à la demande de la tenue d’un congrès national, le ministre ayant la gestion des partis politiques dans ces attributions est tenu de marquer son accord et de se faire représenter.

Des insolites

A quelques heures du congrès, des participants débarquent à bord des véhicules de l’Office de Transport en Commun (OTRACO), une société étatique. Une source sur place indique que c’est étonnant que les véhicules de cette entreprise soient utilisés par un parti politique d’opposition. « On n’était pas habitué de voir des bus appartenant à une société publique transporter les membres du parti CNL. En tout cas c’est une nouveauté. Qu’il soit ainsi pour toujours ».

Cette source rappelle que même une société privée spécialisée dans le secteur textile a rejeté une commande dudit parti pour la confection des pagnes en vue de la célébration de son 4ème anniversaire. « Comment est-ce qu’aujourd’hui, une société étatique peut faciliter, moyennant peut-être de l’argent, le déroulement des activités de ce parti ? », se pose-t-elle.

Devant le bureau de la province de Ngozi, N.A, un jeune connu à l’université pour être l’un des militants avérés du parti au pouvoir descend d’un bus qui transportait les congressistes. Il témoigne : « tu ne vois pas les conditions de vie dans lesquelles nous nous retrouvons après avoir terminé nos études ? Comment penser à ignorer une source de revenu n’importe laquelle ? Une somme de trente mille, ce n’est pas rien mon ami ? ».

Entre-temps, derrière le bureau provincial, certains participants se sont empressés à mettre au-dessus de leurs habits, des tenues du parti qui leur sont données par le « chargé de la logistique ». D’autres les mettaient juste à l’entrée de la salle.

Un autre insolite se produit au moment où le protocole appelait les participants à entrer dans la salle. « Ceux qui viennent des régions, Buyenzi et Bweru-Buyogoma peuvent entrer », appelle le chargé du protocole. Pourtant, les participants commencent à se dévisager avec un regard hébété. Certains hésitaient comme s’ils ne connaissaient pas leurs régions d’origine.

Il a fallu que le chef du protocole rappelle à ces participants leurs régions d’origine en ciblant les circonscriptions.

Dans la salle, c’était une ambiance festive totale. Certains chantaient : « muvinyuma tumusezere aboneko twamuhinyuye », qui peut se traduire : « il faut qu’on lui dise adieu pour qu’il sache qu’on l’a démystifié ». D’autres se faisaient entraîner/rappeler la salutation du parti par monsieur le modérateur.

C’est au moment où, à quelques mètres de la salle où se tenait le congrès, des députés fidèles à Agathon Rwasa ont passé des heures sous le soleil, assis à même le sol sous l’ordre du gouverneur de la province de Ngozi et du commissaire provincial de la police. Un spectacle humiliant pour ces élus du peuple, selon certains témoignages.
Plusieurs inyankamugayo, notamment les plus connus pour être fidèles d’Agathon Rwasa ont été arrêtés, accusés de vouloir saboter le congrès.


« Le ridicule ne tue pas », dixit Agathon Rwasa

Selon Agathon Rwasa, président du CNL jusqu’ici reconnu par le ministère de l’Intérieur, le congrès tenu à Ngozi n’en est pas un. Joint par téléphone, ce dimanche, il a aussi répondu à d’autres questions.

Agathon Rwasa : « c’est un pseudo congrès »

Un congrès du parti CNL s’est tenu à Ngozi, en votre absence comme représentant légal du parti. Votre réaction.

Nous apprenons sans surprise qu’il y a eu un pseudo-congrès du parti CNL à Ngozi. C’est tout simplement que le ridicule ne tue pas. Sinon, comment est-ce que le ministre de l’Intérieur a refusé que nous tenions un Congrès en bonne et due forme en respectant nos statuts et la réglementation nationale et qu’il autorise une soi-disant Convention nationale du parti CNL où les congressistes attitrés n’ont pas été acceptés, n’ont pas eu droit d’entrer et qu’au contraire, on rassemblait des militants du parti au pouvoir pour prétendre que c’est un congrès du parti CNL ? C’est une honte à la démocratie, c’est une honte à la Nation, c’est une honte à tous ceux qui ont trempé dans cette affaire.

D’après des sources proches de ce congrès, l’accès à cet endroit n’était pas facile. Et des forces de l’ordre assuraient la sécurité des congressistes. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

L’accès à l’endroit où se tenait ce pseudo-congrès était fortement quadrillé. On a même violé les droits à commencer par les plus élémentaires parce que la Constitution du Burundi garantit la libre circulation des personnes sur le territoire national.
Cependant, nous apprenons qu’il y a eu des personnes qui ont été arrêtées à Bugarama à plus de 100 km de Ngozi, elles étaient à bord d’un bus de marque Toyota Coaster.

Il y en a eu d’autres qui ont été arrêtés, à Kayanza, à Ngozi, les renforts de la police étaient démesurés. Parce que même le commandant régional de la police à Gitega était sur place, selon les informations que nous avons reçues.

En plus de la police, des agents du SNR étaient présents, et des jeunes affiliés au parti au pouvoir étaient également dans les parages pour traquer et nuire aux Congressistes attitrés de par les statuts du parti CNL.

Pourquoi certains députés du CNL n’ont pas eu accès à ce congrès ?

Les Congressistes attitrés de par les statuts du parti CNL n’ont pas eu droit de participer à ce pseudo-congrès. D’ailleurs, je remercie tous ceux qui ont bloqué cela.

Parce que de toute façon, il ne fallait pas quand même que l’un ou l’autre soit éclaboussé par ces gens-là. C’est pour vous dire que ce n’est pas un congrès du parti CNL, c’est un congrès du parti Cndd-Fdd par l’entremise du ministre de l’Intérieur et de quelques ’’bandits’’ qui se prétendent du parti CNL alors que dans leur esprit et dans leur vie, ils n’ont rien de commun avec les militants du parti CNL.

Donc, c’est très dommage que les forces de l’ordre qui sont censées faire respecter la loi, peut-être, par méconnaissance de la loi, soient plutôt obligées de cautionner ce qui n’a pas de sens dans ce pays. Et l’avenir nous réserve des surprises. Attendons voir. Laissons le temps au temps. Alors je me demande où ce gouvernement mène ce pays ?

Je me demande si en agissant de cette manière, on résout les crises multiformes qui secouent le Burundi et dont les origines n’ont rien à voir avec le parti CNL. C’est même une façon, on ne peut plus explicite d’enterrer le peu de démocratie qu’on pouvait prétendre avoir encore dans notre chère patrie.

Comment interprétez-vous l’autorisation d’un tel congrès alors que vous, on vous a récemment refusé cette requête ?

C’est comme si le ministre de l’Intérieur ignorait carrément la loi. C’est comme s’il veut se faire la loi et faire la loi lui-même. C’est ridicule. Il a tenté de tout faire pour que son projet réussisse et je pense que c’est peut-être que c’est par cette erreur monumentale qu’il vient de commettre, que leur projet va plutôt foirer une fois pour toutes.

Comment est-ce que ce ministre en connivence avec ces dissidents-là en est-il arrivé à phagocyter le parti en prétendant appliquer la loi qu’il ignore peut-être même.

Car, il a suspendu nos activités, fermé nos bureaux, et il n’a même pas reconnu que la loi burundaise précise qu’une suspension des activités d’un parti politique n’excède pas six mois.

C’est l’article 62 de la loi sur les partis politiques qui le dit. Alors, comment est-ce des hors-la-loi qui peuvent prétendre faire appliquer la loi ou gouverner ? Les Burundais devraient se lever comme un seul homme pour refuser ces pratiques faites au nom de la loi alors qu’il n’en est rien. Le pays ne pourra pas avancer d’un seul centimètre avec une administration de ce type.

Votre message aux organisateurs de ce congrès.

Tous ceux qui ont trempé dans cette affaire mafieuse, la voie la mieux indiquée c’est de se former en un parti politique. Parce que je vois mal comment les Imbonerakure vont être à toutes les cuisines. Tantôt ils seront FNL, tantôt ils seront CNL, pour finalement atterrir au Cndd-Fdd.

Je pense que tout ce plan concocté risque d’être plutôt comme un boomerang. Les retombées risquent d’être pires sur eux plus que ce qu’ils visent, car après tout, tout le monde voit clairement que finalement, c’est le régime qui est derrière tout cela.

Or, ce n’est pas cela les attentes des Burundais. Ils voudraient quand même sortir de ce bourbier de misère, de cette crise économique et de cette gouvernance. Et ce n’est pas des politiciens de ce genre qui pourront le faire. Autant donc mieux se préparer, car les jours qui viennent risquent d’être pires.

Mais, via son compte X, le gouverneur de Ngozi a affirmé que le Congrès se tenait dans le calme.

Le gouverneur de Ngozi n’a qu’à dire ce qu’il veut qu’est-ce qu’il peut dire d’autre ? Il est dans la machination. C’est un faux congrès, un congrès où il n’y a pas eu d’invités d’autres partis, où la presse n’a même pas été invitée, où les militants attitrés du parti ne sont même pas conviés. C’est quel genre de congrès ? Il faut être ce gouverneur pour dire que c’est un congrès.

C’est quel congrès où tout est quadrillé, où on empêche les gens de circuler sur le territoire national. Il y a eu chasse à l’homme, certains militants du parti CNL ont été pourchassés au moment où leur parti tient son congrès, c’est quel genre de congrès ?

Que comptez-vous faire en tant que président de ce parti reconnu par la loi ?

Le pays est à la dérive, les Burundais n’ont qu’à se lever pour dire non à cette dictature qui ne dit pas son nom. On ne peut dire que ça. Après tout, où peut aller un pays où la justice est paralysée, où l’économie est délabrée, foutue, où on n’a plus aucun droit, même le droit de circuler, un pays où le modus operandi est le détournement, l’accaparement des biens publics, un pays où l’on va jusqu’à détourner un parti au su et au vu de tout le monde ? Il est grand temps que les Burundais se lèvent tout simplement.


Réactions :

Tatien Sibomana : « C’est une honte ! »

« Ce qu’il faut tirer de ce congrès de Ngozi, c’est que c’est le ministre de l’Intérieur qui a orchestré la crise et qui vient de consommer la scission au sein du Cnl. Ceux qui ont organisé ce congrès viennent de sacrifier le parti Cnl au profit du CNDD-FDD. C’est une honte ! », lâche Tatien Sibomana, acteur politique et juriste de formation.
« La problématique est que le CNDD-FDD ne veut pas entendre une autre force politique capable de rivaliser avec lui sur le terrain. Si vous manifestez un certain encrage national, au niveau du processus électoral, vous ne ferez pas long feu. Le Cnl en est donc victime. Il veut se consacrer parti Etat tout chantant vouloir le multipartisme. C’est cela la logique du CNDD-FDD », explique cet opposant.

Il relève trois conséquences après la tenue dudit congrès : « La première est le refus même de la démocratie au Burundi. La deuxième concerne le processus électoral en cours qui n’a plus rien de démocratique. Un match avec une équipe en compétition n’en est pas un. Et la troisième conséquence touche même les militants du CNDD-FDD. Les partenaires du Burundi observant de près ou de loin ce qui se passe sur la scène politique burundaise ne vont pas nous percevoir comme un partenaire sérieux pour permettre de dégeler la coopération effective. Le Burundi va donc continuer à s’enfoncer dans le gouffre. »

« Si le congrès visait réellement à résoudre la crise, pourquoi, ceux qui s’étaient déplacés, en sachant qu’ils étaient des congressistes à part entière, ont été bloqués et sommés de s’asseoir par terre alors qu’ils sont des représentants du peuple siégeant à l’Assemblée nationale ? Qui trompent qui ? C’est tout simplement un vassal du CNDD-FDD qui vient d’être créé », conclut-il.

Léonce Ngendakumana : « C’est un échec du processus de démocratisation »

« Je ne sais pas s’il y a eu un congrès à Ngozi dimanche dernier. Parce que, généralement d’après la constitution et les lois sur les partis politiques, un congrès est convoqué en bonne et due forme par le président et le représentant légal de ce parti. », explique Léonce Ngendakumana.

Selon lui, au vu des correspondances qui ont été échangées entre le ministre de l’Intérieur et le représentant légal de ce parti, honorable Agathon Rwasa. C’est très clair que le gouvernement ou le parti au pouvoir, le CNDD-FDD soit impliqué dans la préparation et l’organisation de ce congrès.

Ngendakumana s’interroge comment le ministre de l’Intérieur, qui disait qu’il ne pouvait pas accepter qu’il y ait un congrès quand les deux ailes, créées de toutes pièces, n’étaient pas encore réconciliées, puisse autoriser un tel congrès. « Est-ce que ce congrès a tenu compte de cette réconciliation préalable ? ». Il faut attendre la réaction du ministre de l’Intérieur.

« Je pense que le ministre de l’Intérieur va procéder à la vérification de la personne habilitée à convoquer un congrès et si ceux qui ont répondu à ce dernier étaient statutaires. Cela avant de prendre acte des résultats de ce congrès ».
Ainsi, cet ancien président de l’Assemblée nationale du Burundi place tout cela dans une sorte d’échec du processus de démocratisation de la société burundaise.

Pour lui, il n’y a pires que la manipulation des processus électoraux, le truquage des résultats des élections, la pérennisation au pouvoir et la privatisation de l’Etat.

Si donc le ministre de l’Intérieur valide les conclusions du congrès de Ngozi, conclut Ngendakumana, cela sera une confirmation que le Burundi vit dans un système de dictature. Et que ça ne sert à rien de vivre dans le multipartisme.

Jean de Dieu Mutabazi : « C’est tout à fait normal »

« Nous avons accueilli avec satisfaction le congrès extraordinaire du parti Cnl qui a eu lieu à Ngozi, dimanche dernier. Même s’il y a eu des tentatives de perturbation, cette voie de solution empruntée aujourd’hui est le bon, car elle met un terme aux mésententes à l’intérieur du Cnl qui a eu la naissance de deux ailes représentées au Parlement », estime Jean de Dieu Mutabazi, président du parti Radebu.
Mais il fait remarquer que tout n’est pas encore joué : « Si l’aile dirigée par Rwasa n’est pas satisfaite, elle pourra déposer une plainte à la chambre administrative de la Cour suprême qui peut invalider la décision du ministre ou même ce congrès. Mais d’ores et déjà, nous pouvons dire que nous évoluons vers la résolution de ce conflit qui a plus d’un an d’existence. »

Concernant l’accusation d’ingérence dans le fonctionnement d’un parti, le président du Radebu la balaie d’un revers de main : « Il n’y a pas de preuve qu’il y a une main du ministre de l’Intérieur ou du pouvoir derrière le conflit interne au Cnl. Cela s’est produit au niveau du Frodebu et du Fnl. Et si cela se répète, c’est tout à fait normal. »

Et de conclure : « En attendant la prise d’acte du ministre de l’Intérieur, on aura une aile qui aura le nom du Cnl et l’autre qui sera obligé de créer un autre parti comme cela s’est déjà fait au niveau du Frodebu et du Fnl. »


Interview avec Denis Banshimiyubusa : « Le CNDD-FDD se prépare à se présenter aux élections en solo »

Spécialiste des partis politiques et des élections, le professeur Denis Banshimiyubusa fait le point sur le congrès du parti CNL tenu à Ngozi dimanche dernier.

Un congrès extraordinaire du CNL au cours duquel Agathon Rwasa a été officiellement évincé de la présidence de ce parti s’est tenu le dimanche 10 mars à Ngozi. Votre analyse ?

La tenue de ce congrès extraordinaire de Ngozi est la conséquence de deux aspects. Le premier aspect est la mauvaise gouvernance qui caractérise les partis politiques burundais, notamment les leaders de ces partis. Par-là, je veux dire que la crise éclate à l’intérieur d’un parti politique parce qu’il y a la mauvaise gouvernance.
Le deuxième aspect est que ce congrès est la conséquence de la volonté du parti au pouvoir de se préparer à se présenter en solo pour les prochaines échéances électorales de 2025-2027.

Mais aussi, instaurer un régime monopartisan de fait comme ne cesse de le proclamer le secrétaire général du CNDD-FDD, Révérien Ndikuriyo lorsqu’il invite Agathon Rwasa à adhérer au CNDD-FDD ou à se soumettre aux diktats de ce parti.

Dans un contexte potentiellement explosif, le congrès s’est déroulé sans la représentation officielle du ministère de l’Intérieur. Votre observation ?

Ici, il faut nuancer les choses. Il ne faut jamais penser que le ministre de l’Intérieur n’était pas représenté. Parce que ce ministre est en même temps de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique.

Or, là, il y avait des officiers de police. Cela veut-dire que ce ministre était représenté en quelque sorte. Ce sont ces officiers de police qui sécurisaient les activités de ce congrès.

Quelle interprétation par rapport à la forte facilitation par les pouvoirs publics de ce congrès ?

Cette facilitation explique justement, comme je viens de le dire, le fait que le parti au pouvoir veut écarter d’autres concurrents de taille pour les prochaines élections et imposer un régime monopartisan de fait au Burundi.
Il ne faudrait pas voir seulement dans ces appareils répressifs de l’Etat, c’est-à-dire la police et l’armée qui étaient présentes. Il faudrait plutôt voir le parti politique au pouvoir. Car, dans la plupart de cas, certains de ces officiers sont au service du parti au pouvoir.

Pourquoi retenter une telle aventure qui par le passé n’a pas contribué à amorcer une véritable gouvernance politique et démocratique ?

C’est nous qui nous posons cette question. Mais pour les chantres de ce genre d’action ; je veux dire le parti au pouvoir, le CNDD-FDD, c’est une action fructueuse dans son entendement.
Parce que le parti CNDD-FDD ou mieux les leaders de ce parti n’ont pas de culture politique démocratique. Ils pensent qu’en écartant les autres, c’est là où ils pourront « gouverner éternellement le pays ». C’est dans leurs pratiques ; c’est dans leurs habitus, comme dirait Pierre Bourdieu, sociologue français, de vouloir écarter les autres pour garder le pouvoir.

Selon Térence Manirambona, l’un des organisateurs du congrès, une telle activité exige que l’on informe tout simplement l’autorité habilitée. Quelle procédure légale pour qu’un parti politique tient un congrès national ?

Ce que Térence a évoqué est correct. Mais le problème qui se pose, selon la correspondance que le ministre a adressée à l’honorable Agathon Rwasa, c’est que ce parti a vu ses activités suspendues.

Le ministre ne pouvait donc pas entrer dans le fonctionnement normal des partis politiques où ils ne font qu’informer lorsqu’il s’agit de tenir une réunion. Alors cela vient justement renforcer la précédente question.

Le camp Rwasa semble être orphelin, quelles sont, selon vous, les options qui restent pour qu’il puisse s’en tirer ?

Les options qui devraient rester chez Rwasa, ce sont celles liées à la légalité de ce congrès. C’est-à-dire saisir la justice et montrer que le congrès de Ngozi était illégal et démonter cela.

Mais là encore il faudrait douter de cette justice étant donné que le CNDD-FDD, depuis qu’il est arrivé au pouvoir, essaie de contrôler toutes les institutions de l’Etat.

Des conséquences sur le processus électoral en cours ?

Les conséquences, je les ai déjà dites tout au long de cette interview. Le CNDD-FDD veut écarter d’autres concurrents de taille et se présenter en solo aux prochaines élections.
Or, lorsque le processus électoral n’est pas inclusif, il n’est jamais démocratique. Une autre conséquence, peut-être inattendue, serait une conséquence liée à des frustrations des gens. Lorsqu’il y a la peur et les frustrations, on peut s’attendre à d’autres actions non contrôlées.

CNL

Forum des lecteurs d'Iwacu

5 réactions
  1. Anonyme

    Monopartisme au retour !

    • W

      Triste!

  2. hakizimana jean capistran

    Comme le dit Mr leonce, il faut constater que la democratisation a echouE au burundi. L’une des solutions pour resoudre ce probleme qui semble se pointer A l’horison c’est une democratie de facade cachant une dictature pure et simple. Ce dont j’ignore, c’est de savoir si cette option peut nous conduire vers l’emergence tant souhaitee. J’ai tendance A penser que l’apaisement des esprits du point de vue politique est necessaire pour le bien etre du peuple burundais dans son ensemble. Pour le cas d’espece , j’ai deux conseils A donner. La premier conseil va A l’endroit du Ministre ayant les partis politiques dans ses attributions. Il serait mieux et sage qu’il declare le congres de ngozi comme illegal, nul et de nul effet. En agissant ainsi, le ministre eviterait de resoudre un probleme tout en creant un autre probleme. Le second conseil va A l’endroit de Mr Rwasa. Ce dernier doit comprendre que tout est possible A voir ce qui s’est passE A Ngozi. Il doit donc accepter de mettre un peu d’eau dans son verre de vin pour rassembler les membres de son parti et restaurer un climat de confiance entre eux. Ce n’est pas dans tous les cas que le droit reste egal A la justice.

  3. kira

    Ce qui paraît surprenant, ce n’est pas tant le journalisme de connivence qui suinte de l’interview de monsieur Rwasa (toutes les questions posées à l’intéressé étant manifestement des perches tendues à l’ex chef du CNL pour qu »il puisse dérouler son narratif). Ce qui décoiffe, c’est plutôt la consistance avec laquelle monsieur Rwasa traite tous ceux qui ne partagent pas sa vision des choses: ceux qui contestent son leadership sont considérés au mieux comme des  »brebis égarés » ou, au pire, comme des  »malades mentaux ». Après le récent congrès de Ngozi, les voilà désormais devenus des  »bandits ». Quant au ministre de l’intérieur et de la sécurité publique et les agents de son ministère, ils sont traités de  »hors-la-loi »! Un éditorial paru ailleurs sur ce site et consacré au personnage nous révèle que l’intéressé a toujours été un opposant constant et consistant. On voit bien de quelle consistance il s’agit: avoir raison contre tous (au lieu d’apprendre à avoir tort tout seul). En tout état de cause, ce n’est pas ce genre d’outrances qui lui permettront de sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve désormais, à plus forte raison lorsqu’il laisse entendre que la seule loi qu’il reconnaît c’est désormais la sienne. Répondant à la question de savoir ce qu’il compte faire désormais en tant que  »président de ce parti seul reconnu par la loi », monsieur Rwasa dresse un portrait accablant de la situation actuelle du Burundi. C’est son droit. Cependant, après une quinzaine d’années de présence continue à l’assemblée nationale, lorsqu’on essaie de faire le compte du nombre de projets ou de propositions de lois (ou même d’amendements aux projets de lois du gouvernement) présentés par lui-même ou par les députés de son parti pour faire face aux enjeux sociétaux auxquels le pays fait face, le compte est vite fait, le résultat est ZÉRO.

    À la veille de la deuxième Guerre mondiale, l’ancien premier ministre britannique Winston Churchill avait réussi à se faire élire par les Britanniques après leur avoir promis du sang, des larmes et de la sueur. À la veille du cycle électoral qui débutera l’année prochaine au Burundi (et oubliant que n’est pas Churchill qui veut) Rwasa promet le pire au peuple burundais, oubliant que ce peuple a déjà connu différents épisodes du pire dans le passé, épisodes au cours desquels sieur Rwasa lui-même était aux premières loges par ailleurs. À moins que ce soit un éclair de lucidité d’un chef de parti lâché par les siens, qui entrevoit désormais le pire pour lui-même mais préfère l’envisager pour l’ensemble de la communauté nationale. Cela s’appelle la métonymie (ou la mégalomanie, au choix).

    • W

      Tu as tout dit, à part que face à Rwasa, on n’a pas que des saints.

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