C.G., ex-cadre du MSD au nord, B.N., ex-cacique de l’Uprona pro Nditije au sud, et E.S., ancien responsable de l’Uprona au centre du Burundi. Se trouvant à la croisée des chemins, ces trois politiques aux trajectoires différentes ont bifurqué vers le CNL, poids lourd de l’opposition burundaise. Transhumance politique liée au calendrier électoral ou simple illustration du constat d’Aristote : «La nature a horreur du vide.»
Tel un tilapia pouvant s’acclimater à un milieu toxique pour les autres poissons, le climat politique hostile ambiant semble glisser sur le CNL. Mieux qu’une faculté d’adaptation, le négatif se révèle être le ferment de sa vitalité. Le verrouillage de l’espace politique, consécutif à l’éclatement de la crise politique d’avril 2015, s’avère être un tremplin, son ressort.
Dans un contexte de manque d’espace vital pour s’épanouir, et qui plus est de violence politique – quasi exclusivement à son encontre -, la première force de l’opposition parvient à tisser des liens empreints de ferveur avec sa base. « Twopfuma dupfa hako duheba umugambwe wacu » (« Plutôt mourir que d’abandonner notre parti », soutiennent des militants du CNL de la zone Rugari dans la commune et province Muyinga.
Autre tour de force, quand les autres leaders de l’opposition reculent – « main tendue vers le pouvoir » – sous l’effet des vents violents contraires, celui du CNL a appris à naviguer dans les eaux sinueuses de l’adaptation – manoeuvres dilatoires pour l’agrément de son nouveau parti -, durant les quatre années écoulées, évitant les écueils de la compromission. Son entrée à l’hémicycle de Kigobe, considérée par certains comme une capitulation, est aussi une autre manière de slalomer sur le champ de bataille qu’est l’échiquier politique.
Mieux, il siphonne par le haut les autres partis politiques de l’opposition dans un état de conscience politique minimale. Des cas isolés ou début d’hémorragie? Quid de leurs bases désormais orphelines d’un leadership charismatique in situ?
Des dynamiques souterraines de reconfiguration du paysage politique font déjà affleurer un constat : la polarisation de la vie politique burundaise autour d’un corps-à-corps entre deux titans. En résulte l’immobilisme, pas de véritable nouvelle offre politique.
Le combat d’idées pour remettre le pays sur les rails du développement socio-économique, l’échange fécond dans lequel « Autrui est mon Maître » passent ce faisant à la trappe.