La Commission nationale indépendante des droits de l’Homme (CNIDH) a présenté, mercredi, le 29 janvier 2025, son rapport annuel 2024 sur la situation des droits de l’Homme au Burundi et le bilan de ses réalisations, devant la chambre basse du Parlement. Le président de l’Assemblée nationale se félicite de l’état « très avancé » des droits humains au Burundi. Il monte au créneau contre le Rapporteur spécial de l’ONU sur le Burundi. Un rapport minimaliste selon certains militants des droits humains.
Mercredi, le 29 janvier 2025, Sixte Vigny Nimuraba, président de la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme, a présenté son rapport annuel exercice 2024 sur la situation des droits de l’Homme au Burundi et le bilan de ses réalisations, devant la chambre basse du Parlement.
Le rapport montre qu’au cours de l’année 2024, 739 saisines ont été reçues par la Commission : 527 soit 71,3 % ont été déclarées recevables tandis que 212 soit 28,6 % sont irrecevables. Par ailleurs, 580 saisines, soit 78,5 % ont été clôturées alors que 159, soit 21,5 %, sont encore en cours de traitement.
Lors de la présentation de ce rapport, Sixte Vigny Nimuraba a indiqué qu’il a été rédigé au moment où il y avait des signes de promotion » des droits humains. « L’appartenance du Burundi au Conseil des droits de l’Homme des Nations-Unies depuis le premier janvier 2024, le fait que le président burundais était « champion de l’Union africaine » pour l’Agenda jeunesse, paix et sécurité et l’étape déjà franchie du processus électoral en vue des élections de 2025 ».
De la situation des droits humains au Burundi
Lors de sa présentation, le président de la CNIDH a rappelé que les droits civils et politiques constituent le baromètre des droits humains dans le pays. Et le rapport révèle des cas de violations des droits de l’Homme enregistrés au cours de l’année 2024. « La CNIDH note avec inquiétude le phénomène des corps sans vie qui sont découverts ici et là. Parfois, ils sont en décomposition avancés et en l’absence des moyens techniques sophistiqués, les services de sécurité ne parviennent pas à identifier ni les victimes ni les auteurs tellement les pistes sont brouillées », peut-on lire dans ce rapport de 126 pages.
Sur ce, note le rapport, au cours de l’année 2024, 15 cas de corps sans vie et 9 cas d’homicides, « attribués aux agents de l’ordre ont également été portés à la connaissance de la CNIDH ». Le rapport de la CNIDH précise aussi qu’au cours de la même année, 18 cas « d’allégations d’enlèvement suivi de disparition forcée avec ouverture de dossiers pénaux » ont été enregistrés.
Au niveau des droits de ne pas être détenu illégalement ou arbitrairement, Sixte Vigny Nimuraba souligne surtout les mauvaises conditions carcérales :« la surpopulation carcérale, le manque d’eau et d’hygiène dans les cachots, le retard dans le transfert des détenus des cachots initiaux vers d’autres établissements pénitentiaires ».
Par ailleurs, le rapport va plus loin : « au cours de cette année sous rapport, la CNIDH a enregistré dans les cachots de police judiciaire des cas de garde à vue des femmes enceintes ou allaitantes, des cas d’enfants mineurs détenus avec les adultes, de détention pour des affaires civiles ou pour des faits non infractionnels, des cas de détention sur ordre des autorités n’ayant pas la compétence de décider de la détention et des cas de dépassement du délai légal de garde à vue ».
Le rapport mentionne également des cas de maintien en détention des personnes ayant manifestement une déficience mentale, celles qui ont été acquittées définitivement et celles qui ont déjà purgé leurs peines. « Au début du mois de novembre 2024 par exemple, la CNIDH dénombrait dans la prison de Bururi, 17 personnes acquittées, mais qui restaient en détention pendant qu’il y en avait 10 à la prison de Rumonge et 13 cas à la prison de Ngozi ».
Au niveau du respect des libertés publiques, le rapport fait ressortir des interdictions de la tenue des réunions à Rutana « alors que la loi régissant les partis politiques exige seulement la déclaration de la réunion programmée aux autorités administratives ».
Et au niveau de la « cohabitation pacifique des partis politiques », la CNIDH dit avoir observé quelques actes isolés de vandalisme des permanences et des insignes des partis politiques, dont notamment le Frodebu, le CNL et le Cndd-Fdd.
Tableau synoptique
Source : CNIDH
Le Rapporteur spécial de l’ONU sur le Burundi décrié
En dépit de ce bilan de la CNIDH sur la situation des droits humains au Burundi, Gélase Daniel Ndabirabe, président de l’Assemblée nationale monte au créneau contre le Rapporteur spécial de l’ONU sur le Burundi. Il estime que le pays, étant en avance en matière de respect des droits humains par rapport aux autres, ce mécanisme onusien n’a pas de place au Burundi.
« Les droits de l’homme sont un instrument pour déstabiliser les Etats. Nous nous inscrivons en faux contre le Rapporteur spécial de l’ONU sur le Burundi. Et d’ailleurs, il faut le dégommer. Le Burundi s’est toujours opposé à ce mécanisme, mais il persiste », décrit le président de l’Assemblée nationale.
Il estime aussi qu’au niveau du respect des droits humains, le Burundi est très avancé par rapport à de nombreux pays, y compris de l’Occident. « Vous vous rendez compte par exemple qu’en Roumanie on a annulé les résultats des élections sous prétexte que celui qui avait gagné n’était pas voulu par les Occidentaux. En occident même, des manifestations en faveur des libertés sont en cours. Le chaos est extrême. Mais ils viennent nous donner des leçons. Est-ce que vous n’avez pas d’arguments pour les convaincre que nous sommes en avance ? Que ce Rapporteur aille opérer dans ces pays où les libertés sont bafouées ».
Le président de l’Assemblée nationale trouve d’ailleurs injuste et exclut ce qu’il qualifie d’habitude de toujours convoquer le Burundi à Genève pour aller se justifier en matière de respect des droits de l’Homme. « Il ne faut plus le faire. Qu’ils le fassent eux-mêmes, car ils sont encore en arrière ».
Finalement, s’interroge M. Ndabirabe, pourquoi vouloir nous exiger à respecter des engagements internationaux, à ratifier des conventions et traités, de respecter des droits humains du moment qu’ils sont les premiers à les violer ? Pourquoi est-ce que c’est seulement le Burundi qui est indexé ? Et ainsi de conclure : « On risquera de se retirer un moment pour examiner la manière dont les autres respectent ces droits de l’Homme ».
À cela, le président de la CNIDH n’a pas manqué de souligner que si le Burundi devient un modèle, cela honore le pays. D’ailleurs, pour certains députés, il n’est pas nécessaire que les autres pays respectent les droits de l’Homme pour que le Burundi le fasse. « Du moment que nous accordons la priorité à la démocratie dans notre pays, il est de notre intérêt de continuer à lutter pour elle ».
Trois questions à Me Janvier Bigirimana
Vos appréhensions sur le rapport de la CNIDH ?
Le rapport de la CNIDH est très minimaliste par rapport à la réalité de la violation récurrente des droits humains au Burundi.
Dans un contexte où des violations sont régulièrement commises, la CNIDH devrait faire des efforts supplémentaires pour être davantage indépendante et ainsi essayer de prévenir et protéger, autant que faire se peut, les droits humains perpétuellement en péril au Burundi.
Mais le Burundi est « très avancé » …
Il faut dire que classiquement, dans une société qui aspire à devenir démocratique et surtout dans la logique de séparation des pouvoirs, l’Assemblée nationale devrait jouer le rôle de rempart contre les abus commis par les autres pouvoirs.
Or, nous sommes témoins d’une Assemblée nationale plutôt aux allures de caisse de résonance du gouvernement.
Dire que le Burundi est très avancé en matière de respect des droits de l’Homme, c’est ignorer le vécu quotidien des Burundais. C’est d’ailleurs une méconnaissance de l’importance des droits humains pour la vie des citoyens, la stabilité du pays et l’avenir de la jeunesse burundaise.
Quid du respect et de la collaboration avec les mécanismes internationaux de droits de l’Homme ?
D’abord, au nom de la continuité de l’Etat et de la souveraineté reconnue à chaque Etat, les autorités du Burundi doivent se rendre à l’évidence que le Burundi a pris plusieurs engagements internationaux, sous différents régimes, justement dans le sens non seulement de se comporter comme un État normal et moderne, mais aussi pour pouvoir y tirer profit.
Puisque certaines aides aux Etats fragiles comme le nôtre ont été, à maintes reprises, conditionnées par le respect d’un minimum de standards internationaux dans le domaine des droits humains et de la démocratie.
Bien plus, aussi longtemps que le Burundi ne s’est pas retiré de ses engagements, il sera toujours pointé du doigt, amené à s’expliquer sur des violations récidivistes devenues monnaie courante comme cela ressort des rapports indépendants des ONG et du Rapporteur Spécial des Nations-Unies sur le Burundi.
Le fait que même des États puissants acceptent de se soumettre à cet exercice révèle que l’interaction et la coopération entre différents États sont devenues une absolue nécessité.
En refusant ce devoir de coopérer avec les mécanismes internationaux de protection des droits humains, ce responsable politique burundais continue la logique suicidaire d’isolement du Burundi pour que de graves violations des droits de l’Homme continuent à se commettre à huis clos.
Plutôt que de blâmer ces mécanismes internationaux dont le Burundi fait partie, il serait plutôt intéressant de mettre en place des stratégies afin de rompre avec la violence et les répétitives violations des droits humains afin que le Burundi cesse d’être la risée du monde entier, puisque notre pays est perçu comme le plus pauvre, parmi les plus corrompus et les plus, violateurs des droits humains.
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