Un CNC qui tape uniquement sur certains médias privés, indifférent aux prestations déséquilibrées des médias publics, avec un vice-président qui porte deux casquettes. Le CNC semble avoir choisi son camp. Entre les médias privés et le CNC, le divorce paraît déjà consommé.
La nomination du tandem Pierre Bambasi et Adolphe Manirakiza à la tête du CNC avait été saluée par les professionnels des médias. Le premier, ancien journaliste, un homme qui avait laissé une excellente image tout au long de son riche parcours (il a été gouverneur de province, ministre, etc.). Le second, très bien formé en journalisme et communication (en Belgique), connaît aussi très bien les médias pour avoir été porte-parole de l’armée. Bref, un duo qui, apparemment, avait toutes les chances de bien travailler avec les médias, surtout après les relations houleuses avec l’équipe précédente.
Aujourd’hui, il faut déchanter. Le CNC s’est installé dans un rôle répressif, en passant allègrement les dossiers qui lui arrivent à la Justice. Or, le CNC n’est pas là pour réprimer mais aussi pour aider la presse. Il devrait par exemple engager une réflexion avec le gouvernement pour aider les médias à avoir une fiscalité qui les aide à ne pas payer certaines taxes, des facilités pour importer du matériel, etc. Dans plusieurs pays africains, les médias sont véritablement soutenus. Mais sur toutes ces questions là, le CNC est absent.
Mais c’est surtout la partialité du CNC qui énerve les responsables des médias. Innocent Muhozi, une des voix respectée des médias burundais et président de l’Observatoire de la Presse Burundaise (OPB) ne décolère pas : « Le CNC tape sur des radios, ignore les fautes graves commises par une certaine station ! Un « deux poids deux mesures » éhonté. »
M. Muhozi dénonce la rapidité et la légèreté avec lesquelles le CNC a sorti une mise en grade destinée à tous les médias qui avaient diffusé l’interview du président du Frodebu, Léonce Ngandakumana. « Ils ne sont même pas donné la peine d’écouter ou de visionner les extraits diffusés. Ils ont balancé une mise en garde collective. Ainsi, Télé Renaissance, n’avait même pas diffusé l’extrait incriminé ! C’est grotesque ! » Pour le président de l’OPB, ce petit détail montre combien le CNC est « sous pression et sous les ordres du pouvoir ».
Qui a jamais entendu un rappel à l’ordre du CNC à la RTNB ?
Innocent Muhozi souligne aussi le silence du CNC concernant les médias publics : « La RTNB qui est pourtant de service public verse dans la propagande pour le pouvoir en place, ne respecte pas l’équilibre de l’information. Qui a jamais entendu un rappel à l’ordre du CNC invitant la RTNB à être plus équilibrée, à être véritablement de service public ? Pourtant, la manière dont les médias publics traitent l’information fait partie de ses missions. Enfin, last not least, le Colonel Adolphe Manirakiza, vice-président du CNC fait également partie du Conseil National de Sécurité.
Dernièrement, le CNS, à travers la voix du ministre de la Défense, a sorti une déclaration dans laquelle il condamnait le travail de certains médias. Quid de la neutralité du Colonel Manirakiza qui siège ainsi dans ces deux conseils ? Le CNC ne risque-t-il pas d’être influencé par les vues du CNS ? La question est posée. Dans tous les cas, après des débuts prometteurs, une crise de confiance grave s’est installée entre le CNC et les médias privés. La cassure est telle qu’un directeur d’une radio privée a déjà indiqué qu’il ne « participera plus à aucune rencontre avec le CNC.»