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Célébration du cinquantenaire : l’apparat plutôt que le fond

05/05/2013 Commentaires fermés sur Célébration du cinquantenaire : l’apparat plutôt que le fond

Les Burundais viennent de célébrer le cinquantenaire de leur indépendance. Certains apprécient la préparation des festivités. D’autres constatent que les moyens utilisés sont exorbitants. Iwacu revient sur cet événement important pour le pays.

<doc4569|right>Les cérémonies de la célébration du cinquantenaire étaient riches en couleurs. Elles étaient presque chronométrées. Avant le début des festivités proprement dites, le couple présidentiel dépose des gerbes de fleurs au mausolée du Prince Louis Rwagasore et à la place de l’Indépendance.

Aux environs de 10h30, Pierre Nkurunziza, président de la République du Burundi, passe en revue les militaires burundais et ceux d’autres pays de l’East African Community (EAC), rangés tout au long du boulevard de l’Uprona.
Vers 10h50, Pierre Nkurunziza prend place dans la tribune construite tout près de la Présidence. Entouré de trois autres drapeaux, celui de l’EAC, celui qui représente les 50 ans d’indépendance, le drapeau du Burundi est hissé sous le rythme de l’hymne national. L’Abbé Barengayabo bat la mesure. S’en suit la chanson du cinquantenaire.

Des files d’attente de fonctionnaires s’observent tout au long des boulevards de l’Uprona, de l’Indépendance et sur l’avenue de l’Université et d’autres rues du quartier Rohero.

A 11h 15, deux avions apparaissent dans le ciel. Trois parachutistes ouvrent le spectacle. Suivra alors un long défilé des fonctionnaires, des entreprises publiques et privées, des banques, des agences de communications, etc. Tout cela bouclé comme d’habitude par le défilé policier et militaire.

Quelques points positifs

Le mouvement d’ensemble du dimanche 1er juillet était bien organisé. Ceux qui étaient au stade ont apprécié les différentes danses et toutes les activités étaient bien coordonnées. Ce mouvement a rassemblé près de 4mille écoliers, élèves et militaires, entraînés par les Chinois. Vers la fin des cérémonies, ils ont envahi le terrain du stade et ont constitué un décor immobile.
Le défilé du 2 juillet a été également bien apprécié par ceux qui étaient au stade. Tout le monde était bien habillé et souriait.

Les festivités ont connu la présence de six présidents : Mwai Kibaki (Kenya), président en exercice de l’EAC, Theodoro Obiang Nguema (Guinée Equatoriale), Joseph Kabila Kabange (République Démocratique du Congo), Jakaya Morisho Kikwete (Tanzanie), François Bozizé (République Centre-Africaine) et Sheikh Sharif Ahmed (Somalie). Le prince héritier du Royaume de Belgique et son épouse, le nonce apostolique, le 1er ministre du Rwanda, le vice-président de l’Ouganda, le vice – 1er ministre de la Turquie, Jean Ping, président de la Commission de l’Union Africaine, des représentants des gouvernements de Swaziland, des pays européens, américains, des ambassadeurs, etc. Tous étaient venus s’associer aux Burundais, lors de ces cérémonies du 2 juillet. Il y avait plusieurs véhicules neufs, de marque Mercédès, qui déplaçaient ces invités.

Quelques points négatifs

Peu avant l’arrivée du président de la République au boulevard de l’indépendance, les organisateurs ont demandé à tous ceux qui ne sont pas ministres de se lever pour céder leurs places à d’autres invités d’honneur. D’aucuns se demandent pourquoi les organisateurs n’ont pas prévu des chaises suffisantes pour tous les invités.
Le second point qui a surpris plus d’un est le traitement réservé aux juges de la Cour Suprême. A leur arrivée, ceux-ci n’ont pas trouvé où s’asseoir dans la tribune d’honneur. Les organisateurs n’avaient visiblement pas prévu de place pour eux. Or, conformément à la Constitution du Burundi qui consacre la séparation des pouvoirs, le président de la Cour Suprême devrait avoir les mêmes honneurs que le président de la République ou celui de l’Assemblée nationale. C’est longtemps après que trois de ces juges ont eu une place où s’asseoir à côté de la tribune d’honneur. Pire encore, les juges de la Cour Suprême sont sommés de défiler en toge comme les autres juges, alors que c’est strictement interdit par la loi. Même le syndicat des magistrats avait décrié cette pratique.

L’organisation a aussi été défaillante du côté de la presse. Les journalistes tant Burundais qu’étrangers n’ont pas eu leurs badges à temps. Certains ont dû se rendre au boulevard de l’indépendance sans ces badges. Plus grave, certains agents de la garde présidentielle n’ont pas facilité la tâche des journalistes en les empêchant de prendre des images. Le cas emblématique est celui d’un journaliste ougandais empêché de prendre en photo le chef de la délégation ougandaise qui allait recevoir des mains du président burundais le cadeau que celui-ci offrait au Président Museveni. Il a fallu une intervention en personne de Pierre Nkurunziza pour que ce journaliste fasse son travail.

<doc4567|left>« L’exécutif veut toujours s’ingérer dans le judiciaire »

Le Syndicat des Magistrats du Burundi (SYMABU) avait, avant la célébration du cinquantenaire de l’indépendance du Burundi, protesté contre le défilé du corps de la magistrature. Les membres du SYMABU avançaient deux raisons, selon Lambert Nimubona, son président. D’abord, au Burundi, on n’accorde pas la place qu’il faut à la justice en tant que 3ème pouvoir. L’exemple est celui du président de la Cour Suprême qui n’a pas eu de place à la tribune d’honneur. Ensuite, précise-t-il, il est strictement interdit de défiler avec une toge, car, c’est un vêtement sacré que les magistrats portent uniquement lors des audiences judiciaires. « Ailleurs, ils ont des toges destinées aux festivités », signale-t-il. Malgré cet appel des magistrats, ils ont défilé en toges comme l’avait voulu le ministre de la Justice.

Lambert Nimubona révèle que les magistrats sont en train de préparer une réunion pour voir l’attitude à prendre. « La cause de toutes ces violations des principes est que l’exécutif veut toujours s’ingérer dans le judiciaire », déplore le président de la SYMABU. Or, dit-il, les trois pouvoirs (l’exécutif, le législatif et le judiciaire) devraient être séparés, le judiciaire étant dirigé par le président de la Cour Suprême. « Ce dernier serait élu par ses pairs et il signerait même un décret formel », assure-t-il. D’après Lambert Nimubona, le président du judiciaire aurait le même titre honorifique et le rang protocolaire que ceux de l’Assemblée Nationale et du Sénat. 
Mais aujourd’hui, souligne Nimubona, l’exécutif et le législatif s’ingèrent dans le judiciaire. « Par exemple, le premier nomme les magistrats et le second les approuve. Comme si le judiciaire est sous leur contrôle, précise-t-il. 

<doc4568|right>Le délégué général du FORSC admet avoir apprécié l’attachement des Burundais à leur pays, lors de la célébration du 50ème anniversaire de l’indépendance du pays. Selon lui, la présence des dirigeants de la sous-région est également un signe éloquent de cet attachement. Néanmoins, il trouve que le jubilé aurait dû être l’occasion d’une réflexion, d’une analyse de tous les aspects de la vie, notamment sur les questions cruciales. Ainsi, Pacifique Nininahazwe critique les moyens financiers utilisés pour les cérémonies au moment où les caisses de l’état sont vides. Il estime que l’on aurait dû fêter dans la sobriété et la simplicité. Concernant les prix, il estime que c’est une bonne chose pour les personnes remarquables comme Pierre Ngendandumwe. Toutefois, selon lui, il y a lieu de s’interroger sur d’autres décorés, alors qu’ils sont cités dans des affaires d’assassinats et de malversations économiques. « Il était plus judicieux de les laver d’abord de tout soupçon », souligne-t-il.

Réactions des hommes politiques

Chauvineau Mugwengezo, porte-parole de l’ADC-Ikibiri estime que la célébration du cinquantenaire a permis au président de la République de continuer sa campagne. Pour lui, les Burundais s’attendaient à un discours rassurant pour l’avenir politique du pays. Or, regrette-t-il, rien n’a été dit à cet égard. Il constate que c’est un grand événement au cours duquel le président de la République aurait dû répondre à toutes les problématiques soulevées par l’opposition, la société civile et la communauté internationale.

Malheureusement, explique-t-il, la population est restée sur sa soif. Bonaventure Niyoyankana, président de l’UPRONA, affirme que le parti veut faire du bilan de la fête du cinquantenaire de l’indépendance du Burundi, une évaluation scientifique pour analyser tous les aspects. Il veut que le document qui en résultera soit la base d’un débat. Le parti UPRONA prévoit très prochainement une réunion pour analyser et donner un travail complet.
Iwacu a contacté Pascal Nyabenda, président du parti CNDD-FDD, pour donner son point de vue sur le cinquantenaire, sans succès.

<doc4571|left>Un discours égal, sans fond riche

Selon le professeur Gertrude Kazoviyo, spécialiste de l’analyse du discours politique, le discours du président de la République, à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance du Burundi, aurait pu être plus structuré. Selon elle, Elle pense qu’au lieu de faire une évaluation et des perspectives dans un discours de 28 minutes, plusieurs discours, pendant plusieurs jours s’il le faut, auraient été nécessaires pour évaluer des domaines spécifiques. Il y aurait dû y avoir, au moins, cinq discours en fonction de domaines bien précis : politique, économique, social, environnement, intégration régionale, etc.

Le Pr Kazoviyo estime qu’il y a eu de la négligence sur ce que doit être un discours politique, lors d’un tel événement, car il s’est passé beaucoup de choses durant cette période. « Le fait de tout mélanger pendant 28 minutes a empêché le Chef de l’Etat d’insister sur l’essentiel de chaque domaine, afin d’en tirer des leçons pour l’avenir. » Par ailleurs, elle indique qu’il s’agissait d’un ramassis d’éléments tirés de plusieurs domaines pour avoir l’essentiel des 50 ans, dont la majorité concerne les projets, les œuvres et les réalisations du régime actuel. « C’est intelligent, mais malhonnête ! », s’indigne-t-elle.

Le politologue Jean Salathiel Muntunutwiwe semble être du même avis. Au niveau des prix accordés aux personnalités « importantes de la République », il trouve que le pouvoir Nkurunziza s’est, pour l’essentiel, primé pour se « relégitimer » aux yeux de la population. «  C’est aussi un message d’auto amnistie à l’égard de ceux qui, nationaux ou étrangers, accusent de divers maux, certains parmi les décorés », indique-t-il.

<doc4570|left>Des festivités chères

Gabriel Rufyiri, président de l’OLUCOME (Observatoire de Lutte contre les Malversations Economiques) affirme que la célébration du cinquantenaire de l’indépendance du Burundi a coûté très cher au pays : « Alors que la loi des finances 2012 prévoyait 2 milliards de Fbu pour la fête, nous estimons à près de 5 milliards de Fbu, le montant utilisé dans les cérémonies. » Pour ce militant anti-corruption, la commission chargée de préparer la fête devait minimiser les coûts en tenant compte du rapport du PNUD 2011 classant le Burundi parmi les trois pays les plus pauvres du monde. D’après Rufyiri, même le temps consacré à la célébration des 50 ans d’indépendance ruine le pays économiquement. « Nous avons tout d’abord perdu le lundi, un jour de travail, et les autorités vont passer tout un mois à sillonner tout le pays. Tout cela va engager des dépenses en ce qui concerne le carburant, les frais de mission etc.», précise-t-il. Et de renchérir : « Au Burundi, nous pensons plus à la consommation qu’à la production. Or, cela nous enfonce dans la pauvreté ».

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