Claudine Nininahazwe croupit à la prison centrale de Mpimba depuis six mois, accusée d’avoir émis des chèques sans provision dans une affaire d’usure. Elle demande d’être libérée pour cause de maladies incurables.
<img5760|right>« Pourquoi me garde-t-on seule en prison alors que mes créanciers sont libres dans une infraction d’usure», se lamente Claudine Nininahazwe. Le plus frustrant d’après elle, c’est qu’il n’y a jamais eu de procès devant un tribunal alors qu’elle vient de passer six mois derrière les barreaux.
L’affaire remonte à 2008. Madame Nininahazwe contracte plusieurs dettes envers différentes personnes avec des taux d’intérêts mensuels variant entre 30 et 35%. Elle émet pour cela des chèques sans provisions. Le tout est fait à l’insu de Benoît Ntorogo, son mari. L’opération dure trois ans.
Début 2012, accablée de dettes, qui vont jusqu’à plusieurs millions pour certains de ces créanciers, elle décide de porter plainte au Parquet près la Cour d’Appel de Bujumbura contre ses créanciers et surtout contre ces taux d’intérêts exorbitants: « J’avais déjà payé mes créanciers, mais ils me disaient que ma dette était devenue énorme avec le temps. »
Au lieu d’avouer la vérité à son mari, Madame Nininahazwe se tait et continue à payer. « Parfois je leur donnais de l’argent sans aucun écrit», confie-t-elle. Profitant de sa faiblesse, un de ces créanciers n’hésite pas à la menacer avec une arme. Elle finit par lui donner sa voiture de peur d’être tuée.
« Je souffre de maladies incurables »
Dans la foulée, elle apprend que Valentin Bagorikunda, procureur de la République, a sorti une note circulaire réprimant l’usure à l’origine des chèques de garantie et mettant sur pied une commission chargée d’enquêter sur ces cas.
Elle se rend au Parquet pour demander des éclaircissements sur cette note. Et coup de théâtre : elle est conduite à Mpimba manu militari. Depuis, elle ne cesse de demander que justice lui soit rendue : « J’ai payé mes créanciers mais ils exigent que je leur donne les intérêts exorbitants qu’ils m’ont fait signer par intimidation. »
Elle demande d’être relâchée car elle souffre d’un cancer, d’un ulcère d’estomac, d’une insuffisance cardiaque et d’autres maladies difficiles à traiter en prison. « Un décret du 25 juin 2012 stipule dans son article 3 que tous les prisonniers souffrant de maladies incurables doivent être libérés. Pourquoi ne le suis-je pas », regrette-t-elle.
Pour Benoît Ntorogo, l’époux de Claudine Nininahazwe, il ne s’agit que d’une violation flagrante de la loi car celle-ci stipule qu’en cas d’usure et dès lors que le dossier est ouvert à la justice, l’usurier et l’émetteur du chèque de garantie doivent tous deux être poursuivis et mis dans la même situation, c’est-à-dire libres ou détenus.
Montage d’assassinat
Plus grave, explique-t-il, Evelyne Izobiriza, une créancière de sa femme, chercherait à l’impliquer dans cette affaire. Et d’ajouter : « Elle m’a informé de la dette que ma femme lui doit et je lui ai rétorqué que nous étions mariés sous le régime de séparation des biens. »
Au lieu de comprendre que l’affaire de « banque Lambert » ne le concerne en rien, s’étonne Benoît Ntorogo, Evelyne Izobiriza a monté un coup arguant que Benoît Ntorogo veut l’assassiner pour pouvoir lui extorquer de l’argent.
C’est ainsi, affirme-t-il, qu’un certain jeune homme, Elysée Nishimwe, en visite au cachot du service national de renseignements, en date du 5 juillet 2012, s’est vu séquestrer et emprisonner par des agents du même service afin d’impliquer Benoît Ntorogo dans un pseudo assassinat contre Evelyne Izobiriza. « Elle a même promis trois millions à Elysée Nishimwe pour qu’il m’incrimine, mais il a refusé, malgré la torture qui a duré du 5 au 23 juillet 2012 », avance toujours Benoît Ntorogo.
Actuellement, ce sexagénaire demande que cette femme soit traduite devant la justice pour expliquer pourquoi elle a organisé tout ce montage. Et de rappeler que conformément à la loi, Evelyne Izobiriza devrait être à Mpimba au même titre que sa femme car elle est aussi coupable d’usure.
Iwacu a contacté Evelyne Izobiriza pour qu’elle s’exprime en vain.
| L’Article 299 du Code pénal stipule qu’est puni d’une servitude pénale de trois mois à deux ans et d’une amende de dix mille francs à cinquante mille francs ou d’une de ces peines seulement, celui qui, abusant des faiblesses, des passions, des besoins ou de l’ignorance du débiteur, se fait, en raison d’une opération de crédit, d’un contrat de prêt ou de toute autre contrat indiquant une remise de valeur immobilière, quelle que soit la forme apparente du contrat, promettra pour lui-même ou pour autrui un intérêt ou d’autres avantages excédant manifestement l’intérêt normal.
Selon la note circulaire du procureur de la République du 15 mars 2012, il y a usure dès lors que, par une opération de crédit, d’un contrat de prêt ou tout autre contrat indiquant une remise de valeur mobilière, quelle que soit la valeur apparente du contrat, le taux d’intérêt annuel dépasse 6% en matière civile et 8% en matière commerciale. |