Citoyens, à la poche et aux urnes !

Comme dans la plupart des pays dirigés par une ancienne rébellion, où une certaine propension à conduire les affaires d’une main de fer prend souvent le dessus, les anciens réflexes de guérilla persistent et peinent à disparaître. Même lorsque les ex-combattants ont déjà troqué leurs treillis contre des costumes sur mesure, le territoire doit être bien quadrillé, tout doit être sous contrôle.

Quand il s’agit d’une décision comme cette mobilisation du « parti de l’aigle » pour la collecte des fonds destinés à financer sa campagne électorale, la tendance à la faire exécuter comme un ordre militaire s’invite. C’est là que les méthodes coercitives, les manières fortes, le forcing et parfois des menaces ou du chantage entrent en jeu, comme rapporté ici et là.

Il n’est pas aisé pour le citoyen ordinaire de se voir intimidé par des menaces selon lesquelles, s’il ne paie pas, il risque de ne pas avoir accès à l’eau à la borne fontaine, qu’il n’obtiendra pas tel service administratif sans présenter le reçu portant l’insigne du « parti de l’aigle », ou encore qu’il pourrait se voir refuser l’accès au marché sans ce sésame.

Appelé à donner sa contribution sous quelques menaces à peine voilées, tel boutiquier ou tel petit commerçant, peu importe ses convictions politiques, s’empressera de payer le montant demandé – pardon, exigé : « C’est pour ne pas s’attirer des problèmes évoqués à demi-mot. Pourvu que la somme demandée soit raisonnable, car les affaires ne marchent pas bien par les temps qui courent », va-t-il maugréer en regardant ce reçu corsé comme une accumulation de taxes non encore payées.

S’acquitter de ce devoir, de cette contribution, pour le dynamisme du parti ou pour la bonne marche de la campagne n’est pas en soi un acte répréhensible, pourvu que le retour sur investissement soit à la hauteur des espoirs suscités, pourvu qu’il y ait des retombées positives pour le contributeur ou le contribuable. Si tel est le cas, il y aura moins de réticences à mettre la main à la poche ou à la bourse.

Mais ce qui cloche, c’est la manière ou le mode de collecte de ces fonds commandités par le parti au pouvoir, souvent accompagnés de quelques maladresses de militants zélés. Ils font carrément du porte-à-porte, présentant à tout le monde une quittance, même aux militants des autres partis, qui parfois nourrissent en sourdine une certaine aversion contre ce « parti de l’aigle ».

Petit clin d’œil : les reçus présentés sont facilement falsifiables, il n’y a pas de tampon, ce qui laisse planer quelques doutes quant à la destination de cette collecte. Parfois, des groupes de collecteurs de ces contributions se retrouvent sur une même zone, toquant aux mêmes portes ou aux mêmes boutiques.

À défaut de la somme demandée, il n’est pas rare que ces jeunes militants exigent des boutiquiers ou des vendeuses de légumes et fruits, l’équivalent en nature : un article dont le coût est plus ou moins le même que le montant demandé. Le risque de détournement de ces articles ou même des sommes récoltées est grand.