Mardi 05 novembre 2024

Société

Circulation routière : les deux roues et trois roues confinés

Circulation routière : les deux roues et trois roues confinés
Les conducteurs des bicycles et tricycles dans la commune Ntahangwa demandent la suspension de la mesure concernant la nouvelle délimitation.

Colère, amertume, désespoir… la décision du ministre en charge de l’Intérieur, Gervais Ndirakobuca, de délimiter le périmètre de circulation des motos, des vélos et tricycles suscite colère et remous en Mairie de Bujumbura. L’annonce inattendue a été faite lors d’une réunion avec les administratifs à la base en mairie de Bujumbura le 23 février 2022. Pour les conducteurs et les usagers de ces moyens de transport, cette mesure est inique. Le ministre dit que la mesure est « irréversible ».

Par Fabrice Manirakiza, Alphonse Yikeze, Keyna Iteriteka, Egide Harerimana, Félix Haburiyakira, Jérémie Misago

« Avec cette nouvelle délimitation, nous allons mourir de faim. Nos familles seront affectées énormément. Pendant les élections de 2020, ils nous ont laissé circuler partout. On s’attendait plutôt à une ouverture », commentent certains conducteurs timidement avant le début de la réunion. C’était lors d’une réunion avec l’administration et la police de roulage le 2 mars dans la commune Ntahangwa en mairie de Bujumbura. Les propriétaires et conducteurs des bicycles et tricycles sont remontés. Ils dénoncent une « mesure prise à la hâte».

Des centaines de conducteurs et propriétaires de bicycles et tricycles avaient répondu massivement au rendez-vous. Prêts à exprimer leurs inquiétudes et lamentations, voire leur colère. Ils s’attendaient à une bonne nouvelle : la suspension de la mesure. Le président de l’association des motocyclistes du Burundi (AMOTABU), Jadot Nzitunga, regrette que les concernés n’ont pas été concertés avant la prise de la décision de fixer la nouvelle délimitation des zones interdites. « Nous avons toujours demandé de nous asseoir avec la commission technique de la police pour trouver une mesure favorable pour tous. La plupart de ceux qui exercent ce métier de transport sont des diplômés qui étaient des chômeurs. Il fallait les rencontrer, les prévenir de cette décision qui affectera leur vie », explique le président de l’Amotabu. Et de demander au ministère chargé de la Sécurité publique de surseoir à cette mesure pour privilégier le dialogue avec les concernés.

Les petits commerçants impactés
Pour un propriétaire de moto, la vétusté des infrastructures routières pose problème : « Il ne faut pas seulement culpabiliser les conducteurs des bicycles et tricycles. Les routes sont si étroites qu’elles ne peuvent pas contenir la circulation des véhicules, bicycles, tricycles et piétons ».

Il rappelle le cas des petits commerçants qui se déplacent normalement avec les bicycles ou tricycles à bas prix pour exercer leur business. « Est-ce qu’ils pourront se déplacer avec des taxis voiture avec leurs maigres capitaux ? »

Même son de cloche chez un conducteur de Tuk-Tuk. Selon lui, les prix des taxis voiture ne sont pas abordables pour tous les Burundais. Pour lui, la mesure devrait donner aux bicycles et tricycles un accès aux marchés de Cotebu et celui de Bujumbura City market « chez Sion ».

« Il faut prioriser les formations sur le Code routier »

Certaines associations et coopératives ont aussi exprimé leurs préoccupations face à cette mesure. Le représentant de l’association « Voix en Action » indique que les membres de cette association utilisent des motos dans leurs déplacements dans différents quartiers de la commune Ntahangwa. Il a demandé une dérogation pour son association. « Nous avons contracté des crédits auprès des banques pour acheter des motos. Après la nouvelle délimitation, il nous sera difficile de rembourser ces crédits », se lamente Jaoul Nikuza, représentant d’une coopérative des motards « Ejo Heza ». Il a fait savoir que le niveau bas de connaissances du Code routier de certains conducteurs est à l’origine de l’augmentation des accidents.
« Certains chauffeurs et conducteurs n’ont pas de permis de conduire. » Pour éviter les accidents de roulage, ajoute-t-il, il faut plutôt privilégier l’encadrement des conducteurs et les formations au Code de la route. Au lieu de fixer des zones interdites.

D’autres conducteurs des vélos, motos et Tuk-Tuk réclament la suspension provisoire de la mesure pour privilégier le dialogue. Il faut reporter la date du 11 mars pour qu’ils s’apprêtent à l’exécution de ladite mesure. « Vous avez pris cette décision précipitamment. Nous vivons dans des quartiers qui sont parmi les zones interdites. Cette fois-ci, on devra déménager vers les quartiers périphériques pour la sécurité de nos motos et vélos. Mais, il faudra attendre pour consommer les cautions des loyers que nous avons déjà payés ».

La réponse d’Eugène Bizindavyi, Commandant de la police de la sécurité routière (PSR), était sans équivoques. « La mesure ne sera pas suspendue. » Pour lui, c’est une mesure prise à un moment opportun émanant d’une vision à long terme. « Le désordre sur les routes de la ville a fait que cette mesure soit prise pour protéger la population. Nous devons changer l’image de la ville. Cela est possible quand il n’y a pas du désordre dans le transport ». Et d’appeler les conducteurs à changer de comportements. Sinon, ils pourraient même perdre les secteurs auxquels ils ont accès.

Le commandant PSR fait savoir que les conducteurs des bicycles et tricycles pourront désormais exercer même dans les localités hors de la ville de Bujumbura. Une nouvelle que les concernés ont vite salué.

« S’ils ne nous laissent pas travailler, nous allons semer le chaos ! »

L’administratrice de la commune Muha, Dévote Ndayisenga, en réunion avec les propriétaires et conducteurs des véhicules à deux roues et trois roues de sa commune.

Mercredi 2 mars dans l’après-midi, l’administratrice de la Commune Muha a ouvert un dialogue avec les propriétaires et conducteurs des véhicules deux roues et trois roues. Face à une administratrice embarrassée, des hommes et des femmes ont exprimé leur désarroi. La salle de la paroisse Kanyosha communément appelée ‘’Kwa Padiri’’ était archicomble. Quelques centaines de conducteurs et propriétaires de motos, tricycles et vélos avaient fait le déplacement. La tension était à son comble. Malgré la colère et la déception qui se lisaient sur les visages, le public présent attendait sagement la venue de l’administratrice de la commune Muha, Dévote Ndayisenga. Celle-ci arrive avec un retard de plus de deux heures par rapport au timing prévu. A ses côtés, deux policiers qu’elle présentera comme experts en sécurité routière.

Mme Ndayisenga revient d’abord sur le contenu de la récente décision du ministre chargé de l’intérieur qu’elle dit « implacable ». Au moment où elle commence à détailler les mesures prises dans le cadre de l’interdiction de circuler dans un périmètre assez large dans les zones Kanyosha et Musaga, des clameurs fusent dans la salle. La mesure accompagnée de sanctions interdisant la conservation à domicile des véhicules à deux roues et trois rues au niveau de la zone Musaga interdite de circulation pour ces derniers soulève carrément un tollé. Deux tiers du public quitte soudain la salle. Des cris fusent de tous côtés. La cacophonie s’installe.
L’administratrice n’arrive plus à poursuivre sa réunion. Près de dix minutes s’écoulent avant que le calme ne revienne. La réunion peut alors continuer.

L’administratrice est visiblement dans l’embarras et le public le ressent. A l’évocation d’une mesure prise « par des autorités que vous avez élues vous-mêmes », un conducteur de tricycle assis à nos côtés pouffe de rire. « S’ils croient sincèrement qu’ils peuvent continuer à nous berner avec ce genre de slogans, ils se mettent le doigt dans l’œil ! ». Tout de suite, Athanase Bukeyeneza, un des policiers experts en sécurité routière, dit être prêt à répondre à toutes les questions du public avec un bémol toutefois. « Je ne m’exprimerai que sur les situations qui entrent dans le cadre de mes attributions ». Un propriétaire de moto assis près de nous murmure avec une voix à peine audible, mais de façon à se faire entendre de « ses compagnons de malheur. « C’est juste une manière d’esquiver les questions gênantes ». Le ton est donné.

Un public déchaîné

Y.U., propriétaire et conducteur de tricycles dans la zone Musaga, demande à l’administratrice la manière dont il pourra déplacer ses véhicules trois roues vers sa colline natale au vu de l’interdiction de circuler couvrant un périmètre très large. La réponse de Dévote Ndayisenga laisse le public pantois. « Celui ou celle qui compte déplacer ses véhicules deux roues et trois roues vers sa région natale pourra le faire aisément. Cependant, l’interdiction lui est faite de le faire avant la date butoir du 11 mars ! ». Des cris d’indignation se font entendre de tous les côtés.

L’administratrice sent que ses administrés présents à cette réunion sont à cran. Croyant pouvoir calmer les esprits, elle se voit obligée de recourir au registre religieux. « Dieu fait des miracles. Il paiera vos dettes contractées pour vous procurer ces outils de commerce ! ». O.H., propriétaire de plusieurs vélos lance, agacé. « Ce type de diversions montre bien que notre pays est pourri jusqu’à la moelle ! »

Interrogé sur les chiffres d’une étude sur les accidents routiers qu’il a lui-même citée dans son intervention pour appuyer la décision de son ministre de tutelle, Athanase Bukeyeneza botte en touche. « C’est du secret professionnel ! ». Certains, parmi le public, s’interrogent à voix haute. « Il se dit expert de la sécurité et il n’est même pas capable d’avancer un seul chiffre sur ce qu’il dit ? C’est quel genre d’expert ? ».

Une dame d’un âge avancé prend le micro. « Je viens à peine de réceptionner mes tricycles que je me suis payée à l’aide de crédits. Comment vais-je m’y prendre chères autorités ? Mon investissement vient de partir en fumée alors que j’espérais que les revenus tirés de ces tricycles pouvaient compléter la faible retraite que je perçois à l’INSS ». Signalons qu’un tricycle neuf coûte aux alentours de 10.000.000 BIF. La maman âgée s’exprime avec une voix douce qui provoque assez vite l’émotion dans la salle.

Un autre intervenant prend la parole. « Ayez la décence d’imaginer, chères autorités, à quel point ces véhicules deux roues et trois roues faisaient vivre des familles entières. Ils payaient nos loyers, la ration de nourriture quotidienne ! Comment allons-nous vivre dorénavant ? Nous allons tout simplement mourir de faim ». Pour s’en sortir, l’administratrice tente une échappatoire qui va choquer le public. « Celui qui se casse la cheville apprend à boiter ! Concentrons-nous uniquement sur cette mesure prise ! Les questions de loyers impayés et rations journalières non fournies qui sont des conséquences liées à cette mesure ne devraient pas nous préoccuper maintenant ! »

Mais le public revient à la charge. Un homme visiblement désespéré insiste pour prendre le micro. « Messieurs les policiers, vous aviez l’habitude de déclarer les accidents de la route impliquant nos motos, vélos et tricycles. Mais dorénavant, une tâche s’ajoutera à celle-là : celle de déclarer la faim qui toque à nos portes ». Rires dans la salle. Même le policier Bukeyeneza à qui cette pique est spécialement adressée ne retient pas un sourire de gêne.

Un autre intervenant enfonce le clou. « Les longues files d’attente des bus au niveau de l’ex-marché central de Bujumbura vont s’intensifier vu qu’il n’y aura plus de tricycles pour déplacer un grand nombre de personnes. Comment allez-vous gérer tout cela ? ». Réponse magique de l’administratrice : « Ceux qui avaient pour habitude de se déplacer à l’aide de taxi-vélos prendront le bus et ceux qui se déplaçaient à l’aide de tricycles vont prendre les taxis collectifs. » Et d’ajouter que les moyens de transport vont être multipliés dans les prochains jours sans plus de détails.

« Bujumbura, capitale économique ? Vraiment ? »

Quand arrive le tour de G.Z de prendre la parole, la propriétaire de motos se déchaîne au micro. « Vous rappelez-vous que vous avez longtemps martelé que vous alliez faire de Bujumbura une capitale économique, mais là, du coup, vous venez de refouler à la périphérie ceux et celles qui contribuent largement à l’économie de cette ville. Alors, Bujumbura, capitale économique, vraiment ? ».

Une affirmation à laquelle l’administratrice n’a pas su quoi répondre. Interrogée sur l’ordonnance ministérielle qui accompagne la décision, Dévote Ndayisenga tente une pirouette. « Le ministre peut prendre des décisions et les soumettre directement à ses collaborateurs qui les font appliquer ». Fermez le ban.
Pour un autre intervenant, c’est son avenir professionnel qui se trouve hypothéqué. « Notre travail va s’arrêter puisqu’à un moment donné on n’arrivera plus à bénéficier de versements à faire à nos patrons. Devrais-je ensuite retourner à la campagne pour cultiver ? »

Un autre souligne l’impact d’une telle situation sur la route principale qui traverse la zone Kanyosha déjà engorgée. « Ceux qui œuvraient dans les zones Kinindo et Musaga vont tous se ruer ici. Déjà que c’était assez compliqué de circuler, vous-même vous n’aurez plus où passer Mme l’administratrice ! »

Timidement, K.T., un jeune homme dans la vingtaine prend le micro. Son témoignage suscite tout de suite l’émotion. « Je suis détenteur d’une licence de l’Université du Burundi. Comme je n’arrivais pas à décrocher un emploi, j’ai dû convertir mon vélo en un outil de commerce pour me nourrir. C’est moi qui conduisais mon vélo et il me permettait de couvrir mes besoins essentiels ! »

C’est un K.T. qui se dit triste et déçu qui poursuit. « J’ai cru en l’appel du président lancé aux jeunes les incitant à l’entrepreneuriat et cela m’avait renforcé dans l’idée de devenir conducteur d’un taxi-vélo. Que vais-je faire maintenant ? Qu’il nous donne du travail. La force ce n’est pas ce qui nous manque ». La tristesse est vive dans la salle.

Face à ce déluge de critiques et de lamentations, l’administratrice de la commune Muha ne sait plus où donner de la tête. Ses réponses empruntant au lexique religieux en sont l’illustration. « Ne voyez pas tout dans le négatif. Dieu va ouvrir les vannes. Il vous épaulera ! ». Une posture qui finit par agacer J.I, propriétaire de tricycles. « Qu’est-ce que Dieu vient faire dans cette histoire ? Elle nous prend vraiment pour des idiots ! C’est de l’hypocrisie ».

L’administratrice essaie d’apaiser les esprits, mais rien n’y fait. Par contre, certains de ses propos suscitent des éclats de rire moqueur dans la salle. « Celui qui œuvrait par exemple à Musaga va opérer ici à Kanyosha où il pourrait avoir plus d’argent qu’avant. La chance existe vous savez ! ».

A l’extérieur de la salle, la colère n’est pas retombée. Un conducteur de taxi-moto rencontré à la fin de cette réunion prévient les hautes autorités du pays. « S’ils ne nous laissent pas travailler, nous allons semer le chaos ! »

Le même scénario en commune Mukaza

Quelques participants dans la réunion en commune Mukaza.

Les conducteurs de taxis-vélos, motos et Tuk-Tuk étaient dans le désarroi lors de la réunion que l’administrateur de la commune Mukaza, Rénovat Sindayihebura, a tenu une réunion, ce mercredi 2 mars, afin d’éclaircir la mesure leur interdisant d’exercer leur métier dans cette commune. Des explications non convaincantes selon ces usagers. Ils dénoncent une mesure unilatérale et qui les plonge dans une vie précaire. « La mesure est incontournable. Vous devez déménager vers le nouveau périmètre à la date butoir », a indiqué l’administrateur. « La mesure fait suite à une étude faite par le commissariat de la police de roulage qui fait état de nombreux accidents en mairie de Bujumbura ». La mesure, a-t-il expliqué, ne concerne pas l’une ou l’autre personne, mais vient répondre à la préoccupation du gouvernement, celle de protéger la population et ses biens.

De son côté, Désiré Niyongabo, commandant adjoint de l’unité de police de roulage et de sécurité routière a fait savoir que la mesure est purement technique et non politique. « Elle a été prise pour des raisons sécuritaires en général, et de la sécurité routière, en particulier ».

Joe-Dassin Nkezabahizi, sous commissaire de la police de sécurité intérieure dans la commune de Mukaza a invité les usagers de ces bicycles et tricycles à respecter la mesure. Et de les mettre en garde : « Qu’aucun vélo, moto, tricycle ne circulent plus dans la commune de Mukaza après la date butoir. Ne les gardez pas dans vos maisons. Conservez-les dans les nouveaux périmètres où vous êtes autorisés d’exercer votre métier ».
Anticipativement, M. Sindayihebura a répondu à certaines préoccupations de ses administrés notamment en qui concerne des personnes vivant avec handicaps qui se déplacent à vélo, des personnes qui pratiquent le sport sur vélo, des modalités d’accès au contrôle technique et du paiement des frais de stationnement.

Cette autorité municipale a fait savoir que l’administration et la police vont analyser chaque cas et qu’une solution sera vite communiquée.

Par ailleurs, Rénovat Sindayihebura a exhorté ceux qui seront incapables d’exercer le métier dans les nouveaux endroits, de changer de métier ou de déménager vers l’intérieur du pays. « J’encourage ceux qui ont déjà déménagé vers l’intérieur du pays ».

Prenant la parole, certains usagers ont décrié la mesure en la qualifiant d’unilatérale. Ils ont rejeté l’argument faisant état d’accidents devenus monnaie courante. Et de s’interroger : « Est-ce qu’il n’y aura plus d’accidents dans ces quartiers du moment que l’on sait que ces derniers sont déjà surpeuplés ? »

Un vendeur de lait et qui le distribue à l’aide d’un vélo estime que ce produit comme d’autres denrées alimentaires vont monter de prix. « Si le lait est distribué à l’aide du véhicule, son prix risque de doubler ». Par ailleurs, fait-il observer, les conditions de vie vont être précaires. « Il fallait nous concerter pour que nous cherchions vers où déménager », s’indigne Prosper. Il demande au ministère de l’Intérieur de surseoir à la mesure.

D’autres intervenants ont plaidé pour les élèves et les étudiants qui utilisent le vélo. Ils ont évoqué les écoles et les universités implantées dans des endroits où les bus n’arrivent pas. Le risque étant d’arriver en retard. En outre, ont-ils déploré, les élèves et étudiants seront obligés d’utiliser beaucoup de frais de transport alors que certains proviennent des familles démunies.

Réagissant à toutes ces préoccupations, Rénovat Sindayihebura a été catégorique. « Plus question de sursoir à la mesure ou de prolonger le délai. La mesure est d’application immédiate ». Il a exhorté ceux qui faisaient le transport des denrées alimentaires ou produits laitiers de s’associer afin d’acheter des véhicules. Les autorités policières, quant à elles, leur ont recommandé d’élargir leur périmètre en dehors de la mairie tout en leur rassurant. « Il n’y aura plus d’amendes pour déviation d’itinéraire »


Plus de tricycles, vélos et motos en mairie de Bujumbura ?

La mesure du ministère de l’Intérieur, de la sécurité publique et du développement communautaire est décriée par les usagers tout comme leurs conducteurs et leurs propriétaires.

Le ministre chargé de l’Intérieur et de la Sécurité publique dit avoir pris cette décision pour motif d’accidents routiers et d’insécurité.

Les limites sont fixées par zone. Dans la zone Sud, ces véhicules à deux roues et trous roues ne dépasseront plus le pont Kamesa et l’endroit communément appelé « Bonesha ». Ils ne pourront pas également dépasser le pont situé à la 12e avenue de la zone Musaga ainsi que le pont Kanyosha.

Dans la zone nord, ils n’ont plus le droit de franchir la rivière Gasenyi, le rond-point dit « Chanic »et le château d’eau situé à Mutanga Nord. Dans le territoire nord également, ils ne pourront plus franchir la Gard du Nord, la 1ère avenue de la zone Kamenge ainsi que l’endroit dit « Iwabo w’abantu ».

Dans le secteur centre, les motos, Tuk-Tuk et vélos ne doivent pas dépasser le Campus Kiriri de l’université du Burundi, les quartiers Sororezo et Mugoboka. Les vélos, motos, tricycles sont interdits également dans presque toute la zone de Ngagara, toute la zone de Musaga ainsi que toute la commune de Mukaza.

La mesure devrait être mise en application dès ce jeudi 11 mars 2022. Sur un ton ferme, le ministre Ndirakobuca a annoncé également que la décision concerne tous ces types engins, sauf ceux de la police, ceux du corps diplomatique et consulaire et ceux du gouvernement. « Il n’y a pas d’exception, seules les motos à plaque d’immatriculation du gouvernement ou de la police ont le droit de franchir cette limite imposée. Nous ne voulons pas voir des badges ou autres justificatifs. Que celui qui veut franchir cette limite saches qu’il aura touché l’intouchable», a dit le ministre de l’Intérieur.

Même les motos, vélos ou tricycles qui ne sont pas utilisés pour le transport rémunéré sont concernés par la mesure. Ces engins ne pourront pas rentrer dans cette zone interdite également.

Quid de la raison derrière cette mesure ? Il s’agit selon le ministre Ndirakobuca de la Sécurité routière. Selon les chiffres donnés par ce ministère, 3449 accidents de véhicules contre véhicules, 1543 de véhicules contre tricycles, motos et vélos ont été enregistrés au courant de l’année 2021.
Selon le même ministère, 924 cas d’accidents n’ont pas connu de suite, car leurs auteurs ont fui laissant leurs engins sur place. Il y aurait 627 vélos et 302 motos saisis.

Selon toujours le ministre Gervais Ndirakobuca, da décision est prise pour stopper cette recrudescence des accidents de roulage et le désordre dans les rues de Bujumbura. Le ministre a exhorté les administratifs à aller expliquer leurs gouvernés que la mesure n’est pas politique, mais plutôt technique et qu’elle a été mise en place pour la sécurité des habitants de la mairie de Bujumbura. Pour certains habitants de la ville de Bujumbura, cette mesure vient chasser carrément ces véhicules. Signalons que la mairie de Bujumbura compte plus de 8000 motos, 4275 tricycles et 8124 vélos à usage commercial.

Des interrogations ne manquent pas

Dans la réunion du 23 février dernier, certains administratifs n’ont pas manqué de soulever leurs inquiétudes quant à la mise en application de cette décision du ministère de l’Intérieur. Evelyne Nininahazwe, chef de zone Cibitoke, a demandé au ministre d’imposer la rigueur dans la sécurité routière plutôt. « Les motos, les vélos et les Tuk-Tuk auront un petit périmètre de travail, je proposerais de la rigueur en matière de sécurité sinon il n’y aura plus de vélos ni de motos pour le déplacement. »

A l’hémicycle de Kigobe dans la journée du 24 février, le ministre de l’Intérieur lors d’une session de questions orales à l’Assemblée nationale, les députés n’ont pas manqué de soulever la question.

Le « très honorable » président de l’Assemblée nationale, Gélase Ndabirabe, a tenté, sans succès, d’étouffer cette affaire en rappelant aux parlementaires de poser des questions en rapport avec l’ordre du jour qui était le rapport d’audit des comptes et de conformités des activités, des transactions et des informations financières des communes Ruyigi, Mugina, Giteranyi, Ngozi et Nyanza-Lac.

Le parlementaire Gikeke a demandé au ministre Ndirakobuca de sursoir à cette mesure le temps que les parents se préparent en conséquence et trouvent une solution pour le déplacement de leurs enfants vers leurs écoles respectives. « Monsieur le ministre, nous sommes en plein milieu du deuxième trimestre de l’année scolaire, dans peu, les élèves entreront dans la période des examens. Vous savez tout comme moi que ces moyens de déplacement sont très sollicités. Pourriez-vous sursoir à cette décision pour permettre à ces enfants de préparer leurs examens et aux parents de se préparer en conséquence pour le trimestre suivant ?  Ou du moins, laisser passer les Tuk-Tuk et les motos transportant des enfants en uniformes ?» Telle était la question de l’honorable Gikeke.

L’honorable Pascal Bizumuremyi quant à lui, a présenté une requête des habitants de la mairie de Bujumbura et surtout les vendeurs de fruits et légumes qui s’approvisionnent au marché dit « COTEBU » et certains fonctionnaires de l’Etat. « Monsieur le ministre, certains marchands qui s’approvisionnent au marché dit « Cotebu » m’ont présenté leurs inquiétudes. Ils disent qu’ils n’auront plus de moyens de déplacement pour se rendre au marché. Comment vont-ils vivre ? Il y a également certains fonctionnaires et salariés à revenus minimes qui utilisent les motos pour arriver à leurs bureaux respectifs. Avec les embouteillages le matin, ils craignent qu’ils ne puissent plus arriver à temps à leurs postes», a-t-il déclaré.

A toutes ces questions, le ministre Ndirakobuca a répondu que cette mesure n’est pas politique, mais technique et par conséquent non discutable. « Cette décision a été prise par les techniciens, ils ont aussi des motos, ce n’est à l’encontre de personne, mais c’est pour le bien de tous les habitants de la mairie de Bujumbura. Après les examens, ça ne sera pas la fin de leurs études, je suis sûr qu’ils vont se déplacer et étudier comme il le faut. Quant aux fonctionnaires, même avec les motos, les rapports des inspecteurs nous montrent toujours qu’ils sont souvent en retard. Pour les commerçants, s’ils n’arrivent pas à venir s’approvisionner, les grossistes iront vers eux. D’ailleurs, ce n’est pas le client qui est sensé aller vers le produit, c’est le contraire. »

Selon le ministre en charge de la sécurité publique, les parlementaires devraient attendre la mise en application de la mesure pour voir ses retombées et discuter de probables solutions.

Quant aux parlementaires qui lui ont demandé une séance pour étudier à fond cette question, le ministre Ndirakobuca leur a dit que ce n’est pas lui qu’il faut voir, mais plutôt les policiers techniciens qui ont trouvé cette solution comme voie de sortie.

Dans une correspondance du 25 février 2022, les conducteurs des vélos, tricycles et motos réunis dans différents syndicats ont adressé une correspondance au Premier ministre lui demandant de suspendre la décision prise par le ministre de l’Intérieur.

Ils déclaraient comprendre les raisons derrière la nouvelle délimitation imposée par ledit ministère, mais avançaient également que cette délimitation va fragiliser les travailleurs du secteur. « Il s’agit de plus de vingt mille travailleurs de ce secteur qui seront privés de leurs sources de revenus, bien que nous comprenions les préoccupations du ministère de l’Intérieur relatifs à la réduction des accidents de roulage. Cela devrait passer par la concertation et le dialogue social afin de trouver des solutions acceptables pour les deux côtés. » peut-on lire dans cette lettre signée Emmanuel Nimubona, Eric Ngendakumana et Gérard Nijimbere qui représentent respectivement, le syndicat des professionnels de taxi-vélos, le syndicat des chauffeurs de Tuk-Tuk et le syndicat des chauffeurs Taxi-Vélo.

Les syndicats demandent au ministère d’organiser un cadre de concertation avec les représentants de ces syndicats pour étudier cette question qui, selon ces syndicats, vient pour impacter négativement les populations à faibles revenus qui se déplacent à l’aide de ces moyens.

Quid des répercussions sur le groupe LADAK ?

Logo du groupe Ladak.

Le groupe LADAK monopolise jusque-là l’importation des tricycles et des motos au Burundi. La procédure était que les clients paient deux mois avant l’arrivée de leurs commandes depuis des années maintenant.

Après la mesure de restriction du territoire de travail des tricycles, des motos et des vélos, les clients du groupe LADAK se sont mobilisés en masse pour demander l’argent qu’ils avaient payé pour l’achat de ces véhicules à deux roues et trois roues. Ils craignent de travailler à perte une fois leur commande arrivée. Le transport ne sera plus rémunérateur selon ces clients.

Quant au groupe LADAK, via la chargée de la logistique Joëlle Nkinahamira, fait savoir que leurs clients ne seront pas victimes de cette nouvelle délimitation et qu’ils sont en train de suivre l’évolution de cette situation.

Le groupe LADAK, les propriétaires et les conducteurs ne seront pas les seuls perdants de cette nouvelle délimitation. Chacun de ces véhicules payait des frais de stationnement par mois en mairie de Bujumbura.

Il s’agit d’une somme de 5 000 BIF par mois pour les motos, de 2000 BIF pour les vélos et de 10 mille BIF pour les tricycles. Calculs faits, il s’agit d’une perte de 40 millions BIF pour les motos, 16 248.000 BIF pour les vélos et 42.750.000BIF pour les tricycles. Il s’agit d’une perte de 98.998.000 BIF par mois et de 1.187.976.000 BIF par an.


>> Réactions

Pierre Nduwayo : « Une mesure pénalisante pour les usagers à revenus modestes »

Pour le président de l’Association burundaise des Consommateurs (Abuco), la décision du ministre Ndirakobuca aura un impact négatif énorme pour de nombreuses familles. « Ces moyens de transport faisaient vivre deux familles. La famille du conducteur et la famille du propriétaire. Sans parler aussi de la famille élargie qui pouvait aussi en bénéficier ».

D’après lui, la décision d’interdire de circuler dans un large périmètre aux tricycles, motos et vélos au sein de la mairie de Bujumbura va pénaliser les usagers à revenu modeste ainsi que des catégories diverses et variées au sein de la population : les enfants qui se déplaçaient à l’aide de ces véhicules pour aller à l’école, les petites commerçantes qui s’en servaient pour arriver à leur lieu de travail avec leurs produits, …

Pierre Nduwayo estime aussi que le délai de mise en application de cette mesure accordé aux conducteurs et propriétaires de ces véhicules est assez court. « Comment ceux qui ont investi dans ce secteur pourront-ils récupérer leur investissement dans un tel laps de temps ? »

Et de juger que si le ministre dit avoir consulté des experts en charge de la sécurité routière, il aurait dû faire de même avec tous les partenaires concernés pour dégager une solution qui arrange tout le monde. Et de demander aux pouvoirs publics de surseoir à l’application de cette mesure et initier le dialogue avec tous les acteurs concernés.

Faustin Ndikumana : « Cette mesure a des conséquences sur la vie socio-économique du pays et des citoyens »

Dans une lettre adressée au ministre de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique, ce 2 mars, le directeur national de l’association Paroles et actions pour le réveil des consciences et le changement des mentalités (Parcem) demande que la mesure de délimitation des nouvelles zones interdites soit suspendue.

Faustin Ndikumana regrette que l’application de cette mesure puisse exclure une catégorie de citoyens d’accéder dans certains endroits ou limiter leur droit à circuler suite aux moyens de transport qu’ils utilisent alors que la Constitution garantit ces libertés de mouvement et de circuler à travers ses articles 25 et 33.

Il évoque l’article 164 de la Constitution de la République qui stipule que les garanties de la sauvegarde de la liberté individuelle, des libertés publiques et des sujétions imposés aux citoyens pour la sécurité de leurs biens et services sont du domaine de la loi.

L’article 25 de la constitution, poursuit-il, est assez clair : « Tout être humain à droit à la liberté de sa personne, notamment à l’intégrité physique et psychique et à la liberté de mouvement. Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Et d’ajouter l’article 33 : « Tous les citoyens burundais ont le droit de circuler et de s’établir librement n’importe où sur le territoire national ainsi que de le quitter et d’y revenir ».

Ainsi, il rappelle que la mesure devrait être une ordonnance ministérielle mettant en application dans certains aspects une loi promulguée dans ce sens par le président de la République.

Pour lui, cette mesure aura des effets sur différentes catégories de la vie sociale. Il énumère entre autres les familles des propriétaires, familles des chauffeurs, celles des employés et propriétaires des entreprises vendeuses des motos, vélos, Tuk-Tuk, celles des mécaniciens qui réparent ces outils de transport ainsi que des vendeurs des pièces de rechange.

D’autres catégories qui, selon Faustin Ndikumana, seront affectées sont les petits commerçants, des élèves, étudiants et écoliers, des petites et moyennes entreprises pour leurs services ainsi que des fonctionnaires et autres agents qui utilisent ces outils de transport pour se rendre aux bureaux.

Il recommande que les automobilistes soient sensibilisés sur l’impact négatif de l’excès de vitesse, comme le code de la route limite cette vitesse à 50km/h en mairie de Bujumbura.

Selon Faustin Ndikumana, il faut équiper la police en instruments comme l’alcooltest et des caméras surveillant les excès de vitesse, systématiser l’installation des feux régulant la circulation routière, améliorer l’état des routes de la mairie de Bujumbura ainsi que mettre de la rigueur dans l’octroi des permis de conduire et dans le contrôle technique. Et de suggérer la délocalisation des ministères vers la capitale politique pour désengorger la capitale économique.

Gabriel Rufyiri : « Le ministre pense peut-être qu’il est en train de bien faire, mais c’est faux»

« C’est vrai il y a un problème de circulation routière, mais la mesure prise par le ministre est une mesure disproportionnée avec des lourdes conséquences », indique Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome. Pour lui, cette mesure devrait être suspendue et prendre d’autres mesures qui puissent aider à satisfaire la population, surtout les utilisateurs de ces motos, Tuk-Tuk et vélos. D’après lui, cette mesure va engendrer en premier lieu un taux de chômage élevé est un banditisme croissant à cause de la pauvreté. « Les propriétaires de ces véhicules ont contracté des crédits. Du coup, ils ne pourront plus payer. De plus, le gouvernement va aussi perdre, car ces engins paient des taxes et impôts. Les banques pourraient être aussi en difficulté, car leurs clients ne seront plus capables de payer. »

D’après M. Rufyiri, il y aura aussi une crise de confiance entre l’Etat et les familles. « Les autres conducteurs qui sont dans les provinces vont prendre des mesures pour se protéger notamment en vendant leurs motos ou abandonner carrément ce secteur. L’autre conséquence sera un manque d’initiative parce que les gens vont penser qu’entreprendre est un problème. » Selon le président de l’Olucome, les utilisateurs vont avoir des difficultés à exécuter leurs programmes importants à cause de la rareté des bus et les infrastructures routières qui sont délabrées et impraticables.

Entre autres solutions, Gabriel Rufyiri propose d’organiser une réunion d’urgence pour voir les voies et moyens afin que la sécurité routière soit assurée et avoir un consensus sur cette question. « En tous cas, personne n’a envie de mourir. Il faut un dialogue franc et sincère. » D’après lui, il faut des états généraux du secteur de transport en commun, car ce secteur de transport a beaucoup de défis. « Il est extrêmement important au gouvernement de définir la nouvelle politique de transport public et privé, car nous voyons qu’il y a un problème. » M. Rufyiri pense qu’il faut aussi une politique de modernisation des infrastructures routières, car elles ne sont plus adaptées. « On ne voit pas le passage de piétons, les signalisations brillent par leur absence. Il y a aussi la méconnaissance de la loi. Il faut un suivi rigoureux dans l’obtention des permis de conduire. Il faut des radars, car ils peuvent aider et dissuader certains conducteurs. Il faut également une éducation et des campagnes de sensibilisation à la sécurité routière. » De plus, poursuit-il, il faut un mécanisme efficace de lutte contre la corruption dans le secteur du transport.

Léonce Ngendakumana : « C’est une initiative malheureuse»

« Je ne sais pas si la question a été étudiée en Conseil des ministres. Je ne sais pas s’il y a un texte réglementaire ou une ordonnance ou si c’est encore un souhait », réagit, vice-président du parti Sahwanya-Frodebu. D’après ce qu’il a dit à l’Assemblée nationale, poursuit-il, ce n’est plus un souhait. « C’est une décision toute faite. C’est une initiative malheureuse. Ce genre de question n’est pas régler par force. Parfois le résultat attendu n’est jamais atteint. On risque d’aboutir à un résultat contraire. »

Pour M. Ngendakumana, cette décision aurait été prise après consultation de toutes les concernés. « C’est un dialogue social. Une question qui engage environ 20 mille personnes, qui les prive de leurs moyens de subsistance, c’est déplorable. Cette mesure devait être discutée au niveau du gouvernement. Il est là pour garantir la paix et la sécurité à tous les citoyens et non aux gens de Bujumbura. »

Et de se poser une question : « Est-ce que les gens qui vivent là on a envoyé ces véhicules n’ont pas besoin de sécurité ? » Selon lui, cette décision est censée garantir la paix et la sécurité de tous les citoyens et non ceux de la mairie de Bujumbura.

Léonce Ngendakumana trouve que les explications du ministre Gervais Ndirakobuca ne sont pas convaincantes. « Lui-même n’est pas convaincu. Comment peut-il convaincre la population ? Si le président de l’Assemblée nationale n’était pas intervenu, le ministre n’allait pas s’en sortir devant les députés. » Au lieu d’envoyer ses agents qui ne sont au courant de rien, indique-t-il, le gouvernement doit s’engager lui-même et expliquer à la population la pertinence de cette décision. « Pourquoi les gens de la périphérie ne doivent pas être traités comme les autres Burundais ? C’est de l’exclusion. Quand on est déçu, frustré, désespéré, tout peut arriver ».

Kathy Kezimana : « C’est une mesure qui choque, prise à la va-vite »

La députée du CNL, Kathy Kezimana, dénonce la mesure. « Prendre une telle décision et ne donner que 10 jours en pensant que les choses iront bien sans s’y préparer ne peut que causer des problèmes. C’est un travail qui faisait vivre beaucoup de familles. Ces conducteurs et propriétaires ne savent plus à quel saint se vouer ».

Pour elle, cette mesure devrait être expliquée pour que ces conducteurs en comprennent les motivations « La prise de cette mesure devrait prendre des mois pour une préparation psychologique. Ils leur ont pris presque tout leur espace d’action. L’espace qui leur reste ne leur convient pas pour leur survie ».

Mme Kezimana explique que la préparation permettrait d’éviter des pertes pour ceux qui ont commandé des motos, Tuk-Tuk.  Ceux derniers, précise-t-elle, ne n’ont plus où les mettre. S’ils étaient informés avant, ils les auraient vendus. Selon elle, leur donner 10 jours seulement déstabilise énormément. Ils ne peuvent plus se préparer pour s’adapter à ces nouveaux défis.

Hamza Venant Burikukiye : « Cette mesure reste légitime »

Pour le représentant légal de l’association Capes +, la mesure prise reste légitime même si elle s’avère pénible et impopulaire. « Ce qui importe serait apriori de s’exécuter et puis réglementer ce moyen de transport et discipliner les conducteurs au sein de leurs syndicats respectifs. » D’après lui, certaines catégories spécifiques, qui ne sont pas parmi les transporteurs lucratifs, devraient être considérées autrement et s’il le faut exemptés de cette mesure.


Nickson Habonimana : « L’indiscipline au volant, principale cause d’accidents routiers »

Pour le chef de bureau de l’Observatoire de la sécurité routière, plus de la moitié des accidents de la route est due aux bus de transport en commun, loin devant les véhicules deux roues et trois roues.

Quelles sont les principales causes d’accident sur la route en mairie de Bujumbura ?

Les causes d’accidents routiers généralement observées en mairie de Bujumbura sont liées surtout à l’indiscipline au volant qui bat des records dans notre pays. On trouve des gens qui ne respectent pas les règles de priorité, qui utilisent le téléphone au volant, qui mènent une conduite insupportable sur la voie publique, qui conduisent des véhicules qui ne remplissent pas du tout les normes, l’ivresse au volant, etc.

De plus, certaines catégories de véhicules font particulièrement des dégâts sur la voirie urbaine. Il s’agit notamment de voitures de la Police ou de l’Armée qui ne remplissent aucune norme et qui, malgré cela, continuent de circuler grâce à la complicité des forces de l’ordre.

Dans son annonce, le ministre en charge de l’Intérieur a parlé de 130 morts et 1970 blessés liés aux accidents routiers dans tout le pays pour l’année 2021. Quelle est la part, selon vous, des véhicules deux roues et trois roues dans ces accidents ?

En tant qu’observateur de la sécurité routière, je me félicite d’abord de ce qu’un aussi haut commis de l’Etat s’intéresse à ce sujet. Seulement, la décision prise concernant les véhicules deux roues et trois roues n’était vraiment pas appropriée. Tout simplement parce que ce ne sont pas ce type de véhicules qui causent le plus d’accidents.

D’après nos études, plus de 50% des accidents routiers sont le fait des bus de transport en commun. Nous avons des chauffeurs qui affichent un comportement irresponsable, voire même souvent meurtrier sur la route. En fait, en lieu et place d’un permis de conduire, ces « chauffards » disposent d’un permis de tuer.

Est-ce que vous trouvez que la Police joue convenablement son rôle dans la régulation du trafic routier ?

Ce n’est pas le cas. Souvent, les policiers ne se contentent que d’exiger des conducteurs des véhicules des documents administratifs, le contrôle technique … Or, rien qu’à ce niveau-là, les failles sont énormes. Moins de 15% des véhicules appartenant au parc automobile de Bujumbura sont en règle avec l’Otraco pour ce qui est du contrôle technique.

Qu’est-ce qui devrait être fait pour améliorer la sécurité routière ?

Des sanctions sévères pour ceux qui violent les codes de la route, mais aussi pour ceux qui conduisent des véhicules qui ne remplissent pas les normes. Il faut que cesse notamment la complaisance des policiers à l’encontre des véhicules de l’armée et de la police qui sont dans cette situation-là.
Offrir aussi des moyens conséquents au département de la sécurité routière qui travaille dans le dénuement (manque d’outils et de matériels adéquats, locaux vétustes, etc.).

Forum des lecteurs d'Iwacu

1 réaction
  1. Joyce

    Deux observations sur le contenu de l’article et une opinion personnelle:

    1. « D’après lui, certaines catégories spécifiques, qui ne sont pas parmi les transporteurs lucratifs, devraient être considérées autrement et s’il le faut exemptés de cette mesure » (Hamza Venant Burikukiye). Il est le premier à oser parler pour les transporteurs non lucratifs. A ceux-là, je croix que l’ordonnance ministérielle devrait faire exception. Posséder une moto ou un velo en propre au service de sa propre famille, pour des déplacements des membres de la famille et non pas à des fins lucratives, je ne vois pas pourquoi on devrait l’empêcher aux citoyens de Rohero et de toute la zone interdite aux deux et trois roues. Je ne comprends pas pourquoi on devrait contraindre aux mêmes citoyens qui sont dejà en possession de ces motos de devoir s’en débarrasser et, dans le pire des cas, de les détruire, parce qu’ils ne sont plus autorisés à les rentrer au domicile. Je ne vois pas non plus pourquoi on devrait interdire l’accès au centre ville de Bujumbura à quiconque viendrait avec sa moto ou son velo de l’intérieur du pays. Pourquoi serait-il interdit de traverser la ville, par exemple pour celui qui partirait avec sa moto personnelle de Bugarama pour Rumonge?

    2. Je suis content que les chiffres du ministère de l’Intérieur reflète les observations de Nickson Habonimana. En effet, contrairement à l’indexation faite aux deux ou trois roues, le gros des accidents est orchestré par les voitures et non par les motos ou autres tuk-tuk. Les chiffres sont éloquents: « 3449 accidents de véhicules contre véhicules, 1543 de véhicules contre tricycles, motos et vélos ont été enregistrés au courant de l’année 2021 ». Il n’est même pas dit que la responsabilité pour ces 1543 accidents qui ont eu tricycles, motos et vélos comme protagonistes soit imputable à ces derniers. Je suismême convaincu du contraire. Par conséquent, si les chiffres du ministère de l’Intérieur démontrent que les tricycles, motos et vélos n’y sont pas pour grand chose pour l’essentiel de ces accidents, pourquoi le ministère se leur bloque l’accès au centre ville alors ce sont les véhicules qui sont cause de plus d’accident? En toute logique, s’il y a lieu de protéger le Centre Ville et la population en general, ils devraient être protégés des véhicules et non des tricycles, motos et vélos.

    3. Une opinion personnelle:
    Ne pourrait-on pas empêcher aux tricycles, motos et vélos l’accès aux axes principaux (Comme l’Ancien 28 Novembre ou l’axe Gare du Nord – Cotebu – Centre Ville) et leur permettre l’accès à d’autres axes qui pourraient mener mêmement au Centre ville mais fréquentés uniquement par eux? Par exemple une moto pourrait partir du quartier Kamenge et arriver au Centre Ville en empruntant des voies inter-quartiers qui seraient à déterminer. Le trajet serait plus ou moins long, mais cette décision servirait à diminuer sensiblement les accidents, et permettrait à tous les usagers des tricycles, motos et vélos de maintenir chacun ses intérêts.

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