Mardi 05 novembre 2024

Économie

Circulation routière : Le ministre de l’Intérieur se félicite, la population trinque

Circulation routière : Le ministre de l’Intérieur se félicite, la population trinque
Innocent : « Le président de la République l’a bien dit que chaque homme doit avoir au moins 10 000 mille BIF dans sa poche. Est-ce qu’on va avoir les dix mille étant ici dans ces caniveaux ? »

Baisse des recettes journalières, manque de moyens de déplacement, perte de temps, découragement…Telles sont certaines conséquences de la mise en application, depuis lundi 21 mars, de la mesure délimitant l’espace interdit aux deux-roues et tricycles en mairie de Bujumbura. Une mesure respectée malgré les critiques. Le ministère de l’Intérieur se réjouit de la réussite de cette mesure.

Par Fabrice Manirakiza, Keyna Iteriteka et Rénovat Ndabashinze

« Depuis lundi, aucun accident enregistré depuis l’entrée en vigueur de la mesure », annonce le ministère de l’Intérieur, ce mercredi 23 mars, lors d’une réunion d’évaluation de la mesure délimitant l’espace interdit aux deux-roues et tricycles en mairie de Bujumbura. En effet, les risques de faire un accident étaient minimes, faute de circulation.

Une dérogation spéciale a été accordée aux motos immatriculées CD (corps diplomatiques) et IT (immatriculation temporaire) après leur enregistrement. Les autres demandes seront analysées « cas par cas dans le respect de l’intérêt général. » Le maire de la ville a été chargé d’entrer en contact avec les services techniques habilités pour résoudre tout problème qui résulterait de la mise en application de cette mesure.

La population fulmine

Malgré cette réjouissance du ministère de l’Intérieur, ce n’est pas la joie pour les habitants de la mairie de Bujumbura. « Le président de la République l’a bien dit que chaque homme doit avoir au moins 10 000 mille BIF dans sa poche. Est-ce qu’on va avoir les dix mille étant ici dans ces caniveaux ? Il faut qu’on valorise les Burundais. Ce pays est le nôtre. C’est nous qui allons le bâtir. Aujourd’hui, nous sommes dans la vingtaine, 30 ans, c’est le moment pour nous de travailler. Et voilà. Veulent-ils qu’on commence à travailler à notre vieillesse ? » C’est le cri de douleur d’Innocent, un des motards rencontrés sur un des nouveaux parkings de Kanyosha. « S’il vous plaît, c’est nous qui avons élu le président de la République, qu’il entende nos cris et allège notre souffrance. Apparemment, on nous montre qu’on n’est plus ensemble. Où veulent-ils qu’on aille ? », ajoute-t-il.

A 10 h 30, ce jeune homme n’a que 1200 BIF alors qu’avant, il devait avoir au moins 17 000 mille BIF. « Un versement de 15 000 mille BIF et un bonus de 2000 BIF. Aujourd’hui, c’est le calvaire. On ne travaille plus. »

Accusés d’être « à la base des accidents », les motards protestent. Innocent dit que c’est un prétexte : « On nous dit que nous causons des accidents, on n’a pas des routes tout simplement. Regardez l’état de ces routes. On nous dit qu’on devait passer dans les couloirs. Et là, on y croise des piétons. Moindre geste, le piéton est cogné et se retrouve dans le caniveau. Il faut qu’ils agrandissent ces routes pour que des motards, des tricycles et cyclistes aient leurs places. Qu’ils organisent des formations sur le respect de la loi. »

Le motard laisse un message au ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique et du Développement communautaire : « Nous, nous avons respecté le ministre. Nous n’avons pas dépassé les ponts pour créer l’insécurité. Nous avons accepté de serrer les ceintures. Mais, cela ne va pas durer longtemps. Veux-tu qu’on commence à voler les passants, à vandaliser les boutiques ? Nous avons les mêmes droits que ces chauffeurs des bus. »

Quid du non-respect du Code de la circulation routière ? Très remonté, Innocent le motard renvoie la balle dans le camp du gouvernement et de la police : « Comment ? Ce sont eux qui octroient illégalement les permis de conduire. Normalement, tout conducteur devait passer un test pour avoir ce document. Que le gouvernement et sa police réorganisent la délivrance des permis. Qu’on dresse la liste officielle de ceux qui vont passer le test. C’est ça qui mettra fin à cette anarchie. »

Il n’est pas le seul à crier au secours

Aimable Kwizera, un autre motard de Kanyosha, a du mal à trouver des mots pour décrire sa désolation : « Que voulez-vous qu’on vous dise ? On n’a plus de travail. On fait semblant de travailler. Avant, à cette heure-ci, j’aurais déjà eu 3000, 4000 BIF. Mais, voilà, depuis le matin, je n’ai que 1000 BIF. Comment vais-je nourrir ma famille ? On va mourir devant nos enfants. »

A ce parking sis à la 12ème avenue, non loin du pont séparant Kinanira et Kanyosha, le nombre des motards s’est triplé. C’est là que la majorité de ceux qui travaillaient dans Musaga ont trouvé refuge. « Il n’y a même plus de clients. Nous sommes très nombreux. J’ai même transporté un client à 300 BIF alors qu’avant un petit circuit était fait à 500BIF au moins. On recule. Dieu seul sait que faire. Notre avenir est compromis », se plaint M. Kwizera.

Pour Eric Manirakiza, un autre motard qui a migré de Musaga vers Kanyosha, le manque à gagner est aussi important : « Normalement, un motard qui a bien travaillé pouvait gagner 30 000 mille BIF par jour. Mais, ce lundi, personne n’a dépassé 15 000 mille BIF. Et quand on retranche la ration et le versement pour le patron, ça devient très difficile. Aujourd’hui, j’ai été très matinal pour voir si je peux gagner plus. A cette heure-ci, j’ai seulement 2000 BIF. » Selon lui, les motards ne peuvent pas changer cette mesure. « Mais, comme l’Etat est comme un père, on devrait voir comment alléger. Car, nous tous, nous avons des familles à nourrir », plaide-t-il. Et de poursuivre à décrire son calvaire : « Moi, j’ai une femme et quatre enfants. Deux sont sur le banc de l’école. Je dois payer le minerval pour eux. Hier, j’ai pu acheter à manger Aujourd’hui, mes enfants sont à l’école, mon épouse à la maison. Et voilà, je n’ai rien. Qu’est-ce que je vais leur dire ? J’ai peur de rentrer les mains vides. »

D’une voix douloureuse, ce père de famille, la trentaine lance un cri d’alarme : « Nous demandons à l’Etat dit « laborieux » de nous pardonner. Sinon, on va regagner la campagne. » Si la mesure perdure, il ne doute pas que beaucoup des propriétaires des motos vont les vendre à perte.

Oswald, un autre motard, indique qu’avant cette mesure, il pouvait payer facilement le loyer de 70 mille BIF et la ration pour sa famille. « Avec cette décision, mes enfants n’auront plus à manger. Ce qui est une humiliation pour un père de famille. Et comment vais-je leur expliquer ? comment pourrai-je payer le loyer ? Nous demandons à notre président de revoir cette mesure. Au cas contraire, il faut s’attendre à des morts à cause de la faim, aux vols, à une hausse de la criminalité. »

Melchior Ndayishimiye : « J’ai déjà honte de rentrer aujourd’hui sans argent ? Que vais-je dire à mes enfants ? »

Melchior Ndayishimiye, un autre père de famille et motard, est désespéré. « Vraiment, on ne sait plus quoi faire. Comment allons-nous faire vivre nos familles ? J’ai déjà honte de rentrer aujourd’hui sans argent ? Que vais-je dire à mes enfants ? » Il demande au gouvernement d’adoucir cette mesure.

Les usagers et les portefaix désemparés

Habarugira, cordonnier au marché de Musaga, trouve difficile de déplacer ses matières premières à savoir des pneus à partir desquels il confectionne des sandales. Avant, il prenait un vélo ou une moto. « Aujourd’hui, je suis contraint de marcher à pied sur une longue distance avant d’atteindre le parking des motos. Ce qui me fait perdre beaucoup de temps. »

Cet habitant de Kanyosha signale que sa production a déjà chuté. « Imaginez quitter le marché Musaga pour venir ici à la 12ème avenue avec deux ou trois pneus sur la tête. C’est difficile et fatigant. »

Ernest Irakoze : « Ceux qui vont mourir de faim seront plus nombreux. »

Au marché dit « Cotebu », les vendeuses, les anciens conducteurs des vélos et les portefaix ne savent plus à quel saint se vouer. « Je suis conducteur de vélo. Tous les matins, je chargeais des oignons ici au marché pour les transporter dans les différents marchés de la mairie de Bujumbura. Je pouvais subvenir aux besoins de ma famille, mais ce n’est plus possible », confie Ernest Irakoze.

Selon ce père de famille, il se levait tous les jours à 4 heures du matin. « Dès 9h du matin, j’avais déjà gagné au moins 15 mille BIF. En ce moment, je n’ai que 2000 BIF. Aujourd’hui, je déambule dans la rue sans rien trouver à faire. Nous allons mourir de faim. Je ne sais pas si j’aurai un ticket pour retourner sur ma colline natale. »
M. Irakoze n’est pas du tout d’accord avec l’explication que ce sont les vélos ou les motos qui causent des accidents. « Ceux qui vont mourir de faim seront plus nombreux. »

Boniface Niyomwungere, portefaix au marché de Cotebu, abonde dans le même sens. « Depuis l’exécution de la mesure du ministre de l’Intérieur, c’est la galère. Chaque matin, les vélos et les Tuk-Tuk déposaient des marchandises et on trouvait du travail. Je ne sais pas si je vais à voir au moins 1000 francs pour manger. Sans parler du loyer. La vie va être très dure. »

Pour les portefaix, les conséquences de cette mesure vont être néfastes pour beaucoup de familles. « Il faut revoir cette décision. Il faut laisser les deux roues et les tricycles travailler. Nous n’allons pas accepter de passer deux jours sans manger. Nous allons commencer à voler. »

Evelyne Ndayikeza : « Mon petit capital est épuisé, car c’est mon mari motard qui me l’avait donné. Il est pour le moment dans l’incapacité de le faire. »

Evelyne Ndayikeza, vendeuse de fruits, est, elle aussi, déboussolée. « Hier, mon enfant a été blessé parce que les gens se bousculaient pour entre dans des bus. »

D’après cette mère de famille, elle ne sait pas comment elle va se débrouiller pour survivre. « Mon mari était un motard. Aujourd’hui, il n’a plus du travail. Mon petit capital est épuisé, car c’est lui qui me l’avait donné. Il est pour le moment dans l’incapacité de le faire. »

A son tour, Denise Ndayisaba, une autre vendeuse, indique que les prix de certaines marchandises sont déjà montés à cause de cette mesure. « Nos fournisseurs nous disent qu’ils utilisent beaucoup de frais de déplacement. » Avec les motos ou vélos comme moyens de transport, elle affirme qu’elle pouvait écouler trois sacs d’oranges. « Mais, depuis ce lundi, je me contente d’un seul. Ce qui diminue aussi le bénéfice. » Cette maman demande la suspension de cette mesure si le gouvernement ne veut pas que les gens meurent de faim.

Au marché dit ‘’Kwa Siyoni’’, beaucoup des commerçants, vendeurs, acheteurs utilisaient ces moyens de déplacement. Ils peinent désormais à déplacer leurs produits. Plusieurs vendeuses de légumes sont obligées de limiter la quantité à acheter afin de pouvoir les porter sur la tête. Elles viennent de Gihosha, de Bwiza, de Buyenzi, etc. « Je n’ai pas d’autres choix que d’acheter le tiers de ce que je voulais. Sinon, je ne serai pas capable de les transporter », lâche une vendeuse, sous le choc. Pour elle, cette mesure n’est venue que pour compliquer leur travail. Elle ne doute pas que d’ici peu de jours, les prix de certains produits vont monter pour essayer de combler le vide.

Et le chômage s’invite

La limitation du périmètre de travail des motos, tricycles et vélos n’a pas impacté que les usagers et les conducteurs. Les mécaniciens et vendeurs des pièces de rechange craignent pour leur avenir. Certains ont déjà fermé leurs portes depuis la mise en application de cette mesure ce lundi 21 mars 2022.

Le long de l’avenue de la Jeunesse de la zone Bwiza, quartier Jabe, non loin de l’agence de l’Interbank, se trouvaient des ateliers de réparations des motos et tricycles. En face de l’Eglise vivante de Jabe, communément appelé « Kwa David », deux des places où travaillaient les garagistes sont fermées.

Il est 11 heures. Sur ce qui était un garage, il ne reste qu’une couche noirâtre d’huile de vidange usée parterre, des morceaux de pneus et d’autres pièces de rechange non utilisables.

Un tenancier d’un restaurant retrouvé juste à côté nous dit qu’ils ont dû déménager vers le quartier Carama. « Même les « capatis » (des galettes) que j’ai faites le matin sont toujours là. Ils étaient mes clients. Ils sont partis parce qu’il n’y avait plus de clients, des Tuk-Tuk à réparer. Le garage était déjà vide », confie-t-il. « Moi aussi, je vais fermer bientôt », lâche-t-il.

Certains vendeurs des pièces de rechange ont déjà mis la clef sous le paillasson.

Tout au long de la même avenue, trois autres magasins de pièces de rechange, des places de réparation sont également fermés. Ce qui est confirmé par un agent de service Lumicash rencontré sur place : « Le vendeur ne vient plus depuis ce mardi, mais les pièces sont toujours à l’intérieur. »

Un autre vendeur des pièces de rechange qui a déménagé de Jabe vers le marché dit « Ruvumera » déplore des pertes inestimables : « Au marché de Jabe, j’avais mes propres clients, mon adresse. Ici, je suis obligé de partager la place avec cet autre vendeur de pièces qui a ses clients. On est nombreux. C’est déjà midi, je n’ai encore rien vendu. Bientôt, je serai encore une fois au chômage. C’est la catastrophe. » Il craint de mettre fin définitivement à son commerce.


La mesure est décriée, mais partout respectée

Après un délai de grâce de 10 jours accordé aux conducteurs des deux-roues et tricycles pour les faire enregistrer, le constat est que la mesure délimitant l’espace interdit pour les motos, les vélos et les tricycles a été observée dans différents coins de Bujumbura.

Ce lundi 21 mars, la mesure a été respectée dans la mairie de Bujumbura.

Au nord de Bujumbura, 6h30. Arrêt bus de Gasenyi, zone de Gihosha. Habituellement à cet endroit, il y avait un parking de vélos et motos. A cet instant, pas de vélos ni de motos. Quelque cinq policiers veillent à la sécurité. « Sheria ni sheria » (La loi c’est la loi), dit un passager qui attend le bus. A côté se trouve le petit marché de Gasenyi. Des vendeuses de tomates attendant un taxi pour acheminer leurs marchandises au marché. C’est un marché fait en grande partie de produits vivriers. Il est presque vide. Les commerçants s’approvisionnent normalement au marché dit ’’Kwa Siyoni’’ ou au marché dit ’’Ex-Cotebu’’. La plupart sont là stupéfaits. Certains étalent les produits de la veille non écoulés.
Entre-temps, certains parents d’élèves désemparés ont été vu ce matin prendre un taxi pour leurs enfants afin de se rendre à l’école, mais il était presque 8 heures. Au niveau de Ntare House, la présidence de la République, sur la RN1, un nouveau parking des motos, et vélos. Frustrés, les concernés sont là. En plus de manque de clients, ils évoquent aussi le problème d’approvisionnement en carburant d’autant plus qu’ils n’ont plus accès à la ville.

Et Gilbert Niyonkuru, administrateur de la commune Isare, province Bujumbura a tenu, ce lundi, à leur rendre visite. « Nous vous appelons au respect strict de la mesure », a-t-il déclaré au cours d’une courte réunion tenue le même jour au parking situé tout près de Ntare House. De leur côté, les natifs d’Isare qui ont pris part à cette réunion ont souligné que le coût du transport va augmenter et que l’accès à la ville leur sera très difficile.

A Ngagara, une dizaine de policiers étaient déployés dans la matinée de ce lundi sur la route menant vers la zone Cibitoke, communément appelé « Ku rya Kanyoni ». Seules les motos portant la plaque d’immatriculation du gouvernement pouvaient passer. Les vendeuses de tomates qui se rendaient avec leurs marchandises au marché de Ngagara, étaient bloquées et hésitaient à prendre un taxi. Elles assurent que cette mesure se répercutera sur les prix de certaines denrées alimentaires.
A Kamenge, sur la route pavée menant à l’église dite « Chez Buyengero », un distributeur de lait dans les quartiers du Nord attendait désespérément sous le soleil que les clients viennent pour acheter son lait.

Au centre de Bujumbura, commune Mukaza, comme dans les zones Bwiza, Buyenzi et Nyakabiga où ces Tuk-Tuk et vélos pouvaient encore circuler, aucun signe de ces moyens de déplacement. Les anciens parkings comme celui d’à côté du marché de Jabe, ceux entourant le marché Ruvumera, … sont vides. Certains sont occupés actuellement par des taxi-voitures.

Au sud de Bujumbura, le constat est le même. Les concernés se sont exécutés. Il est 8 heures. Au pont Muha sur l’Avenue du Large à la jonction des communes Muha et Mukaza, aucune moto ni encore moins de vélo habituellement stationné à cet endroit. La circulation était fluide, pas de vélo-taxi, encore moins de motos-taxis slalomant entre les véhicules pour se frayer un passage.

A la place, plusieurs policiers dépêchés sur les lieux étaient venus s’assurer qu’aucun de ces deux-roues et tricycles n’aient accès à leur ancien parking. Des élèves et d’autres fonctionnaires étaient apparemment inquiets, scrutant impatiemment l’arrivée d’un bus qui aurait encore quelques places.

Avant cette mesure, des élèves ou ces fonctionnaires, un peu pressés de regagner leur école ou leurs postes d’attache, prenaient, soit une moto ou s’engouffraient dans un tuk-tuk à quatre pour essayer d’être à l’heure.

A Kamesa, au nouveau parking des motos-taxis, des vélos-taxis et des tuk-tuk situé à l’endroit communément appelé Bonesha, les conducteurs de motos-taxis grognent : « Il est 7h30, et depuis 6h du matin nous n’avons pas encore trouvé de clients. Comment allons-nous trouver de quoi mettre sous la dent ? », se demandent les conducteurs des deux-roues. Les conducteurs de motos-taxis sont stationnés au même endroit et les policiers veillent à ce qu’ils ne franchissent pas la ligne rouge. Ils se regardent en chiens de faïence.

A Gasekebuye, la journée n’a pas été facile pour les élèves, les fonctionnaires qui étaient habitués à se déplacer sur motos ou Tuk-Tuk. Ces moyens de déplacement n’y existent plus. Leurs anciens parkings sont vides comme le recommande la mesure du ministre Ndirakobuca.

Quelques récalcitrants recadrés

A Musaga, un conducteur de taxi-vélo a été arrêté à la 2e avenue pour non-respect de la mesure. Son vélo a été embarqué par la police. Les policiers sont partis avec ce vélo sous le regard impuissant du propriétaire.

Au niveau de la 12ème Avenue de la zone Kanyosha, un conducteur de moto a fait une tentative de passer en uniforme du parti Cndd-Fdd. L’ordre lui a été intimé de faire demi-tour : « Mettez une plaque d’immatriculation du gouvernement avant, puis passer votre route ! », lui ont dit les policiers.

« Priez pour ces verseurs de sang », parole du « Très honorable » Ndabirabe!

Les vacances parlementaires battent leur plein en province Kayanza. Dans une séance de moralisation aux hommes et femmes d’affaires de la province, le « très honorable » président de l’Assemblée nationale, Daniel Gélase Ndabirabe est revenu sur la mesure de délimitation de l’espace de circulation des Tuk-Tuk, des vélos et des motos en marie de Bujumbura.

Selon le « très honorable Ndabirabe », certains conducteurs des tricycles, des motards seraient des vampires qui sont venus chercher du sang. « Combien d’entre eux ont été arrêtés sans documents nécessaires pour conduire ces engins ? Certains d’entre eux viennent des entrailles de la terre, de l’enfer. Comment quelqu’un peut conduire un Tuk-Tuk, ou une moto sans documents ? Ils rôdent dans les rues et ils se mettent à renverser les gens. C’est ce sang qu’ils prennent pour aller l’offrir en enfer, dans les entrailles de la terre. Il faut faire attention avec ces choses-là, c’est pour cela que je vous ai exhorté de prier, de prier beaucoup dans vos églises respectives…»


Interview/ Tatien Sibomana : « Il fallait sauvegarder les intérêts des uns et des autres »

Tatien Sibomana est juriste et travaille dans le domaine des assurances. Pour lui, c’est une mauvaise réponse à un problème réel. Il estime qu’il y avait moyen de trouver une solution qui ne pénalise pas tout le monde. Eclairage.

Les Tuk-Tuk, les motos, et autres vélos-taxis sont accusés de causer beaucoup d’accidents de la route. Vous confirmez?

En tant que professionnel d’assurances, je confirme que ces derniers sont une des causes d’une grande sinistralité en mairie de Bujumbura, c’est indéniable. Et la raison est très simple. Avec le transport rémunéré de personnes, les Tuk-Tuk, les mots et les vélos sont devenus très nombreux. Et beaucoup de conducteurs ne connaissent aucune notion du Code de la circulation routière, cela devient une cause d’accidents. Mais ce n’est pas seulement l’ignorance du Code de la route qui est en cause. Sous d’autres cieux, pour les voies urbaines, on réserve des voies pour les piétons. Mais chez nous, les piétons, les motards, les cyclistes, les véhicules passent par la même voie. Il est normal que les accidents deviennent plus nombreux.

En tant que juriste, est-ce que la mesure interdisant la circulation des tricycles, motos et vélos dans certains coins de la mairie est légale ou pas ?

Au niveau de la légalité, la question ne se pose pas. Si le gouvernement estime que l’interdiction des motos, Tuk-Tuk, et des vélos dans une certaine zone est une mesure de sécurité, c’est son droit de la prendre. Et c’est légal. La question qui se pose est de savoir si elle a été réellement bien réfléchie.

Que voulez-vous dire ?

Que la mesure peut apporter quelques améliorations en termes de circulation routière, mais il faut s’interroger si elle n’entraîne pas d’autres problèmes plus difficiles à résoudre et, peut-être, qui touchent beaucoup plus la population. Il y avait d’autres alternatives.

Lesquelles, par exemple?

Ce n’était même pas opportun de prendre une mesure de façon radicale. Il fallait voir les intérêts des uns et des autres. Procéder par un recensement général de toutes les motos, de tous les Tuk-Tuk qui sont au moins obligés d’avoir un permis de conduire. S’assurer que tous ces motards, tous ces conducteurs de Tuk-Tuk disposent réellement d’un permis de conduire. C’était le minimum qu’il fallait faire. De cette manière, on pouvait déjà écarter ceux qui n’en ont pas.

Ainsi on aurait résolu le problème ?

Non, on pouvait aller plus loin. Vérifier si ceux qui ont le permis de conduire l’ont obtenu de façon légale et non grâce à la corruption. Maintenant que tout est informatisé, il y avait moyen de vérifier cela.

Que faire de tous les motards qui se seraient retrouvés dans l’illégalité ?

Je suis conscient que le chômage est un des maux de la société qu’il faut aussi gérer. Il fallait penser à des séances de formation de tous ces motards, de tous ces conducteurs de Tuk-Tuk pour qu’ils maîtrisent le Code de la circulation routière, qu’ils aient de façon régulière et légale les permis de conduire. Voilà pourquoi, selon moi, il fallait commencer par-là. S’assurer que la sécurité des biens et des personnes sur la voie routière est respectée.

L’interdiction radicale de ces moyens de transports est une catastrophe pour de nombreuses familles. C’est un manque à gagner financier pour les ménages des propriétaires de motos ou Tuk-Tuk.  Celui qui avait acheté une moto pour faire le transport rémunéré, percevait des rentrées journalières. Selon plusieurs témoignages, un tuk-tuk pouvait faire des recettes de 20000 mille BIF par jour, soit 600 mille BIF. « Par exemple, un retraité qui avait investi en trois Tuk-Tuk percevait facilement par mois, 1.800.000BIF Ce qui n’est pas mal pour un fonctionnaire burundais. Ce manque à gagner est difficile à combler», explique Tatien Sibomana.

Mais ce ne sont pas seulement les propriétaires qui seront impactés. C’est toute une chaîne. Les ménages des conducteurs vont être touchés. « Les conducteurs étaient rémunérés par les propriétaires. Il y a aussi les mécaniciens et leurs familles qui vont aussi être affectés. Parce que plus ils roulaient, plus ils tombaient en panne nécessairement. Il en va de même des ménages des vendeurs des pièces des rechanges », analyse encore M. Sibomana.

D’autres secteurs comme celui du travail, de l’éducation seront également affectés. Parce que le gros de ceux qui habitent dans les quartiers périphériques se déplaçait avec ces moyens de transport. «  Je ne crois pas que la ville de Bujumbura regorge tellement de bus qui vont désengorger tous ces coins pour que la mobilité des gens soit réellement fluide. »

Enfin, ces Tuk-Tuk, ces motos et ces vélos transportaient des biens et des marchandises qui venaient de certaines communes voisines de la ville de Bujumbura. Ces denrées vont voir leur prix flamber parce que les vendeurs vont désormais se déplacer en voiture. Ainsi, les ¾ du volume du lait consommé à Bujumbura étaient transportés par vélo. « Le prix du litre va sans doute augmenter », prévient Tatien Sibomana.

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. Ngomirakiza

    Emwe, gutwara ntivyoroshe naho ababigwanira ari benshi. Ariko hazogera igihe amatora atazoborohera kuko abarundi benshi barabacisha mwo ijisho. Uwuzoramba azoba abibona.

  2. Duniya

    Umwaka mwategereye ko utari mu kagwi gatwara utagira ikibanza muri ubwo Burundi, muzoba mukize. Kanure mubone: amasoko araturigwa ariyo yari abeshejeho abantu cane cane batobato, ubu naho ngo mugonga imiduga y’abachefs kandi mutagira ico kuriha!!! Mugabo ejo nimwe muzofata amabarabara nkuko mwama na za clacksons nyishi nyishi ngo muriko mutora indongozi. Reka muwunwe umugani wabo. Abatobato nta kibanza mufise muri ico gihugu. Mugabo muri mwebwe mu gushirira, mugutoteza bene wanyu murusha abazima n’abapfuye mwiteze ko abachefs babatera udusigazwa.

    Za accidents ahanini ziterwa n’uko muri mwebwe abatari bake mwarose impusha zo gutwara ivyuma kuko mupfumbatishije abo nyene uyu musi bariko bafata ingingo. Abo kubuza kubandanya batoba umutekano w’igihugu ni abo batanga za permis bene kuzironka batize gutwara ivyuma.

    Ahandi hose n’uwutwara ikinga abanza kwiga amategeko y’ibarabara ivyo navyo bitunganywa n’abajejwe uruja n’uruza mu mabararabara. None ikoza ni ryande?

    Ingingo nkizo zirateye imbabazi mu gihugu igitoro cabaye ndase, mu gihugu, bus ziri ku rushi…

    Ingingo nkizo zari gufatwa za bus zitwara abantu zamaze kuboneka; kandi niyo zoboneka umuntu afise uburenganzira bwo kwiyunguruza n’uburyo ahambije nkuko no mu bindi bihugu biri.

    Iwacu ndazi ko iterekana iyi message yanje nkuko vyama, ariko ukuri guca muziko ntigusha.

    • Yan

      @Duniya
      « Iwacu ndazi ko iterekana iyi message yanje nkuko vyama, ariko ukuri guca muziko ntigusha. »

      Iciyumviro cawe ndacumva kuko abari babeshejweho n’ugutwara abantu muri ivyo bibanza vyabujijwe bagiye kugira ingorane. Mugabo jewe iyo mbonye ingene motos n’amakinga na tuk-tuk zinyurana (slalomer) mu mabarabara, nca ndahira ko ata muduga notwarira mw’ibarabara rya Bujumbura hagati. Kandi mvuga gurtyo mfise permis de conduire kuva imyaka 30, kandi nararonse igihe c’ugutwara umuduga mu bisagara bitari bike nka Düsseldorf, Essen, Bruxelles, Cologne, Cagliari, Duisburg, Aix la chapelle, Lagos (Portugal) …
      Ikibazo c’ugutwara imiduga mu bihugu bikiri mu nzira y’amajambere kirakomeye kuko bimwe bimwe biterwa n’uburyo buke. Hari ibihugu amakinga afise inzira zayo kuko umuntu ariko aragendesha icuma kitarenza 30km/h ntivyoroshe ko asangira ibarabara n’uwushobora kugira umuvuduko wa 130km/h. Hanyuma abatwara batazi amategeko y’ibarabara nabo baravyononye mugabo ababahaye impapuro badahinyuje ko bazi gutwara baranganya amakosa kuri jewe.

      Musomyi wacu

      Raba mu ma commentaires yawe zose niho ziri. Uraturengeye
      Modérateur

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