Diffusé en avant-première à Bruxelles, c’est un film puissant, qui mêle vie politique et vie intime. A voir absolument !
Par Jean François Bastin
Le drame du Burundi a parfois des effets inattendus. Le jeune réalisateur Eddy Munyaneza a été ovationné jeudi soir 19 avril à Bruxelles après la projection de son film « Lendemains incertains » qui doit tout aux événements tragiques d’il y a deux ans. Sans eux, Eddy n’aurait jamais vécu ce succès bruxellois. C’était au Palace, sur le boulevard Anspach, un cinéma flambant neuf, voué aux films audacieux, dévoué aux causes humanitaires. A peine arrivé en Belgique, soutenu par de nombreux amis burundais et belges, Eddy a pu ainsi faire partager son histoire récente, qui se confond avec celle de beaucoup d’autres exilés et avec celle de tout un pays, depuis si longtemps. Plusieurs intervenants en ont témoigné après la projection.
Ce film documentaire mêle subtilement la chronique des manifestations d’avril et mai 2015, la tradition du tambour sacré racontée par le célèbre et délaissé Antime Baranshakaje et la quête personnelle d’Eddy, à la recherche de ses enfants « disparus » lors des événements, partis avec leur mère sans laisser d’adresse. Son film fera date parce qu’il assume cet entremêlement, ce va-et-vient entre l’histoire personnelle et l’histoire générale, avec cette question sous-jacente : quel est le sens de nos vies ? Eddy a l’intuition d’un lien entre ces histoires, entre la perte de ses enfants et la perte de la démocratie. Il nous raconte tous ses désarrois, puis son combat personnel : retrouver les siens, exilés au Rwanda, recréer les liens, reconstruire, essayer de réconcilier. Il tâtonne, il cherche, il avance, il hésite, il trouve, il repart, bref il fait ce qu’il peut. Et en cela il indique un chemin collectif, celui de l’ijambo, de la parole, du dialogue, il pose encore la question du sens.
Il ne veut fermer aucune voie. On comprend à voir ses images de 2015, à voir tous ces jeunes gens, toutes ces jeunes femmes déterminées, que l’avenir est le seul enjeu qui vaille, mais Eddy tient à relier le futur au passé, par sa volonté de faire parler Antime et de visiter sa mère, d’écouter leurs messages de paix, de filmer Antime dansant puis assis parmi ses tambours, vivant puis mort. Les funérailles du vieux tambourinaire que lui seul a filmées sont d’une force inouïe. La force du temps, la force de l’imaginaire, sans lesquels il n’y a pas de bonheur possible au Burundi. Au fond, tout est dans le titre, d’une modestie absolue : Lendemains incertains…