Depuis janvier 2011, vingt personnes ont été tuées, accusées de sorcellerie. 31 autres ont été blessées selon les associations de droits humains dans la province de Cibitoke. Des cas dont le traitement judiciaire est difficile, d’après le procureur provincial.
Ce 3 août, c’est l’enterrement de Jeanine Nibogora, âgée de 25 ans et mère-célibataire. Elle est morte la veille à l’hôpital de Cibitoke après que des inconnus lui aient lancé une grenade à 2 heures du matin.
Elle habitait, avec ses deux enfants, le secteur Rugeregere dans la commune de Rugombo.
Ces malfaiteurs visaient Amoni Sugwanone, son père. Ce jour-la, il avait passé la nuit dans une autre chambre et Jeanine occupait la sienne. Deux petites tentes sont dressées devant la maison principale. Des chaises et des nattes pour la famille, les amis, les voisins venus accompagner la défunte dans sa dernière demeure.
Sur les visages, tristesse et désespoir. Amoni, presque déprimé, raconte que cette nuit-la, il a entendu l’explosion d’une grenade a l’intérieur de la maison : « Nous nous sommes réveillés pour voir ce qui se passait. La grenade avait amputé les deux jambes de ma fille. » Ils ont crié en demandant secours et la police, positionnée à vingt mètres de la maison, est intervenue cinq minutes après : « Au lieu de poursuivre les auteurs du crime, on se demande pourquoi ils n’ont fait que tirer en l’air », s’interroge le père de Jeanine.
Une, deux, trois fois…
Il ajoute que ce n’est pas la première attaque contre sa famille. Dans la nuit du 30 juillet, des personnes inconnues, munies de torches allumées, ont circulé dans sa parcelle.
Un mois auparavant, il s’est réveillé le matin trouvant cinq de ses chèvres découpées et leur viande éparpillée dans sa parcelle.
En avril, une grenade avait été lancée dans sa maison et avait blessé sa femme à la tète : « C’était des signes qui présageaient des malheurs et je ne sais pas qui sont ces personnes et pourquoi ils en veulent tant à ma famille. »
Jeanine allait se marier le lendemain du drame avec Jean Bakira, un pasteur, qui ne peut que s’en remettre à Dieu. «Lui seul peut nous donner la voie de sortie pour que ces tueries cessent », espère-t-il.
Situation ingérable ?
Le chef de secteur de Rugeregere, Laurent Ntuyahaga, avait demandé la mutation du chef de poste : « Il a été remplacé mais rien n’a changé. Nous sommes obligés de faire des rondes nocturnes », regrette-t-il.
Beatrice Kaderi, administrateur communal de Rugombo précise que leurs actions se limitent à l’organisation des réunions pour dissuader ces malfaiteurs à abandonner ces actes.
Pour Alexis Ciza, procureur de la République à Cibitoke, les cas de plaintes pour sorcellerie sont rares : « Nous avons, le plus souvent, affaire à des empoisonnements par voie orale. Les preuves sont visibles. »