Mardi 05 novembre 2024

Société

Cibitoke : « Mpore », un havre pour femmes victimes de violences

11/01/2019 Commentaires fermés sur Cibitoke : « Mpore », un havre pour femmes victimes de violences
Cibitoke : « Mpore », un havre pour femmes victimes de violences
Dr Jean Claude Mugisha : « La victime est suivie sur tous les aspects. »

L’hôpital de Cibitoke abrite un centre de prise en charge des victimes de violences basées sur le genre (VBG). Le centre travaille selon une nouvelle approche dite  » holistique « . Découverte.

Jeanne (pseudo), 32 ans, est une victime de viol. Un mauvais jour, alors que cette habitante de Rugombo est de retour vers sa maison, des malfaiteurs l’étranglent avant de commettre leur sale besogne. Laissée pour morte, elle est secourue par des passants qui l’évacuent rapidement à l’Hôpital de Cibitoke. Elle va mettre trois semaines pour s’en remettre.

Suite à ce traumatisme, cette mère de trois enfants est un peu  » éteinte « , elle a un regard fuyant. Les séquelles sont visibles. Sa tête tremblote et ses yeux portent les stigmates de l’étranglement. Des traces de sang sont visibles dans le blanc de son oeil. « Je remercie ceux qui me sont venus en aide, et surtout mon mari qui ne m’a pas abandonnée », dira-t-elle laconiquement.

Contrairement à Jeanne, Mireille, 33 ans, n’a pas le soutien de son mari. C’est lui son bourreau. Son calvaire commence quand son conjoint l’abandonne pour une autre femme. Mireille encaisse le coup. Tout ce qu’elle lui demande : s’occuper de ces deux enfants. Une demande que, hélas, son conjoint ne va pas satisfaire. « Je suis alors allée me plaindre auprès des autorités. Je ne savais pas que je venais de signer mon arrêt de mort », raconte cette native de la commune Buganda.

Quand son époux l’apprend, il est furieux. Il va la trouver à la maison et la battre presque à mort. « Ce sont mes voisins qui sont venus à ma rescousse, sinon il allait m’achever ». Elle s’en est sortie avec un pied cassé et le visage tuméfié.

Un carrefour de trois prises en charge

Le centre intégré « Mpore », où elles sont toutes les deux pensionnaires ouvre ses portes le 20 décembre 2017. Il naît grâce à un financement de la Banque mondiale. Il s’inscrit dans un projet que cette institution appuie dans trois pays des Grands Lacs. Au Rwanda (on les appelle des  » one stop center « ), le Burundi et la République Démocratique du Congo (notamment au célèbre hôpital de Panzi de Denis Mukwege à Bukavu).Trois sortes de prise en charge sont pratiquées : un suivi médical, psychologique et une assistance juridique. D’où l’allusion faite à l’approche holistique: elle est multidimensionnelle.

Dr Jean Claude Mugisha, Directeur de l’Hôpital de Cibitoke et coordinateur du Centre « Mpore » se dit satisfait de l’étape déjà franchie depuis sa création.  » Toutes les communes de la province connaissent notre centre. Cela permet aux victimes d’être mieux orientées. » En outre, il indique que le centre travaille en étroite collaboration avec les agents des centres de développement familial et communautaire (CFDC) de toute la province de Cibitoke.

Ce sont eux qui recensent les cas de violence sur chaque colline et accompagnent les victimes jusqu’au centre pour éviter qu’ils se perdent en cours de route. Arrivées au centre, elles sont accueillies et enregistrées. La personne chargée de l’accueil décide de l’orientation de la victime. Il peut soit la transférer au médecin puis à l’Officier de police judiciaire. Ou encore, la renvoyer à la cellule de suivi psychologique.

Mais cette trilogie doit être respectée. « La victime est suivie sur tous les aspects. Un psychologue, un médecin la suivent et les OPJ et les substituts s’occupent des poursuites judiciaires », fait savoir Dr Mugisha.
Cependant, les défis ne manquent pas. Souvent certaines victimes encore sous traitement dans le centre sont persécutées par leur famille, surtout quand le mari est inculpé. Il arrive que la belle-famille s’en prenne à la victime.

Parfois, des victimes ont peur et refusent de témoigner de crainte de représailles.
Il arrive aussi que la femme exige la relaxation de son mari du fait que c’est lui qui fait vivre le foyer. Un autre frein, la culture. Les arrangements à l’amiable perturbent parfois la poursuite des auteurs. Des cas complexes peuvent aussi survenir. Un seul cas peut en comporter plusieurs. Comme le cas d’un homme qui a violemment battu son épouse jusqu’à ce que celle-ci perde connaissance et finisse par avorter de sa grossesse de six mois. Comme si ça ne suffisait pas, il a lui-même procédé à l’enterrement de son fœtus.

D’autres cas irréguliers concernent des femmes ou des filles qui, après avoir eu des rapports sexuels consentants, ont peur d’avoir contracté une grossesse non désirée ou tout simplement une infection sexuellement transmissible. Elles se dirigent vers le centre intégré pour solliciter les médicaments de prévention.

Célestin Niyongabo, le responsable de l’accueil et de prise en charge psychosocial, estime que, depuis 2017, 1052 nouveaux cas ont été traités par son établissement.

Un traitement de faveur est réservé aux victimes sortantes les plus démunies. « Un kit d’accompagnement composé de pagnes, d’une houe et des aliments leur est offert pour leur permettre une bonne réinsertion ».

Pour l’heure, ce volet d’accompagnement souffre d’un manque de partenaires. M. Niyongabo espère qu’avec le réenregistrement des ONG, les activités vont reprendre. En attendant, un bâtiment flambant neuf du centre « Mpore » est en cours de construction.

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