Dimanche 22 décembre 2024

Économie

Cibitoke : le calvaire des exploitants artisanaux de l’or

12/04/2023 4
Cibitoke : le calvaire des exploitants artisanaux de l’or
Les activités à la mine d’or de Kabere sont suspendues depuis trois mois

Exposition aux dangers, fatigue… voilà le quotidien des exploitants artisanaux des minerais. Avec des outils rudimentaires, ils s’enfoncent dans les galeries au péril de leur vie. Reportage.

Gafumbegeti, zone Butahana, commune Mabayi, province Cibitoke. Là, un village coincé entre de hautes terres. Du chef-lieu de la zone Butahana, une route en terre battue y mène. Une route boueuse, en peu glissante et menacée d’éboulements dans certains endroits. Le conducteur doit rester prudent pour ne pas se retrouver dans la rivière à proximité de cette artère.

De loin, on voit des tas de terres. Situé tout près de la Kibira, l’endroit est nuageux. La pluie y est presque permanente. Il fait froid.

Pour les non-initiés, on se croirait dans un site d’extraction des carrières et du goudron sauf qu’il n’y a pas de bennes ou d’autres engins dans les environs. Plus on avance, plus on voit des galeries, des trous. C’est la mine d’or de Nyagashamba.

« C’est difficile à décrire ? Vous ne pouvez pas comprendre ce qu’on vit. Quand on s’introduit dans ces trous-là, c’est un autre monde. On glorifie le Tout-Puissant quand on reçoit quelques grammes et qu’on sort sain et sauf », témoigne Bosco, un orpailleur de Gafumbegeti, zone Butahana.

Des trous qui peuvent avoir plus de dix mètres de profondeur avant de creuser horizontalement, décrit-il.

Un long processus pour avoir de l’or

Selon Bosco, les creuseurs munis de pioches, pelles… s’enfoncent toute la journée dans les galeries souterraines. Ils y extraient du sable ou de la roche. Là, une certaine division du travail est instaurée. Les uns collectent la terre dans des grands sacs et la transportent vers la surface pour le traitement. « Là, les travailleurs vont mouiller, puis broyer la terre avec de gros cailloux pour en faire ressortir les paillettes d’or ».

La boue est passée au tamis, lavée. D’après cet orpailleur, s’il y a réellement de l’or, le travail des simples orpailleurs s’arrête là. Il indique, que malgré les efforts fournis, la production n’est pas toujours garantie : « On peut passer des jours sans avoir aucun gramme d’or. »

Et ils courent toujours des dangers : « Certains d’entre nous disposent des casques pour protéger au moins leurs têtes, d’autres n’en ont pas. Ce qui signifie qu’en cas d’éboulement, les chances de survie sont très moindres ». Il indique d’ailleurs qu’on peut faire plusieurs centaines de mètres dans le sous-sol. Pour éclairer leur passage, ils portent des petites torches au front.

Ismail, un autre orpailleur de la localité parle d’un travail très épuisant : « En tout cas, quand tu rentres à la maison après une journée de travail, tu es très abattu. Mais, on n’a pas de choix. Parce que c’est là qu’on trouve de l’argent pour faire vivre nos familles », souligne-t-il. Il dévoile d’ailleurs que pour un 1 gramme, ils ont droit à 50 mille BIF.
Des tentes y sont installées pour s’abriter en cas de pluie. Quelques groupes électrogènes aussi. On peut aussi voir des câbles électriques. Des petites ampoules. « Quelques fois, on travaille jusque tard dans la nuit », confie Ismail.

D’après lui, l’orpaillage est leur seul gagne-pain malgré les dangers. Avant de nous montrer des cicatrices dans ses mains : « C’est difficile mon cher. Voilà comment nos mains se sont transformées : c’est très dur. Regardez. Il y a même des petites plaies, mais, on doit vivre avec, s’habituer. C’est pourquoi on ne salue pas souvent les gens par la main. »
Sans donner plus de détails, cet orpailleur affirme qu’ils sont affiliés à une société d’assurance.

De multiples obstacles

Ce métier peut être confronté à plusieurs problèmes. Ce que confirme Eliachim Mpawenimana qui est à la tête de la coopérative Dukomeze umwuga : « Il se produit souvent des accidents mortels dans notre travail. » Le cas le plus récent étant celui de la mort de 13 orpailleurs dans la mine de Nyagashamba, colline Gafumbegeti, zone Butahana, commune Mabayi.

Ce responsable du site minier de Kabere indique qu’ils ont été surpris par l’eau alors qu’ils étaient en profondeur. « Leurs corps ont été retrouvés après un intense travail de recherche ».

Il déplore qu’en cas de tels accidents, les orpailleurs ne sont pas bien équipés pour secourir leurs collègues dans le temps. « Cela est dû au fait que nous n’avons pas par exemple ces puissants moteurs pour faire le pompage d’eau ».

Pour lui, l’eau perturbe souvent leur travail. Ici, il signale que même sur son site, les activités se sont arrêtées à cause de l’eau : « Nous venons de passer trois mois sans travailler. Car, l’eau a envahi notre mine. Nous essayons de faire le pompage de cette eau, en vain. »

D’après lui, la période pluvieuse complique leur travail surtout pour les sites sis dans les vallées. Et là, pour alimenter ses moteurs, il a besoin d’au moins 30 litres de carburant par jour. Or, déplore-t-il, même ce produit n’est pas toujours disponible.

Il évoque aussi le manque du matériel approprié : « Il arrive qu’on soit bloqué par une grosse pierre en pleine activité d’extraction. Là, on doit contourner. Mais, si on avait des machines puissantes, on pouvait l’exploser et continuer. » Il estime que le gouvernement devrait intervenir pour ce genre d’équipements. Cela permettrait aux coopératives d’augmenter la production aurifère, explique-t-il, et l’Etat pourrait, en contrepartie, encaisser beaucoup d’argent.

L’autre défi de taille, estime-t-il, est lié au fait que l’on procède par tâtonnement : « En fait, nous n’avons pas de technique, d’outils de détection. Cela nous permettrait de creuser là où il y a effectivement de l’or. Mais, on tâtonne. On peut creuser et après des jours de recherche, on constate qu’il n’y a rien, et on ferme la galerie après avoir dépensé tant de moyens et d’énergie. »

Pour lui, s’il y avait des outils de prospection, cela faciliterait leur travail. Il demande au gouvernement de songer à cela, à équiper les coopératives du matériel approprié afin d’augmenter la production sans trop dépenser.

Forum des lecteurs d'Iwacu

4 réactions
  1. Stan Siyomana

    1. Vous ecrivez:« Il indique d’ailleurs qu’on peut faire plusieurs centaines de mètres dans le sous-sol. Pour éclairer leur passage, ils portent des petites torches au front… »
    2. Mon commentaire
    A sa 11eme minute et 52 secondes, cette video sur l’industrie aurifere en Cote d’Ivoire (Afrique de l’Ouest) nous apprend que le code minier de 2014 de la Cote d’Ivoire INTERDIT AUX ORPAILLEURS DE CREUSER A PLUS DE 15 METRES DE PROFONDEUR.
    https://www.youtube.com/watch?v=CPFVQa0Tlf0

  2. Kanda

    Normalement c’est un secteur d’intérêt national que l’Etat doit mieux encadrer.
    La protection revient à la fois à l’Etat et aux investisseurs qui s’y lancent. Il ne faut pas se lancer vers une mort certaine et perdre sa vie en cherchant à la gagner. Reste que chez certains Burundais comme dans bien de pays où la pauvreté sévit, les tentatives de survie de certains ressemblent déjà à un suicide. La vie ou la mort comme le chantait un rappeur américain: get rich or die trying, malheureusement que pour beaucoup ce n’est même pas pour devenir riche mais juste pour essayer de survivre.

  3. Stan Siyomana

    1. Vous ecrivez:« Pour lui, s’il y avait des outils de prospection, cela faciliterait leur travail. Il demande au gouvernement de songer à cela, à équiper les coopératives du matériel approprié afin d’augmenter la production sans trop dépenser… »
    2. Mon commentaire
    C’est au secteur prive de prendre certains risques (comme demander un pret bancaire? savoir comment se procurer l’equipement et le savoir-faire necessaires,…) plutot que d’attendre que RETA MVEYI leur donne tout « afin d’augmenter la production sans trop depenser ».
    Le role de l’Etat est de surtout elaborer un code minier qui est competitif au niveaux national et international.

    • Stan Siyomana

      Je crois que certaines cooperatives d’orpailleurs pourraient essayer de se procurer un detecteur de metaux (comme celui-ci qui est vendu par Amazon.com aux Etats-Unis).
      « Fisher Labs Gold Bug Pro Metal Detector, Black (GOLDBUG-PRO)
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