Sans manuels scolaires, sans livres et surtout sans pupitres, le suivi des cours à l’école fondamentale (Ecofo) Karurama II en commune Rugombo de la province Cibitoke relève du parcours du combattant. Désespérés, élèves et enseignants se tournent vers le ministère.
Un tableau alarmant. C’est bientôt midi à l’Ecofo Karurama II, cela fait un temps que les écoliers ont regagné les salles de classe, après la pause de 10heures. De l’extérieur, avec les cris des écoliers, les voix des enseignants qui animent les cours sont difficilement perceptibles…
Dans les salles, le spectacle est surprenant. Cinq, six, sept élèves sont assis sur un même banc pupitre, qui fait 1 m 20 au grand maximum. «Les plus chanceux pour être venus plus tôt», raconte Claudine Nizigiyimana, une enseignante en 1ere année B.
D’après elle, les salles sont peu nombreuses au vu de l’effectif des élèves, elles sont exiguës, et le nombre de pupitres limité. Les retardataires n’ont pas de choix.
Ce lundi, en 1ere année A, sur environ 150 écoliers qui se sont présentés, plus d’une vingtaine suivent les cours à même le sol. Le reste s’est partagé les 27 pupitres que compte la classe.
Recroquevillés et très serrés, ils apprennent difficilement à écrire certaines consonnes. Sans support, ils doivent mettre leurs cahiers par terre, ou pour ceux qui le peuvent, sur leurs genoux. Parmi eux, assises par là depuis 7h30, Ange, Oliva et Emelyne, toutes des fillettes de moins de 7 ans, avouent être très fatiguées…
«Une situation aux conséquences très fâcheuses»
Hormis la fatigue, Liévin Irantabaye, le délégué de la classe, relève d’autres défis. Ces élèves assis par terre sont sujets à la raillerie. «Les passants se moquent d’eux». Ils se sentent aussi ridicules, en chemin, quand ils rentrent avec des habits sales, maculés de boue parfois. Ils peuvent se faire punir par leurs parents, pour manque de propreté.
Ce n’est pas tout. Selon Jecolia Igiraneza, élève en sixième année, de nombreuses lessives usent l’uniforme plus rapidement.
Claudine Nimbona, enseignante en 1ere année, redoute, tôt ou tard, des «conséquences très fâcheuses» sur la vie des écoliers. «Nous, on n’y peut rien malheureusement», regrette-t-elle, compatissante. Elle craint par exemple que les écoliers, avec cette tenue peu comfortable, développent «des maladies de la colonne vertébrale».
Le suivi des cours, selon toujours cette éducatrice est déplorable. «L’effectif des écoliers est trop important, le manque de livres et de manuels scolaires vient enfoncer le clou».
Elle et Laurence Ciragiye, une collègue, doivent encadrer une classe de plus de 300 écoliers, répartis en deux groupes. Une moitié dans l’avant-midi, une autre dans l’après-midi. Cette classe ne dispose d’aucun livre, ni pour les enseignants, ni pour les élèves.
Laurence Ciragiye évoque un ‘‘encadrement difficile’’. Elle demande au ministère de tutelle de venir à la rescousse de ces écoliers. «L’urgence, ce sont de nouvelles salles de classe ainsi que des livres pour élèves et manuels pour enseignants ».
Les responsables d’écoles appelés à se confier à l’autorité communale
Interrogé, le directeur provincial de l’enseignement (DPE) à Cibitoke, a indiqué qu’il n’était pas au courant du cas. Mais Egide Ngendambizi tient à assurer que la question de l’infrastructure scolaire ou de l’équipement des écoles ne relève pas de sa compétence ou du ministère de l’Education. «Depuis 2005, avec la politique de décentralisation, cette question revient à l’administration communale».
Ainsi, il appelle les responsables des écoles à se confier aux autorités administratives communales. Ces dernières pourraient en tenir compte, notamment à travers les projets élaborés dans le cadre de la subvention de l’Etat de 500 millions BIF, offerte chaque année aux communes. «Elles le font naturellement».
Et d’ajouter que la population, surtout les parents d’élèves, viendraient appuyer, le cas échéant, si l’enveloppe de la commune ne couvre pas tous les besoins.
Dans tous les cas, le directeur Ngendambizi appelle la population au planning familial. C’est le seul moyen qui viendrait pallier les effectifs élevés dans les classes. «Car même si l’Etat s’investit dans la multiplication d’écoles, l’ampleur de la croissance démographique reste un obstacle».
Côté administration, Béatrice Kaderi, administrateur de la commune Rugombo, se dit disposée à la collaboration afin de juguler ce problème. Elle soutient avoir convenu avec les responsables d’établissements de présenter à la commune de telles situations pour trouver ensemble, des solutions adéquates.
Mme Kaderi affirme qu’il y a toujours des pourcentages, sur la subvention de 500 millions aux communes, destinée aux affaires sociales. Mais, le cas de l’Ecofo Karurama II ne lui était pas parvenu.
Rappelons que le même problème se posait à l’Ecofo Karurama I, fin 2018. Le comité est venu à bout en contribuant, début 2019, avec 1000 BIF par parent.