A Cibitoke, commune Rugombo, des jeunes désinfectent l’eau pour permettre à la population de consommer une eau potable. Pour ce faire, ils utilisent du chlore produit localement. Une initiative salutaire pour les usagers et l’administration dans cette province où l’accès à l’eau potable reste un sérieux défi. Reportage.
« Nous avons un double objectif : assurer la qualité de l’eau mais aussi à faire la désinfection de l’eau consommée », confie Olivier Nihimbazwe, initiateur de ce projet dénommé Water for development (Eau pour le développement).
Avant de se lancer, ils ont fait des recherches. Et de là, raconte-t-il, ils ont fait le constat que la principale cause des maladies diarrhéiques au Burundi, surtout dans la plaine de l’Imbo, est la consommation d’une eau contaminée.
D’après lui, une étude de la GIZ, réalisée en 2019, montre que 25% des sources d’eau sont contaminées par des bactéries. « Et au niveau des ménages, la contamination allait jusqu’à 75% des cas. Ce qui veut dire que l’eau peut être contaminée pendant le transport et le stockage. Tout au long de la chaîne d’approvisionnement».
M.Nihimbazwe indique qu’en milieu rural l’eau consommée n’est pas traitée. En effet, explique-t-il, 76% des ménages ruraux ont accès à une eau qui ne vient pas des adductions d’eau, là où il n’y a pas de réservoir. Et dans ces conditions, il signale que la désinfection de cette eau devient très compliquée. Or, souligne-t-il, dans les villes comme Bujumbura, elle est traitée, désinfectée.
Une innovation
C’est avec de l’eau et des produits chimiques présents sur place que ces jeunes produisent du chlore sur place. L’équipe comprend des chimistes, des biologistes, des nutritionnistes, des diplômés en santé publique, etc. Ils disposent d’un mini-laboratoire, au chef-lieu de la province Cibitoke. On y trouve des produits chimiques, des cartons de gants, des réactifs, du matériel pour mesurer le PH, etc.
« Premièrement, nous mesurons la matière première (chlorure de sodium) qui est nécessaire pour faire la production, puis, on mesure avec la balance analytique. Après, on verse le produit dans un volume d’eau qui est bien mesuré et cela fait l’électrolyse, le passage de l’électricité dans la solution », raconte M. Nihimbazwe.
En blues blanc et portant des gants, il indique qu’on doit attendre un certain temps pour que l’électrolyse se termine. « Quand la concentration maximale est atteinte, on arrête. » Après cela, décrit-il, on mesure la concentration de la solution qui est produite pour se rassurer que la concentration est celle voulue.
Ils mesurent ensuite la concentration. « Et là, nous utilisons un réactif et on prélève un échantillon, etc. On agite. Après un certain temps, la coloration change. Le nombre de gouttes que nous avons mises dans la solution est proportionnel à la concentration du chlore en termes de grammes par litre », explique-t-il.
Le travail ne s’arrête pas là. Le résultat est mis dans un bidon pour faire la stabilisation. Ce qui permet de garder le PH (Potentiel d’hydrogène) de la solution stable pour que la concentration ne change pas. D’après lui, elle doit rester la même pendant une période comprise entre 6 à 9 mois.
M. Nihimbazwe précise que l’on doit aussi se rassurer que le PH de la solution après stabilisation soit compris entre 9,5 et 10,5. C’est dans des bidons de 5 litres ou 25 litres que le chlore est conservé en fonction de l’usage voulu. « Ces bidons doivent être étiquetés tout en précisant la date de production, celle d’expiration, etc », souligne-t-il. Il mentionne que pour importer cinq litres de chlore, on doit débourser plus de 10 mille BIF. « Or, le coût de la production locale de cette même quantité avoisine 5 mille BIF. Un gain de presque 50%».
Pour désinfecter l’eau, deux approches sont utilisées. Selon Olivier Nihimbazwe, la première consiste à installer un distributeur du chlore. Il s’agit d’un dispositif qu’on place à côté d’un point d’eau, notamment à Rusengo, ou un forage. L’autre approche, raconte-t-il, c’est le nettoyage et la désinfection des réservoirs. « Elle est utilisée là où il y a des adductions d’eau, là où il y a des réservoirs, des chambres de collecte… Après nettoyage, on met le chlore en fonction du volume d’’eau qui se trouve dans ce réservoir et dans la tuyauterie. »
Il signale qu’ils font aussi le suivi de la qualité de l’eau : « On doit s’assurer que l’eau désinfectée a une bonne concentration du chlore résiduel qui est dans les normes recommandées par l’OMS, mais aussi mesurer la qualité microbiologique de l’eau que la population est en train d’utiliser. »
Sur le terrain, les actions sont palpables
Sur la colline, Rukana II, sur un ancien site d’extraction de pierres exploité par Sogea Satom, une source d’eau est née, un « mini-lac ». C’est cette eau que la population environnante consomme. D’autres forages installés là étant à sec, depuis des années selon les habitants. De couleur verdoyante, cette eau n’est pas propre. On y trouve de petits poissons et autres animaux aquatiques. Faute de mieux, les habitants l’utilisent pour la lessive, la cuisson et la consommation.
Aujourd’hui, un distributeur du chlore est installé. Et un jeune y est préposé pour montrer à la population comment désinfecter l’eau.
Willy Ndayishimiye, membre de l’équipe, assure que chaque personne qui vient puiser de l’eau à cette source doit s’assurer que son bidon, son récipient est bien lavé. « Après cela, elle va juste tourner la valve pour faire couler quelques millilitres de chlore avec une dose bien définie pour pouvoir traiter son volume d’eau. » Pour les petits récipients souvent utilisés par les enfants, c’est avec une seringue qu’on injecte une dose déterminée dans l’eau déjà puisée.
Cette initiative touche plus de 120 mille personnes. Outre la désinfection des sources d’eau, des réservoirs, ces jeunes aident aussi les écoles ayant un programme de cantines scolaires. « L’amélioration des conditions d’hygiène dans les écoles est aussi notre préoccupation. Nous avons constaté qu’il y a des enfants qui mangent sans se laver les mains parce qu’il n’y a pas de dispositif de lavage des mains ou de l’eau », déplore M.Ndayishimiye. Ils y ont distribué des kits de lavage des mains et fait la sensibilisation pour l’amélioration des pratiques d’hygiène. Ils sont présents dans les sept écoles qui ont ce programme de cantines scolaires dans la commune Rugombo.
Pour exécuter tout ce travail, Olivier Nihimbazwe indique qu’ils utilisent des fonds provenant de différents prix décrochés dans des compétitions nationales et internationales. C’est entre autres D-Prize Global Competition (2020); Swiss Water Partnership Youth Water Challenge (2021); Global Youth Mobilisation (2022) et Global Greengrants Fund (2022).
Un ouf de soulagement
Grâce ces jeunes, les utilisateurs de cette source n’ont plus à craindre pour leur santé. « On était vraiment très malheureux. Pas d’eau potable dans notre circonscription. On était obligé de consommer cette eau sale, sans aucun traitement », raconte Carine Kanyange, une femme de la colline Rukana II.
Rencontrée aux environs de la seule source d’eau de la localité de Binyange, cette mère de cinq enfants affirme que leur vie était en danger : « C’est cette eau qu’on utilisait pour la lessive, la cuisson et la consommation. Nos enfants et les adultes souffrent souvent de vers intestinaux et d’autres maladies des mains sales. Et ce, suite à la mauvaise qualité de l’eau que nous consommons. »
Avec la désinfection de l’eau, Mme Kanyange espère que leur santé va s’améliorer. Elle affirme qu’aujourd’hui, tout le monde est obligé de désinfecter l’eau.
Oscar Bukuru, un autre habitant de la localité, apprécie aussi cette initiative. Il ne cache pas que cette eau était très sale : « Regardez, il y a même de petits poissons dans l’eau. Ce qui démontre qu’elle n’est pas potable. Mais, on n’a pas d’autre choix.» Pour lui, c’est suite à cette eau que les cas de choléra sont souvent identifiés. Il ne doute pas qu’avec la désinfection de l’eau, de tels cas, y compris ceux des vers intestinaux, vont aller decrescendo.
Côté administration, Léonce Nzikwinkunda, président de la Régie communale de l’eau à Rugombo, juge le projet salutaire : « Ces jeunes nous aident beaucoup. Car notre région, notre commune, manque cruellement d’eau potable. Or, la distribution d’eau d’une bonne qualité est la source d’une bonne santé. »
Revenant sur la situation globale dans la commune Rugombo, M.Nzikwinkunda fait savoir que l’eau potable est insuffisante : « Nous avons actuellement trois réseaux d’eau. » Il cite les réseaux Ruzibira-Rukana, Nyakabingo-Kiramira et celui de Kagobajana-Rusororo avec un débit total de 13 litres par secondes. Ce qui est insignifiant, explique-t-il, un seul réseau devant distribuer à beaucoup de gens. Il donne l’exemple du réseau Ruzibira-Rukana qui englobe presque 15 collines, avec une population d’au moins 29 mille habitants. Il demande l’augmentation du nombre de réseaux d’eau dans sa commune. « Il faut achever la construction du réseau Nyaruseke-Rukana réalisé à moitié», conclut-il.
Qu’est ce que c’est bon d’entendre des jeunes non seulement capables mais qui investissent pour sauver toute une population. Espérons que ces jeunes vont être mis sur la liste des personnes à primer le 1/Mai pour les remercier, les encourager et surtout ouvrir leurs horizons. Je demande pleinement aux autorités de les aider et de les connecter aux autres bailleurs qui peuvent leur donner des stages de perfectionnement bien financés…en France, au Japon,il y a de tels projets.
Merci à Iwacu de leur donner la tribune. Vous êtes toujours du bon côté! Mille merci Iwacu. Je n’arrêterai jamais de vous remercier pour votre excellence