Bien accueillis, bonne collaboration avec l’entourage… les rapatriés disent ne pas être inquiets, côté sécuritaire. Néanmoins, ils peinent à satisfaire aux besoins vitaux de leurs familles. Ils demandent au gouvernement de leur venir en aide. Reportage.
Sur la colline Rugeregere, commune Rugombo, province Cibitoke (ouest du pays), une zone propice aux bananiers. C’est à plus ou moins cinq kilomètres du chef-lieu communal, vers le marché Nyeshenza, réputé pour le commerce de vin de banane appelé Urugombo.
Sur cette colline, avec une terre caillouteuse, on trouve beaucoup de rapatriés rentrés du Rwanda ou de la RDC. C’est le cas de la famille de Violette Igiraneza, 31 ans, mère de cinq enfants.
« J’ai fui le pays en 2015, suite aux intimidations qui se répandaient dans le pays. Je me suis refugiée au Rwanda », se souvient-elle.
Arrivés-là, elle affirme qu’ils ont mené une vie très difficile : « Confrontée à beaucoup de difficultés, je n’arrêtais pas de penser à mon pays. Mes enfants me harcelaient aussi en me demandant pourquoi on est dans un camp de réfugiés. Cela m’a beaucoup travaillée, perturbée. Voyant que ce n’était pas facile de me laisser partir, mon époux et moi avons planifié clandestinement notre retour au pays en vendant d’abord l’aide alimentaire pour constituer le ticket. Et j’ai même demandé de l’aide aux familles amies.»
Elle avoue qu’elle a eu de la nostalgie de son pays. Attendre le convoi du HCR qui prend un temps long de préparation, c’était trop lui demander. Après avoir réuni un peu d’argent pour le ticket, Violette, son époux et ses cinq enfants vont tenter l’aventure du rapatriement. Ils vont d’abord s’adresser au Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR) pour demander la permission de rentrer dans leur pays. « Nous avons déposé le numéro de la maison du camp. Et nous nous sommes mis en route vers le Burundi ».
Avec ses enfants, leur périple va durer trois jours. « En cours de route, mes enfants vomissaient, s’évanouissaient. C’était très épuisant. Quand la pluie tombait, on s’abritait en dessous des arbres. Quand la nuit tombait, on dormait en brousse en attendant le matin pour continuer. Cela a été un long chemin », raconte-t-elle.
Cette mère confie qu’ils ont même pensé rebrousser chemin vers Mahama, mais le sentiment de retrouver sa terre natale l’a emporté. Elle remercie les Rwandais qui se sont montrés aimables, charitables au cours de leur périple : « Quand ils ont entendu que nous sommes des Burundais en train de rentrer au pays, ils nous ont donné de la nourriture cuite, des pains et de l’eau. Sans eux, sûrement que nous n’aurions pas pu tous arriver vivants au Burundi. »
Arrivés au niveau de la douane, côté Rwanda, la famille a été arrêtée. « On s’est justifié. Et des négociations entre les policiers rwandais et burundais ont eu lieu. Et nous avons été remis aux Burundais qui nous ont bien accueillis et nous ont laissés continuer notre route».
A sa colline natale, même s’il y avait la faim, elle assure avoir été bien accueillie : « Les uns nous ont donné 1/2kg de haricots, d’autres de la farine. Et parce que je venais de changer d’eau et d’habitude alimentaire, je suis tombée souvent malade, j’ai maigri. La vie s’est compliquée.»
Sans propriété pour cultiver, elle travaille dans les champs des particuliers pour survivre : « On nous paie 2.500BIF par jour. Et c’est avec cela qu’on essaie d’acheter de la farine, des haricots… pour nourrir nos enfants. Et si par chance, mon époux parvient à avoir un autre revenu, c’est la fête. Mais, souvent, c’est les 2.500BIF qui nous font vivre.» Elle indique avoir retrouvé sa maison intacte, mais vieillissante.
Médiatrice Iciteretse, 28 ans, est rentrée en 2021. Elle aussi était réfugiée dans le camp de Mahama. Contrairement à Violette, elle souligne que la vie n’y était pas mauvaise : « Honnêtement, on parvenait à avoir à manger. Et chaque famille avait une maison. Et la sécurité était aussi bonne dans le camp.»
Toutefois, reconnaît-elle, ce n’est pas bon de rester en exil alors que la paix et la sécurité règnent dans le pays natal. Et cette paix retrouvée l’a poussée à rentrer.
Son retour a été facilité par le HCR et le gouvernement. A son arrivée, elle fait savoir qu’un accueil chaleureux lui a été réservé : « On n’a pas été inquiété. Personne n’est venu nous proférer des menaces. Les administratifs à la base nous rendent visite souvent pour se mettre au courant de notre situation ».
D’autres familles sont rentrées de la RDC. C’est l’exemple de la famille de Joseph, rentrée en 2021 de Lusenda. Il affirme que, dans ce camp, la sécurité n’était pas bonne : « Parfois, on entendait des coups de feu non loin du camp. L’assistance alimentaire venait au compte-goutte. Il était très difficile d’avoir du bois de chauffage et nous vivions dans des tentes délabrées. En cas de pluie, c’était le calvaire. »
Avec ses six enfants, il précise être rentré dans un convoi du HCR jusque dans le site de transit de Gihanga, avant de regagner sa colline natale. Comme d’autres rapatriés facilités, il a retrouvé sa maison mais vieillie.
Un appel à l’aide
Malgré cette paix, ces rapatriés disent que leur situation économique est très précaire. « C’est difficile ! Nous demandons au gouvernement de nous aider à réhabiliter nos maisons, et de nous donner une assistance alimentaire, car on n’a pas cultivé. Par ailleurs, certains d’entre nous n’ont pas de propriété foncière, juste la parcelle où se trouve la maison », plaide Mme Igiraneza. Et comme c’est une rapatriée spontanée, sa famille n’a jamais bénéficié d’assistance alimentaire, que ce soit du HCR ou du gouvernement. « C’est souvent grâce à la charité des voisins qu’elle parvient à envoyer ses enfants à l’école, à les faire soigner, etc », confie-t-elle, tout en les remerciant du fond du cœur.
Son époux doit aussi travailler comme tâcheron dans les champs ou sur des chantiers de construction pour subvenir aux besoins de sa famille. « Malheureusement, il n’est pas engagé tous les jours. Il peut passer trois jours, désœuvré », raconte cette mère de cinq enfants.
Médiatrice Iciteretse abonde dans le même sens : « Regardez notre maison. Elle est devenue trop vieille durant notre absence. En cas de pluie ou de vent, on sort dehors, craignant que la charpente nous tombe sur nous. Elle a besoin d’être réhabilitée, mais on n’a pas les moyens pour le faire. »
Comme Violette, elle a besoin d’une assistance alimentaire : « A notre arrivée, le HCR nous a donné de la nourriture pour trois mois, de l’argent et quelques ustensiles de cuisine. Jusqu’aujourd’hui, aucune autre assistance, même celle promise par le gouvernement. On attend que cette promesse soit honorée ».
Joseph raconte lui aussi avoir besoin d’être assisté : « Quand je suis rentré, les autres avaient déjà cultivé le haricot. Ce qui signifie que pour la saison A, je n’ai rien récolté. S’il y a moyen de nous assister, cela serait salutaire.»
Il dit s’attendre à une bonne récolte de maïs. Il est, en outre, dans le besoin de réhabiliter sa maison.
« Pas de défis majeurs »
D’après Carême Bizoza, gouverneur de Cibitoke, il n’y a pas de problème majeur spécifique aux rapatriés. Il signale qu’ils sont bien accueillis et leurs biens ont été bien protégés par les résidents. « Nous n’avons pas encore reçu de plainte des rapatriés. Personne ne vient les intimider ». Il rappelle que le rapatriement est volontaire. Et quand il s’agit d’un membre de la famille qui rentre, il rejoint les siens.
Pour cette province Cibitoke, M.Bizoza indique que beaucoup de Burundais se sont refugiés dans un camp sis à Buvira, en RDC. Et comme la distribution de l’aide alimentaire se fait vers la fin du mois, il fait savoir qu’il y a des rapatriés qui y retournent clandestinement pour bénéficier de cette aide. « Et après, ils rentrent par la voie officieuse», confie-t-il.
En ce qui est du manque de nourriture, M.Bizoza fait remarquer que « leurs proches peuvent apporter leurs contributions pour que ces familles trouvent de quoi à manger».
Il reconnaît des problèmes pour ceux qui ont fui le pays en 1972. « C’est surtout lié à la terre. Là aussi, il n’y a pas le feu », rassure-t-il, notant que ces dossiers seront réglés par les organes habilités.
Nous avons essayé d’avoir la réaction du directeur général chargé du rapatriement au ministère de l’Intérieur sur ces doléances des rapatriés, en vain.
Et lors d’une conférence animée jeudi 9 février, Filippo Grandi, Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, en visite au Burundi, a appelé le gouvernement burundais et ses partenaires à inclure le volet de réintégration des rapatriés dans leurs programmes de développement. «Il y a les défis de la réintégration. Pour ceux qui ont passé beaucoup d’années en exil, la réintégration est complexe et demande une assistance spécifique », a-t-il souligné. Dans ce cadre, l’Union européenne a annoncé la mobilisation de 40 millions d’euros pour la gestion des réfugiés et rapatriés burundais.
Vraiment c’est difficile aux rapatriés de gagner la vie. Mais eux aussi il y’en a qui ont fui après avoir vendu leur patrimoine, ignorant qu’ils reviendraient. La patrie, c’est comme la mère. C’est irremplaçable.🙋
Tugire amahoro.
Il en est qui ne savent pas les origines de leurs parents. Un exemple: il des personnes qui sont nées dans des camps de réfugiés et qui n’ont connu que la misère pendant plus de 20-30 ans et plus. On les ramène au Pays avec des bases insignifiantes. Misère et misère. Et parfois quand on a été malmené dans son Pays, le seul choix c’est le quitter pour de bon et penser la vie autrement, comme apatride ou sous une autre identité et la vie continue. La patrie, c’est remplaçable.