Dans la commune Makebuko, colline Muhororo en province de Gitega, des membres des communautés tutsi et hutu se sont mutuellement protégés pendant les crises de 1972 et 1993. Ils ont été des témoins actifs positifs en période des violences. Rencontre avec une femme hutu qui a protégé les Tutsi pour échapper aux massacres.
Léoncie Minani, 57 ans, est une habitante de la colline Muhororo. Fille de Pontien Ndirahisha et de Gaudence Gakobwa, elle est mariée à Gaetano Minani. Elle est mère de 6 enfants, dont 3 garçons et 3 filles. Cette femme hutu, actuellement cheffe de colline, a été témoin actif positif lors des atrocités qu’a connues le Burundi. Il s’agit d’une Juste (Inkingi y’amahoro) pour avoir sauvé des gens de l’ethnie tutsi en 1993.
Des membres de la composante sociale tutsi de leur colline risquaient d’être lynchés par des gens provenant d’autres collines. Sur cette colline, aucun Hutu n’a été tué en 1972 car, des Tutsi s’y sont opposés. « Lors des événements de 1993, nous avons alors protégé les Tutsi de notre colline car ils étaient recherchés par des gens provenant d’autres collines », raconte-t-elle.
Elle indique qu’un jour, quelqu’un a dévoilé le secret que des Tutsi sont cachés surtout chez Cimbesha, son beau-père. Des Hutu sont alors venus armés de lances, de flèches et de gourdins. Ils ont déclaré qu’ils venaient tuer les Tutsi qu’ils qualifiaient d’urwire (herbacées à eragostis en kirundi). Le chef de colline d’alors prénommé Venant s’est interposé en disant qu’ils ne peuvent pas les tuer sans commencer par lui. Il s’est déshabillé de sa chemise et a dit : « Transpercez-moi en premier ». Ils se sont disputés, mais les tueurs ont fini par rebrousser chemin. « Lendemain, nous avons décidé de les déplacer vers un autre lieu sûr. »
Léoncie Minani affirme que sur sa colline Muhororo, aucun Tutsi n’a été victime des atrocités. La raison qui les a poussés à les protéger est que les Tutsi avaient sauvé les Hutu en 1972. « Mon père avait été accusé d’être rebelle Mulele. Mais, un administratif à la base, qui était tutsi, a juré qu’aucun Hutu ne sera tué sur notre colline. C’était alors comme une récompense pour le bien qu’ils nous ont fait. Les Tutsi de la commune Gishubi et d’autres localités venaient se refugier chez nous ».
Elle trouve qu’il s’agit d’un honneur d’avoir sauvé des gens. Cela consolide la cohésion sociale. « Nous nous sommes mutuellement protégés pendant les crises. Ceux qui ont été sauvés sont reconnaissants. La cohabitation est pacifique entre les Hutu et les Tutsi. Il ne devrait pas y avoir de méfiance ni d’animosité entre les deux communautés »
Cette brave dame veut léguer l’amour du prochain à ses enfants. Elle dit avoir déjà constaté deux modèles parmi les siens. « Ils doivent étudier pour perpétuer l’amour dans la communauté. Il faut aimer ton prochain sans discrimination aucune. Nous sommes tous des Burundais ».
Rescapés et voisins confirment
Marie Gahigi, 75 ans, est une femme de l’ethnie tutsi, habitante de la colline Muhororo. C’est une femme rescapée qui a été sauvée par des Hutu sur cette colline. Elle se dit très reconnaissante envers ses voisins hutu qui les ont sauvés lors des massacres. « Lors des massacres, nous nous sommes réfugiés chez nos voisins hutu. Il y a un certain Barakana qui a refusé que des tueurs nous touchent. Il a expliqué que nous sommes des voisins paisibles. Nous avons vécu sur cette colline Muhororo et personne n’a été tué ».
Pour elle, n’eût été la bonté de ces voisins hutu, personne de l’ethnie tutsi ne serait en vie. Elle reconnaît que Léoncie Minani et sa famille ont tout fait pour les protéger. « Ils nous ont aidés. Aucun Tutsi n’a été tué sur notre colline. Ceux qui ont été massacrés étaient en dehors de cette colline », explique-t-elle tout en saluant la bravoure et le courage de ses voisins dans ces moments difficiles.
Le prénommé Etienne est un autre voisin qui confirme ces témoignages. Il considère que sur leur colline, Dieu a fait des miracles. « En 1972, les Tutsi ont protégé leurs voisins hutus. En 1993, c’était comme une réciprocité. Aucun sang d’un tutsi n’a été versé. Même des Tutsi venus des autres localités comme Gishubi ont été épargnés. »
Il fait remarquer que ce n’était pas facile de cacher des gens recherchés pour être massacré. Cette action de sauver des vies a agacé les habitants des collines avoisinantes. « Les autres ne comprenaient pas pourquoi nous avons caché ceux qu’ils voulaient tuer ».
Il considère que cette colline a été bénie par Dieu pour cette amour, cette bonté et cette générosité envers l’être humain. Il fait savoir que des enfants doivent suivre ce modèle pour perpétuer cette tradition de bien faire. Il invite tout un chacun à la cohésion sociale et à la cohabitation pacifique.
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