Les messages de découragement et de dénigrement sont monnaie courante lors des échéances électorales. Des leaders politiques peuvent en abuser pour écarter leurs adversaires. Certains habitants de la colline Kizuka en commune Rumonge fustigent de telles attitudes.
Selon M.B, un habitant de la colline Kizuka, commune Rumonge, les messages de découragement ne peuvent pas manquer au sein de la communauté. Il donne un exemple pendant cette période préélectorale. « La situation économique est critique. La population est dans la désolation.
Des gens découragent ceux qui s’apprêtent à participer dans le processus électoral. Pour eux, les dirigeants actuels n’ont rien fait pour servir le peuple. Ils considèrent qu’élire ou ne pas le faire est la même chose », indique-t-il.
David Ndayisenga se rappelle de la période électorale de 2020. Des jeunes du parti au pouvoir et ceux du CNL se regardaient en chiens de faïence. Ils se dénigraient mutuellement. « Des Imbonerakure disaient que, malgré les efforts fournis par l’opposition, celle-ci n’accédera pas au pouvoir. Il y avait même des intimidations. D’autres ont été indexés à cause de leur origine ethnique et certains ont même quitté le pays pour leur sécurité », fait-il remarquer.
Une autre habitante de cette colline indique qu’en matière de compétition politique, certains choisissent de décourager et de dénigrer leurs adversaires pour les écarter. « Il s’agit d’une stratégie pour gagner sans problème ». Et de préciser que cela met en cause l’unité et la paix.
L’utilisation des slogans et des chansons
Rubin Bizimana, conseiller juridique du gouverneur de Rumonge reconnaît que lors des échéances électorales écoulées, les messages de découragement et de dénigrement étaient fréquents. « Dans les partis politiques, ils l’exprimaient en slogans et en chansons. Quand les gens sont frustrés, ils peuvent exprimer leur mécontentement avec violence. Ils peuvent commettre l’irréparable. Il y a même ceux qui se suicident », souligne-t-il.
Cet administratif fait savoir que les autorités ont donné des directives pour éviter toute violence qui peut découler de ces messages. « On sensibilise les jeunes affiliés aux partis politiques sur le fait qu’un adversaire politique n’est pas un ennemi. C’est un ami qu’il faut convertir à base des projets de société viables et efficaces. A ce moment, il adhère de son propre gré comme cela se passe dans des églises », précise-t-il.
Rubin Bizimana considère que des antagonismes, de la suspicion et de la méfiance entre les Burundais sont dangereux. Les leaders et les jeunes affiliés aux différents partis politiques doivent comprendre que les messages de haine sapent les efforts de cohabitation pacifique.
Il trouve qu’il faut plutôt encourager les autres et reconnaître leur apport. Il invite chacun à montrer le bon chemin à ceux qui échouent. « Le pays a une vision d’un Burundi émergent en 2040 et un Burundi développé en 2060. Pour y arriver, il faut éviter tout facteur pouvant semer la zizanie », fait-il observer.
Rester seuls dans la compétition
Selon Félicité Ntikurako, psychologue clinicienne, le découragement et le dénigrement sont un langage et une attitude utilisés par des leaders contre leurs adversaires surtout lors des compétitions politiques. « Ce sont des stéréotypes et des préjugés portés contre les membres d’un groupe adverse donné. Ils les considèrent comme des incapables et des gens violents, car aucun bien ne peut pas provenir d’eux. Ils sont taxés de vauriens. C’est pour dire que malgré les efforts qu’ils fournissent, ils ne servent à rien. Ce sont des expressions dégradantes contre des individus donnés », ajoute-t-elle.
Elle fait remarquer que certains leaders ne savent pas apprécier ni estimer à sa juste valeur l’apport de l’opposition. Ils ne sont jamais satisfaits et font tout pour les décourager. Ils se font affirmer pour s’attirer la sympathie et gagner la légitimité. C’est une volonté d’atteindre leurs objectifs et intérêts avec facilité.
En politique, les groupes politiques antagonistes peuvent se décourager mutuellement pour rester seuls dans la compétition. L’objectif est d’empêcher les autres de gagner.
Cette psychologue clinicienne explique que cette situation n’est pas sans avoir des conséquences. En effet, « ceux qui sont indexés sont frustrés et cela influe sur leurs actions. Ils peuvent prendre des dispositions pour s’affirmer à tout prix. Ils peuvent le faire à travers la violence afin de se venger ».
Félicité Ntikurako considère que sous-estimer les autres revient à se sous-estimer soi-même. Elle appelle au changement des mentalités. Il faut, dit-elle, continuer la sensibilisation et l’éducation de la population pour que les gens évitent le découragement et le dénigrement des autres. « Dans chaque individu, il y a du bien. Il suffit de l’explorer », conclut-elle.