Dans le contexte de la guerre qui sévit à l’Est de la RDC, des communications de certains officiels ainsi que des messages sur les réseaux sociaux et au sein de la communauté qualifient cette guerre d’ethnique. Pour les habitants de la zone Rugazi, commune Kabarore, en province de Kayanza, ces messages sèment la panique et la confusion dans une région déjà mouvementée.
Depuis 2021, un conflit farouche oppose à l’Est de la RDC l’armée congolaise, soutenue par ses alliés, au groupe rebelle M23 que l’ONU accuse d’être appuyé par le Rwanda. Le M23 affirme défendre les droits d’un groupe ethnique menacé. Il s’agit de la communauté des Banyamulenge dits “Tutsi congolais”. Mais, au fur et à mesure que son territoire s’est étendu, l’exploitation minière est devenue une source cruciale de revenus.
Les autorités rwandaises estiment que l’idéologie génocidaire à l’endroit des Tutsi fait son retour. Elles dénoncent des« discours de haine, des persécutions et des lynchages. »
Le Burundi qui a envoyé des militaires pour soutenir l’armée congolaise est accusé de se coaliser avec des “génocidaires” des FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda) et de commettre des atrocités contre des “Tutsi congolais”.
Des messages à caractère ethnique propagés sur les réseaux sociaux alimentent la peur de l’embrasement dans une région qui peine à panser ses plaies. Les habitants de la colline Yanza, zone Rugazi en commune Kabarore de la province de Kayanza dénoncent cette « instrumentalisation » des clivages ethniques.
« Ceux qui considèrent que la guerre à l’Est de la RDC oppose les ethnies veulent semer la panique. Les Rwandais s’infiltrent en RDC sous prétexte de rechercher les génocidaires », indique M.P d’une cinquantaine d’années.
Pour un autre habitant, dire que la guerre en RDC est ethnique est une manipulation de l’opinion. Il considère que ceux qui alimentent les conflits visent leurs intérêts personnels. « Ils occultent leurs responsabilités par des prétextes qui ne tiennent pas ».
De son côté, Diane Niyonsenga considère que ces discours ethnistes qui entourent le conflit en RDC ne visent qu’à semer la méfiance entre les peuples. Elle indique que ces messages de haine peuvent faire ressusciter les vieux démons entre les Hutus et les Tutsis du Burundi.
Un autre habitant dénonce cette course effrénée des gens pour les diviser. « Dire que la guerre en RDC vise telle ou telle autre ethnie c’est appeler les membres de chaque groupe à se préparer pour attaquer le premier. Le risque est grand de revivre ce qui s’est passé au Burundi en 1972, 1988 et 1993 ».
Cesser toute instrumentalisation des ethnies
Ces habitants disent que toute instrumentalisation des ethnies dans les conflits doit cesser. Ils appellent tout un chacun à tenir des discours pacifistes et unificateurs. « Ceux qui ont des intérêts à défendre ne devraient pas le faire sous la couverture de l’ethnie ».
Selon Berckmans Nsaguye, administrateur communal de Kabarore, il y a beaucoup de messages de manipulation basée sur les ethnies. Pour lui, le Burundi et le Rwanda ont une histoire marquée par des clivages ethniques. Raison pour laquelle, à chaque conflit, les ethnies deviennent des prétextes.
M. Nsaguye prévient les uns et les autres. « Revenir sur les divisions ethniques ne fait qu’apporter des malheurs. Les nouvelles générations doivent vivre un pays et une région sans violences ethniques ».
Cet administratif appelle la population à éviter de tomber dans le piège de la manipulation ethnique. « Dans le passé, il y a eu la méfiance, des suspicions, des divisions et des massacres qui ont visé différentes communautés. Rester sereins, consolidez la paix et l’unité !».
Invoquer l’ethnisme à des fins de ralliement
D’après le socio-anthropologue Tharcisse Bimenyimana, considérer que la guerre à l’Est de la RDC est ethnique est un raccourci, un prétexte. « En principe, c’est une guerre pour le contrôle et la gestion des ressources naturelles. On doit utiliser cette connotation ethnique pour rallier plus de monde. Défendre une ethnie X dont les membres sont malmenés, massacrés devient alors pour les manipulateurs une cause noble ».
Pour lui, cette propagation des messages haineux représente un danger pour le Burundi. Le pays est limitrophe de la RDC. Son armée y est présente sur demande des autorités congolaises. Ensuite, il compte en son sein la population de la communauté tutsie. « Parler d’une coalition des génocidaires pour massacrer des Tutsi congolais, c’est mobiliser leurs semblables de la région pour se protéger ».
Cet expert invite la population à ne pas tomber dans le piège des divisions ethniques. Il interpelle les autorités d’éviter tout discours qui peut attiser la haine ethnique pour atteindre leurs intérêts.
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