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Christophe Sebudandi : « Une société civile toujours dans le sens du pouvoir n’en est pas une »

01/05/2012 Commentaires fermés sur Christophe Sebudandi : « Une société civile toujours dans le sens du pouvoir n’en est pas une »

Christophe Sebudandi, consultant indépendant et ancien président de l’Observatoire de l’Action Gouvernementale (OAG) estime que ce sont les positions critiques de la société civile qui la distancient du pouvoir. Toutefois, il indique que la société civile est dans son rôle, contrairement au pouvoir qui veut la museler.

Quel regard faites-vous des relations qui existent entre la société civile et le pouvoir ?

Elles sont régulièrement marquées par des tensions. Il y a de très rares occasions où le pouvoir s’est exprimé en manifestant sa satisfaction vis-à-vis des actions de la société civile. On peut citer certains moments comme après les élections de 2010 suite au travail extraordinaire accompli par la société civile dans le suivi des élections. L’objet de satisfaction, c’est cette appréciation de la part des activistes des droits de l’Homme du déroulement des élections. Ils les ont classées de libres et de transparentes, ce qui allait dans le sens du souhait du pouvoir. La situation aurait été différente si la société civile avait déclaré le contraire.

Selon vous, qu’est-ce qui explique cette fièvre?

Elle est liée à des positions critiques de la société civile par rapport à certains dossiers comme les crimes économiques et crimes de sang. Tout commence avec l’assassinat de Salvator Nsabiriho à Kayanza. Quand le délégué général du Forsc a dénoncé l’ex-gouverneur Senel Nduwimana. Le pouvoir ne l’a pas apprécié. Il a fallu qu’il s’éclipse un certain moment parce qu’il subissait beaucoup de menaces. Il y a aussi le procès sur l’assassinat d’Ernest Manirumva, ancien vice-président de l’Olucome. Lorsque la société civile demande que des personnalités présumées impliquées comparaissent devant la justice, ça provoque le courroux du pouvoir. Il ne tolère pas et agit avec une certaine violence en décidant de suspendre ou supprimer certaines associations. C’est au regard des critiques qui font que le pouvoir assimile la société civile à l’opposition politique. Surtout dans ce contexte où celle-ci est faible et où la société civile prend le relai pour limiter les dégâts.

A votre avis, la société civile se comporte-t-elle comme l’opposition ?

C’est son rôle de dire non et de parler au nom des sans voix. Une société civile qui est toujours dans le sens du pouvoir n’est pas digne de l’être. Elle est par essence un contre-pouvoir, ne vise en aucun cas la prise du pouvoir. Elle essaie de l’orienter dans le sens de l’intérêt général. Toutefois, la société civile en s’associant à d’autres forces de liberté peut appeler la population au renversement du pouvoir quand celui-ci est dictatorial ou quand il ne sert plus les intérêts du peuple. Ce n’est plus un secret, presque tous les régimes commettent des abus. C’est le propre de tous les Etats du monde. Mais plus on consolide la démocratie, plus les contre-pouvoirs deviennent forts et moins les tenants des pouvoirs font moins d’exactions.

La société civile accuse souvent le pouvoir de s’ingérer dans son organisation. Quel commentaire faites-vous ?

Demander à la société civile de rendre compte au ministre de l’Intérieur pour exiger des choses qui ne sont indiquées nulle part dans la loi, c’est un abus de pouvoir.

On voit émerger d’autres organisations de la société civile qualifiées de « Nyakuri ». Quelle interprétation faites-vous ?

Certains Etats ne tolèrent plus que la société civile soit dominée par des organisations critiques. Ils préfèrent créer, derrière une main invisible, d’autres associations qui œuvrent dans le sens du pouvoir. Faire émerger une pseudo société civile, c’est une manière de casser les associations préexistantes. C’est en quelque sorte de l’entrisme visant à inverser les tendances en usant parfois de la corruption mais aussi du harcèlement vis-à-vis des leaders sociaux de telle sorte qu’ils fléchissent.

Quelles en sont les conséquences ?

La population n’est plus défendue. Aujourd’hui, la population sait que quand ses droits sont violés, elle peut consulter l’Aprodh et autres associations. Lorsqu’il s’agit des cas de corruption, elle peut se rendre à l’Olucome. Le fait que la société civile jouait son rôle de protecteur, ce n’est pas pour rien qu’il y a eu ces derniers temps un débat sur la question de sa légitimité par les tenants du pouvoir. Cette question doit porter sur la capacité de la société civile de mobiliser la population, d’être suivie. Si elle lance un appel et que personne n’adhère pas, la question se résout d’elle-même. C’est dommage que cette légitimité soit toujours soulevée quand il s’agit de museler et réduire l’espace d’action de la société civile.

Quels comportements doivent adopter les deux protagonistes pour assainir le climat ?

Que chacun comprenne ses prérogatives et se limite uniquement à cela. Le respect du pouvoir envers la société civile contribue à améliorer son image et vice-versa. Pour sortir de cette crise, les deux parties doivent engager le dialogue. Quelque part, il faut une conciliation pour qu’elles vivent harmonieusement, de manière constructive.

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