<img7576|left>Celle qu’on appelle affectueusement, « la maman dimanche » vient en aide, depuis maintenant plus de 40 ans, aux enfants en situation de détresse, dont les orphelins, les enfants de la rue, les enfants démunis de Kinama, Buterere et Kamenge.
<quote>[Christine Ntahe : "Femme du Courage 2013", selon l’Ambassade des États-Unis au Burundi->http://iwacu-burundi.org/spip.php?article5151]</quote>
Ancienne journaliste à la retraite, la soixantaine, elle mène un combat sans relâche pour les enfants, surtout les plus vulnérables.« Je parcours des kilomètres à pieds, à la recherche des enfants vulnérables de Buterere, dans les montagnes d’immondices. Je les accueille chez moi et les scolarise. C’est une grande joie pour moi lorsqu’à la fin du trimestre, ils m’apportent leurs bulletins » raconte-t-elle.
Et son amour pour les enfants n’est pas un hasard. Ayant perdu son père à l’âge de 11 ans, Mme Ntahe confie avoir porté la disparition de son père très longtemps.Mais elle aura la chance d’avoir une maman dévouée, qui n’a pas ménagé ses efforts pour la garder à l’école. « Chez nous, il y avait toujours à manger, et une hospitalité pour les passants et les visiteurs », se souvient l’humble dame. Une hospitalité qu’elle gardera toute sa vie.
<doc7584|left>La voix des sans voix
En 1979, alors que le monde célèbre l’année internationale de l’enfant, elle en profite pour créer l’émission « Tuganiriz’ibibondo » (Dialoguons avec les enfants). « Je souhaitais qu’ils puissent jouir de leurs droits, en particulier le droit à l’expression. J’ai donc tendu le micro à tous les enfants, de tous les milieux sans distinction aucune ».Cette émission s’exportera dans les camps de réfugiés burundais en Tanzanie, au Rwanda et en R.D Congo, et passera sur la voix des ondes pendant 20 ans.
Puis en 1993, la guerre éclate. Il y a de plus en plus d’enfants dans les rues, d’orphelins de guerre, de gamins séparés de leurs parents. L’urgence n’est plus seulement de leur donner un espace d’expression mais de répondre au besoin vital de se nourrir et de se soigner. C’est ainsi qu’elle décide d’accueillir chaque dimanche, à son domicile, ces enfants, autour d’un repas chaud. D’où le surnom de « maman dimanche ». « C’est devenu un rendez-vous important et ils savent qu’ils sont mes invités d’honneur. Au-delà du repas, ils viennent chercher un peu d’amour.
C’est un moment particulier qui leur fait oublier le temps d’une journée les fouilles des poubelles à la recherche de nourriture », raconte-t-elle, avec émotion.
Une grande joie pour cette femme lorsqu’à la fin du repas, les enfants se mettent à chanter mais également une peine quand elle leur dit au revoir sans savoir comment ils vont s’en sortir durant toute une semaine avant la prochaine rencontre. Et , à l’occasion du dimanche des rameaux, les enfants lui ont fait une surprise, en mettant des fleurs tout autour de sa parcelle et devant son portail. « Je me suis mise à pleurer devant mes enfants. Mon monde, ma vie, c’est le partage avec eux. Si je pouvais leur rendre le sourire, si je pouvais sécher leurs larmes, alors j’aurais trouvé un sens à ma vie, et je me sentirai comblée.»
Une retraite en guise de continuité
Grâce au soutien de sa famille, aux consultances qu’elle fait occasionnellement dans les ONG, et aux dons de certains bienfaiteurs, elle s’est mise à scolariser les enfants vulnérables. Certains vont la voir parce qu’ils ont besoin d’une assistance quelconque. D’autres, qui ont mieux réussi, passent pour lui dire bonjour. Un de ceux-là, devenu artiste, lui a dédié une chanson sur son premier album intitulé « l’espoir retrouvé chez Maman Christine ». Elle l’avait soustrait au quotidien de la rue alors qu’il n’avait que 10 ans.
Aujourd’hui à la retraite, « maman dimanche », depuis 8 ans, se lève à 6h30 pour aller aider les écoliers de son quartier Ngagara à traverser la route. « Leur école se trouve sur un tournant très dangereux, et puis je n’ai rien à faire d’autre. Autant protéger ces petits anges » explique- t-elle, amusée.
Les actions de cette femme, d’ailleurs instituée Mushingahe depuis 2012 ne sont pas passées inaperçues. En 2000, elle a été élue « grand citoyen de la paix et meilleure mère du pays » par le Collectif des Associations des Jeunes (CPAJ).
En 2005, elle était nominée parmi 1000 femmes pour le Prix Nobel de la Paix. Et le 25 mars dernier, elle a été désignée comme « Femme du Courage » 2013 par l’ambassade des Etats-Unis. Mme Ntahe ne cherche pas la notoriété encore moins les reconnaissances, tout ce qu’elle demande, c’est qu’on la soutienne dans son combat. « Ne restons pas indifférents à ces enfants qui nous implorent. Tendons-leur la main car la rue ne les forme pas, si ce n’est à les rendre mauvais, criminels, voleurs, alors qu’ils sont le Burundi de demain. Ces enfants, ce sont les nôtres » C’est dans cette optique qu’elle préside aujourd’hui l’association Bon geste.