Jadis, presque la totalité des unités d’extraction de l’huile de palmier participait à la pollution du lac Tanganyika. Aujourd’hui, les effluents des palmiers à l’huile servent comme fertilisants. Et sur les dix dernières années, la production a augmenté. Christian Nimubona, directeur agronomique à l’Office de l’huile de palme (OHP), fait le point.
Des environnementalistes pointaient du doigt les unités de production de l’huile de palme comme pollueuses du lac Tanganyika. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Le secteur de la transformation de l’huile de palme est en pleine expansion. L’effectif des unités de production ne cesse d’augmenter. Aujourd’hui, nous comptons autour de 440 unités artisanales améliorées. Ces dernières transforment plus de 70 % de la production de l’huile. Ce sont des unités motorisées.
Autrefois, elles entraînaient beaucoup de pollution par le rejet des effluents dans les rivières se déversant dans le lac Tanganyika. C’est pourquoi l’Office de l’huile de palme(OHP) a lancé une campagne de sensibilisation des propriétaires de ces unités à l’abandon de ces pratiques nuisibles au lac et à sa biodiversité.
Comment avez-vous procédé ?
D’abord, au niveau de l’OHP, nous avons découvert que ces résidus pouvaient être transformés en fertilisants très productifs. Et la technique est simple et peu coûteuse. On commence par creuser des fossés de récupération des effluents sortant d’une unité d’extraction d’huile de palme. Les résidus sont canalisés dans un ou des bacs de sédimentation. Après un ou deux mois, ils se transforment en fumure organique. Ainsi, au lieu d’aller polluer le lac, ces effluents deviennent très utiles.
Quels sont les résultats sur le terrain?
Cette campagne commencée en 2012 a produit des résultats très appréciables. Sur les 440 unités réparties sur le territoire national, la majorité ne rejette plus leurs effluents dans les affluents du lac Tanganyika ou d’autres rivières. Elles les utilisent dans la fertilisation des plantations, d’autant plus que les unités sont généralement installées dans les plantations des palmiers à l’huile. Ils sont aussi utilisés dans la fertilisation d’autres cultures en association avec le palmier à huile, comme les colocases, les bananiers, etc.
Cette technique s’est même étendue chez les agriculteurs qui n’ont pas de grandes plantations de palmier à l’huile. Il n’est pas rare, surtout pendant la saison sèche, de voir des personnes qui viennent avec des camions pour acheter la fraction solide des effluents produits au niveau des usines et stockés dans les bacs de sédimentations.
Néanmoins, on rapporte qu’il existe toujours des extracteurs qui déversent encore clandestinement ces déchets dans les affluents du lac. Etes-vous au courant ?
Les cas ne manquent pas, mais ils sont isolés. Ce sont des unités artisanales manuelles qui sont en perte de vitesse. Il n’en reste que quelques-unes dans les exploitations familiales. Elles sont moins importantes et n’ont pas d’effets significatifs sur la pollution.
Nos efforts ont été consentis sur les unités artisanales améliorées parce qu’au niveau des unités industrielles, la dimension de protection de l’environnement est bien prise en compte.
Que faites-vous pour décourager totalement cette pratique?
L’OHP a un service dédié à la protection de l’environnement. Et ce service opère quotidiennement dans les unités d’extraction. Son travail se focalise sur la surveillance, le suivi et le contrôle de l’hygiène des unités de production de l’huile de palme. Il peut bien évidemment y avoir un cas ou deux, des gens qui n’ont pas encore emboîté le pas aux autres dans la protection de l’environnement. Mais ils sont rares. Et quand on les attrape, ils sont soumis à des sanctions pouvant aller jusqu’à 400 mille BIF pour décourager totalement ce comportement irresponsable.
Quel est votre message à leur endroit ?
Nous interpellons les propriétaires des unités de production du palme à l’huile à respecter l’environnement et à utiliser les effluents dans la fertilisation des champs. Car ils produisent des effets spectaculaires sur la production agricole. Il n’y a aucune raison que cette valeur ajoutée puisse être encore rejetée dans le lac Tanganyika.
Les gens ne risquent-ils pas de se concentrer sur cette plante en défaveur des cultures vivrières ?
Nous remarquons un engouement spectaculaire des populations pour le palmier à l’huile, notamment dans la région du Kumoso. Le palmier à l’huile est une culture très prisée par la population. C’est vrai que les gens sont inquiets par rapport à son expansion, mais dans ces régions, les superficies occupées par le palmier à l’huile restent largement faibles pour être en concurrence avec les cultures vivrières.
Les demandes des plants des palmiers à huile sont très nombreuses. C’est même dans ce cadre de l’expansion de cette culture que des efforts sont consentis pour y répondre. Dans la zone Kinyinya, il y a une pépinière pour produire des plants pour la saison A en 2023.
Comment se porte alors la production?
La production va crescendo depuis que nous avons adopté un programme soutenu par le gouvernement du Burundi d’extension de la culture du palmier à l’huile et de reconversion des vieux palmiers. Depuis 2012, la production n’a fait qu’augmenter. Aujourd’hui, nous sommes autour de 28 mille tonnes d’huile par an alors que dans les années 2010 et 2021, on était autour de 12 mille tonnes.
Et quelles sont les périodes de fortes productions ?
Le palmier à l’huile est une culture produite sur toute l’année dans les régions à précipitations réparties sur toute l’année. C’est une culture des pays chauds et humides. Le Burundi est une zone marginale pour le palmier à l’huile. C’est pourquoi la production est essentiellement importante durant une partie de l’année. Pour le Burundi, elle s’étend du mois de septembre au mois de décembre, suivie du mois de janvier à mars.
Malgré l’expansion des plantations de palmier à l’huile, l’augmentation de la production, le prix de l’huile de palmier ne cesse de grimper. Qu’est-ce qui explique cette flambée?
Jadis, on était habitué à l’huile de palme rouge. Mais il faut savoir que l’huile de palme peut être transformée en plusieurs produits. Aujourd’hui, avec le développement industriel, l’huile de palme est en train de devenir une matière première pour beaucoup d’usines, d’industries. C’est pourquoi nous voyons d’autres sous-produits à base de l’huile de palme qui sont en train de se multiplier. Notamment les savons liquides, les huiles raffinées, les savons cosmétiques, etc.
L’augmentation des prix serait alors liée essentiellement au fait que l’huile de palme, naguère utilisée uniquement dans l’alimentation, est en train d’être une matière première pour d’autres produits.
« …Aujourd’hui, nous comptons autour de 440 unités artisanales améliorées. Ces dernières transforment plus de 70 % de la production de l’huile. Ce sont des unités motorisées… ».
Toute la consommation est-elle locale ? Rien pour rapporter des devises dont nous avons tant besoin ?