Vendredi 22 novembre 2024

Politique

Chergui, la voix qui crie dans le désert

24/06/2019 Commentaires fermés sur Chergui, la voix qui crie dans le désert
Chergui, la voix qui crie dans le désert
Le Conseil de sécurité n’a fait ni résolution ni déclaration, juste un simple communiqué de presse sur le Burundi.

Au lendemain du briefing sur la situation du Burundi, les questions ne manquent pas. Un dialogue à la veille des élections ? Quid de l’ouverture de l’espace politique et de l’échec de la communauté internationale ? Décryptage

Selon Smaël Chergui, la reprise du dialogue est la seule alternative permettant la restauration de la paix, de la sécurité durable et de la réconciliation du Burundi.

Un dialogue difficile à envisager à l’heure actuelle pour des raisons évidentes : la machine électorale est déjà lancée vers les élections qui auront lieu dans quelques mois à peine. Jusqu’ici, Gitega ne subit aucune pression qui le pousserait à appuyer sur « pause ».

Il semble aussi compliqué de réveiller la médiation de l’EAC (East African Community) en veilleuse, les plus pessimistes disent qu’elle a fait long feu. Pour rappel, la médiation de l’EAC a renvoyé la question burundaise aux calendes grecques lors du 20e sommet des chefs d’Etat de la région tenue le 1 er février dernier. Souvenez-vous de Benjamin Mkapa jetant l’éponge, en reconnaissant publiquement son échec. Un véritable fiasco. Les protagonistes dans la crise burundaise se sont retrouvés livrés à eux-mêmes.

Pour réactiver la médiation il faudrait du temps et une bonne dose de bonne volonté qui lui a fort manqué durant ces trois dernières années. La sous-région n’a pas été au rendez-vous des espoirs des Burundais. Elle a actuellement d’autres chats à fouetter. La crise Rwanda-Ouganda, les sanctions de l’UE sur la Tanzanie… Chacun essaie de balayer devant sa porte.
Il faudrait aussi dégoter un facilitateur de confiance et capable de réanimer toute la « machinerie ». Entretemps, l’horloge des prochaines échéances électorales, elle, n’a pas arrêté de tourner.

On peut se demander si la déclaration de Chergui n’est pas un appel du pied pour reprendre en main un processus de dialogue au point mort avec l’EAC et s’interroger sur les modalités de son applicabilité dans un timing aussi serré et, disons-le, défavorable.

Une communauté internationale amorphe

A New York, il a été difficile de convenir sur la situation du Burundi, le 14 juin.
Les efforts des pays comme la France et la Belgique de ramener la question burundaise sur la table du Conseil de Sécurité des Nations unies et d’aboutir à une résolution ont été pour le moins infructueux. Le pouvoir en place bénéficie du soutien de taille de la Chine et la Russie. Tous, ensemble, parlent le langage d’Albert Shingiro, l’ambassadeur burundais auprès des Nations unies. « Respect de la sacro- sainte souveraineté; le Burundi est un pays en paix et en sécurité ; laissez les Burundais s’occuper de leurs affaires internes…». Des vétos très précieux pour faire barrage à tout ce qui pourrait sinon nuire du moins mettre la pression sur le gouvernement de Nkurunziza. Au final, aucune résolution, aucune déclaration ne sort de la session. Juste un communiqué de presse.

Du côté africain, l’ambivalence de la rhétorique du sommet des chefs d’Etats de l’UA et de la commission paix et sécurité constitue une vague sur laquelle surfe Gitega. Dans sa déclaration, l’Ambassadeur Shingiro tacle vertement Chergui : « Je dois dire cependant que dans ses propos, il s’est dangereusement écarté de la décision du Sommet des Chef d’Etat de l’Union Africaine qui s’est tenu du 10 au 11 février 2019.» En substance, le sommet des chefs d’Etat de février avait félicité le gouvernement burundais pour ses préparatifs des élections de 2020, salué la décision du président Nkurunziza de ne pas se représenter en 2020 et réitéré son appel à l’Union Européenne de lever les sanctions économiques imposées au Burundi.

Un grand souci d’accord de violons qui, somme toute, conforte le pouvoir dans sa logique jusqu’au-boutiste, droit vers les élections. Lui qui, soit dit en passant, a ses entrées à la présidence actuelle de l’Union Africaine tenue par l’Egypte.

Réactions

Charles Nditije : « Pessimiste en ce qui concerne la reprise du dialogue à court terme.» Selon Charles Nditije, président du parti Uprona de l’opposition, l'UA comme les Nations unies ont lamentablement échoué dans leur mission d'aider les Burundais à retrouver la paix et la sécurité à travers notamment un dialogue inclusif. Les quelques résolutions prises pour contraindre le pouvoir en place à négocier sont restées sans effet. « Ceci a poussé le pouvoir à plus d'arrogance et de violence ». Cet opposant en exil se dit très pessimiste en ce qui concerne la reprise du dialogue à court terme. D’une part le pouvoir se prépare aux élections de 2020 et n'entend pas faire des concessions par rapport à la nouvelle Constitution du 7 juin 2018 qui enterre l'Accord d'Arusha et consacre un monopartisme de fait. D'autre part l'UA a déjà montré son incapacité à prendre des mesures pouvant contraindre le pouvoir à négocier avec l'opposition. « A cela j'ajoute la faiblesse de l'opposition dans son ensemble qui n'a pas les moyens d'inverser le rapport des forces. » Edouard Nduwimana : « Un débat sur le dialogue paraît être un déni des efforts consentis.» Selon l’ombudsman burundais, même si le briefing du Conseil de sécurité ne donne pas lieu à une résolution, cette démarche montre qu’il y a encore des pays ou des organisations qui n’entendent pas laisser le Burundi jouir de sa souveraineté, contrairement à d’autres pays qui sont à féliciter. Edouard Nduwimana estime que le dialogue externe a été clôturé et le facilitateur a remis son rapport au médiateur. « Au regard de la situation qui prévaut, un débat sur le dialogue n’est d’aucun intérêt et paraît être un déni des efforts consentis». Faisant miroiter d’autres sessions de dialogue extérieur, le discours M. Chergui risque de retenir en exil les politiques qui avaient l’intention de rentrer pour se préparer aux élections. L’ombudsman dit tout de même observer des actes de violences à caractère politique. « Tout le monde devrait se focaliser sur l’endiguement de ces actes par une sensibilisation et un dialogue interne aux partis politiques ».

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« L’espace politique restreint »

A la veille de la réunion du Conseil de sécurité, Human Rights Watch a publié un rapport mercredi 12 juin pour dénoncer les violences perpétrées à l'encontre de membres de l'opposition au Burundi. En appelant le Conseil de Sécurité à sa responsabilité par des actions concrètes pour faire pression sur Gitega. Le Commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union Africaine a également estimé que le climat politique au Burundi devenait de plus en plus délicat et que les partis d’opposition se plaignaient d’arrestations arbitraires de leurs membres et d’entraves à leurs activités politiques sur le terrain. De toute évidence, le dossier intolérance politique s’empile quoi qu’en dise le pouvoir en place. Des faits rapportés par les reporters d’Iwacu sur le terrain sont alarmants. Arrestations arbitraires, actes d’intimidations, violences physiques et morales, l’opposition n’en finit pas de boire la tasse. Une situation qui n’augure rien de bon. Surtout s’il faut maintenir le rendez-vous 2020. Des préalables semblent requis pour garantir des élections libres, transparentes et apaisées.

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