Au lendemain du briefing sur la situation du Burundi, les questions ne manquent pas. Un dialogue à la veille des élections ? Quid de l’ouverture de l’espace politique et de l’échec de la communauté internationale ? Décryptage
Selon Smaël Chergui, la reprise du dialogue est la seule alternative permettant la restauration de la paix, de la sécurité durable et de la réconciliation du Burundi.
Un dialogue difficile à envisager à l’heure actuelle pour des raisons évidentes : la machine électorale est déjà lancée vers les élections qui auront lieu dans quelques mois à peine. Jusqu’ici, Gitega ne subit aucune pression qui le pousserait à appuyer sur « pause ».
Il semble aussi compliqué de réveiller la médiation de l’EAC (East African Community) en veilleuse, les plus pessimistes disent qu’elle a fait long feu. Pour rappel, la médiation de l’EAC a renvoyé la question burundaise aux calendes grecques lors du 20e sommet des chefs d’Etat de la région tenue le 1 er février dernier. Souvenez-vous de Benjamin Mkapa jetant l’éponge, en reconnaissant publiquement son échec. Un véritable fiasco. Les protagonistes dans la crise burundaise se sont retrouvés livrés à eux-mêmes.
Pour réactiver la médiation il faudrait du temps et une bonne dose de bonne volonté qui lui a fort manqué durant ces trois dernières années. La sous-région n’a pas été au rendez-vous des espoirs des Burundais. Elle a actuellement d’autres chats à fouetter. La crise Rwanda-Ouganda, les sanctions de l’UE sur la Tanzanie… Chacun essaie de balayer devant sa porte.
Il faudrait aussi dégoter un facilitateur de confiance et capable de réanimer toute la « machinerie ». Entretemps, l’horloge des prochaines échéances électorales, elle, n’a pas arrêté de tourner.
On peut se demander si la déclaration de Chergui n’est pas un appel du pied pour reprendre en main un processus de dialogue au point mort avec l’EAC et s’interroger sur les modalités de son applicabilité dans un timing aussi serré et, disons-le, défavorable.
Une communauté internationale amorphe
A New York, il a été difficile de convenir sur la situation du Burundi, le 14 juin.
Les efforts des pays comme la France et la Belgique de ramener la question burundaise sur la table du Conseil de Sécurité des Nations unies et d’aboutir à une résolution ont été pour le moins infructueux. Le pouvoir en place bénéficie du soutien de taille de la Chine et la Russie. Tous, ensemble, parlent le langage d’Albert Shingiro, l’ambassadeur burundais auprès des Nations unies. « Respect de la sacro- sainte souveraineté; le Burundi est un pays en paix et en sécurité ; laissez les Burundais s’occuper de leurs affaires internes…». Des vétos très précieux pour faire barrage à tout ce qui pourrait sinon nuire du moins mettre la pression sur le gouvernement de Nkurunziza. Au final, aucune résolution, aucune déclaration ne sort de la session. Juste un communiqué de presse.
Du côté africain, l’ambivalence de la rhétorique du sommet des chefs d’Etats de l’UA et de la commission paix et sécurité constitue une vague sur laquelle surfe Gitega. Dans sa déclaration, l’Ambassadeur Shingiro tacle vertement Chergui : « Je dois dire cependant que dans ses propos, il s’est dangereusement écarté de la décision du Sommet des Chef d’Etat de l’Union Africaine qui s’est tenu du 10 au 11 février 2019.» En substance, le sommet des chefs d’Etat de février avait félicité le gouvernement burundais pour ses préparatifs des élections de 2020, salué la décision du président Nkurunziza de ne pas se représenter en 2020 et réitéré son appel à l’Union Européenne de lever les sanctions économiques imposées au Burundi.
Un grand souci d’accord de violons qui, somme toute, conforte le pouvoir dans sa logique jusqu’au-boutiste, droit vers les élections. Lui qui, soit dit en passant, a ses entrées à la présidence actuelle de l’Union Africaine tenue par l’Egypte.