Des coups de bâtons, des jets de pierres, l’isolement… autant de mauvais traitements qu’endure un malade mental. Par des tableaux, le directeur du Centre neuropsychiatrique de Kamenge (CNPK) illustre ces scènes douloureuses.
A peine le grand portail du centre traversé, onze peintures se succèdent devant le bloc administratif. Le 1er montre une scène d’un homme ligoté, ses habits déchiquetés, en train d’être battu tandis que d’autres s’apprêtent à lui lancer des pierres. Le dernier tableau montre la même personne, cette fois, libre et ses habits non déchirés. Il fait des accolades avec ceux qui le malmenaient avant.
Frère Hyppolite Manirakiza, le concepteur de ces peintures et directeur du CNPK, parle du «chemin de croix d’un malade mental ». Les délires, les hallucinations auditives ou visuelles, les agressions physiques ou verbales, l’errance pathologique,… poussent parfois les familles et les proches d’un malade mental à le stigmatiser, à l’enchaîner et à le maltraiter.
D’après le praticien, la plupart des Burundais lient la maladie mentale aux mauvais esprits, aux fétichismes, … Bref, une maladie mystérieuse nécessitant une approche mystérieuse.
Une enquête effectuée en 2013 par le CNPK sur les malades mentaux internés a révélé que plus de 80% ont consulté au moins un guérisseur ou ont été amenés dans une chambre de prière. « Et ce, avant d’aller dans les centres spécialisés pour un traitement adéquat».
Une réalité sur terrain. « Avant d’amener mon frère ici, nous avons visité les guérisseurs plus de dix fois. Et chaque fois, ils me parlaient de la sorcellerie », témoigne un garde malade au CNPK. Un jour, se souvient-il, son frère a été mortellement battu par les passants qui l’accusaient d’être violent. Selon le garde malade, sa famille a dépensé plus de 300.000Fbu chez des guérisseurs traditionnels avant de venir au CNPK.
Or, les causes des troubles psychologiques et psychiques peuvent être nombreuses : les tueries, la perte des êtres chers, des biens matériels ou des liens sociaux, la déception amoureuse, la pauvreté, etc.
Durant des mois, des années, un malade mental peut être battu, ligoté, privé de nourritures, errer dans les rues, … « Bref, il est considéré comme un être inutile dépourvu d’aspect humain. », déplore M. Manirakiza. Son centre enregistre près de 11 mille consultations par an.
La maladie mentale guérit
« Si un malade mental arrive au centre, le personnel doit le traiter dignement. S’il est enchaîné, on le détache. Une équipe multidisciplinaire composée d’un médecin, d’un psychologue, d’un assistant social, d’un agent pastoral et d’un infirmier est mise en place pour suivre son évolution», indique-t-il avec des statistiques à l’appui. Dès qu’il est stabilisé, suivent des séances de psychothérapie, de sociothérapie, d’ergothérapie et celles de nature spirituelle. « Ce qui l’aide à développer son estime de soi et son auto conceptualisation». Et la finalité étant son intégration dans sa famille. Mais avant sa sortie officielle, précise-t-il, les membres de sa famille reçoivent aussi des séances de psycho éducation. Une façon selon le directeur du CNPK, de l’aider à soutenir le patient dans l’observance thérapeutique et médicale.