Jeudi 21 novembre 2024

Santé

« Chaque enfant autiste est unique. Il a des besoins spécifiques »

28/05/2024 1
« Chaque enfant autiste est unique. Il a des besoins spécifiques »

Débiles, capricieux, enfants gâtés, possédés, … des stéréotypes dont sont souvent victimes les enfants autistes. Et pourtant, ce sont des enfants comme les autres enfants. Dr Mélissa Ingabire, cheffe du service Intégration sensorielle au centre Talitha Koum qui s’occupe de cette catégorie d’enfants revient sur les signes de l’autisme et prodigue quelques conseils. Rencontre.

Comment savoir qu’un enfant est autiste ?

L’autisme est principalement décrit sur base de l’observation clinique des personnes autistes et de la recherche de ses causes. La description est fournie par la Classification internationale des maladies (CIM) ainsi que par le Manuel diagnostique et statistiques des troubles mentaux (DSM5).

Citons des déficits persistants dans la communication sociale dans des contextes variés. Et il y a des caractères pour expliquer cela.

Lesquels ?

Il y a les déficits sociaux émotionnels. Les enfants autistes ne parviennent pas à lire les émotions des autres. Ils ne comprennent pas par exemple qu’un autre enfant pleure parce qu’il est triste. Ils ne manifestent pas d’émotions. Par exemple, au centre, la plupart des enfants sont non verbaux. Ils ne peuvent pas échanger, avoir une conversation avec les autres. Ils ont aussi des déficits dans les comportements. Prenons le regard : ces enfants ont les difficultés de maintenir le contact du regard dans les yeux. En les saluant, tu peux vouloir qu’il te fixe, te regarde dans le visage mais il a un regard fuyant.

L’autre difficulté, c’est pour les mouvements du corps. Quand on parle, les non autistes peuvent s’exprimer par les mouvements des bras, le hochement de la tête mais chez les autistes, cela n’existe pas.

Mais ça peut aussi être un déficit dans le maintien, dans le développement, dans la compréhension des relations.

Que voulez-vous dire concrètement ?

Un autiste ne comprend pas les causes des relations sociales : Se saluer, embrasser quelqu’un, etc. Ce sont là des relations sociales qui sont régies par des règles. Et ces dernières ne sont pas compréhensibles par les autistes.
Il y a les caractères restreints et répétitifs, des comportements, des intérêts ou des activités. Et là, on distingue plusieurs points.

A savoir ?

Le caractère répétitif des mouvements : un enfant se balance, agite les bras ou les mains devant son visage. Ce qu’on appelle le flapping ou hand flapping qui est un comportement consistant à agiter frénétiquement les mains par exemple. C’est vraiment le signe assez fréquent pour la plupart des autistes. Ceux qui n’agitent pas leurs doigts, regardent leurs doigts devant leur visage. Et c’est répétitif. Il faut voir aussi comment les enfants utilisent des objets.

Concrètement ?

Un enfant peut avoir un intérêt pour un objet spécifique. Il aime trop par exemple les voitures. Il joue avec elles avec une intensité forte. Mais aussi, il y a une particularité dans leur façon de les utiliser.

Une non autiste peut facilement comprendre qu’il faut faire rouler la voiture mais un autiste va plus se focaliser sur les pneus, va la tourner. Et c’est très intéressant pour lui.

Pour les petites filles, quand tu leur donnes une poupée, un non autiste comprend qu’il faut coiffer ses cheveux, l’allaiter, la mettre sur le dos, etc. Mais, pour les autistes, cela n’est pas compréhensible.

Ça peut aussi être un caractère répétitif au niveau du langage. Ce qu’on appelle écholalie. Au lieu de te répondre, l’enfant répète ce que tu viens de lui dire. Ça peut être une écholalie immédiate ou une écholalie différée. Donc, il peut répéter ce que tu lui as dit plus tard, à la fin de la journée, quelques jours après.

Ça peut être aussi des jargons. Un enfant qui se parle à lui-même. Et ce n’est pas à visée communicative.
Il y a aussi l’intolérance aux changements.

Comment ?

Les autistes veulent des routines. Si par exemple l’enfant a l’habitude de passer par tel chemin pour aller à l’école, c’est difficile pour lui de changer cette trajectoire. Il y a aussi des enfants qui ne veulent que le même aliment.

Il y a aussi des intérêts qui paraissent anormaux par leur intensité ou par leur définition. Vous trouverez un enfant très intéressé par les animaux et il en est passionné.

Par intensité, que faut-il comprendre ?

C’est par rapport au temps qu’il accorde à cet intérêt. Si c’est question d’aligner les voitures, il peut le faire plusieurs heures si tu le laisses faire. Il peut passer plusieurs heures à se regarder les mains.

Citons aussi les particularités sensorielles : les sens, les perceptions. Elles opèrent au niveau de nos organes. Pour les autistes, il y a des particularités pour les cinq sens : la vue, le toucher, l’ouïe, l’odorat et le goût. Là, parlons de l’hypersensibilité ou de l’hypo-sensibilité.

Que devrions-nous comprendre par l’hypersensibilité justement ?

Cela signifie que les canaux sensoriels sont trop ouverts. Il y a trop d’informations qui parviennent au cerveau alors que dans sa manière de fonctionner, ce dernier n’est pas capable de tout gérer. Pour la plupart, cela génère même des crises. Parce que le cerveau est trop surchargé et n’arrive pas à tout gérer en même temps.

Et l’intégration sensorielle, c’est la capacité du cerveau à pouvoir traiter, analyser et donner une réponse par rapport aux informations sensorielles qui parviennent au cerveau.

Sans cette intégration sensorielle, on ne peut pas fonctionner. Nous tous, mêmes les non autistes, la question de sens nous concerne. Cela se passe à chaque milliseconde dans notre cerveau et concerne tous nos domaines de développement.

Précisément, comment cela se passe chez les non autistes et les autistes ?

Pour les non autistes, nous avons la capacité de trier, de sélectionner parmi toutes les informations que nous recevons et de pouvoir nous focaliser sur les informations pertinentes. Mais, pour les enfants autistes, ils gèrent tout en même temps. Ce qui génère des surcharges au niveau de leur cerveau. Ça peut être de l’anxiété ou des crises à la fin de la journée. Ces hypersensibilités peuvent concerner un sens comme un autre.

Exemple ?

Nous avons la plupart des enfants qui se bouchent les oreilles parce qu’il y a des bruits sonores qu’ils ne parviennent pas à supporter. Cela peut être une voiture qui roule, un ventilateur, un frigo, etc. Tu peux être en train de lui parler et peut-être que le bruit de ta voix est combiné avec le son d’arrière-plan qu’il est en train d’entendre. Tout se fait en même temps. Cela devient pour lui très difficile à supporter. Ça peut-être aussi au niveau du toucher.

C’est-à-dire ?

Pour nous, c’est normal. Mais pour les enfants autistes hypersensibles, ils peuvent être gênés par les étiquettes de ses habits et vouloir se déshabiller peut-être parce que leur contact avec son corps le gêne. Par exemple, quand tu le touches, il garde cette empreinte au niveau de son corps toute la journée. Il y a des enfants qui sont perturbés par trop de lumière et d’autres qui préfèrent plutôt cela.

Comment ça se passe chez ceux qui ont une hypo-sensibilité ?

Pour eux, cela signifie que les informations ne parviennent pas correctement au niveau du cerveau. Donc, les canaux sensoriels ne sont pas assez ouverts. C’est comme si le cerveau est privé d’information. Dans ce cas, les autistes cherchent une stimulation externe. Par exemple, au niveau de l’audition, il voudra faire ses propres bruits pour s’auto-stimuler. Ils tapent des objets sur la table.
Il y a aussi des sens intéroceptifs. Le vestibulaire par exemple.

De quoi s’agit-il ?

Ce sont des structures qui sont situées à l’intérieur de l’oreille interne. Elles détectent les mouvements ou les changements de position de la tête et permettent l’équilibre.

Exemple ?

Tu peux avoir un enfant qui ne supporte pas les balançoires ou quand tu le tournes, il a tellement peur. Il s’accroche alors sur toi fortement.

La régression peut aussi renseigner sur l’autisme. Un enfant qui avait commencé à parler, à faire contact au niveau du regard ; un enfant qui avait déjà été intéressé par les relations avec les parents et son entourage mais chez qui, à un certain moment, tout s’arrête. Il ne parle plus.

Au Burundi, disposons-nous des spécialistes en la matière ?

Moi je suis docteure mais je dirai que dans mon cursus, je n’ai pas eu à apprendre beaucoup de choses sur l’autisme. Je l’ai appris ici, au centre, quand j’ai entendu parler des enfants autistes. Et je me suis formée sur le tas. Comme je suis très souvent avec des enfants autistes, cela m’a permis de développer mes connaissances en la matière.

En fait, l’autisme n’est pas très connu même au sein du service médical. Mais, actuellement, certains docteurs et pédiatres savent ça. Il y a même des enfants qui nous sont envoyés par ces pédiatres ou psychiatres. Ailleurs, il y a des pédopsychiatres (psychiatres pour les enfants) mais ici au Burundi, il n’y en a pas.

Ailleurs, ils font le dépistage tout comme ils posent le diagnostic. Et en autisme, il y a des spécialités pluridisciplinaires. Par exemple, il y a les orthophonistes qui viennent pour stimuler le langage des enfants. Donc, il y a plusieurs professionnels qui viennent intervenir dans l’autisme.

Mais, au Burundi, nous n’avons pas été enseignés sur ça. Je ne pense pas que ça soit tous les docteurs qui ont des notions sur l’autisme au point de préciser avec exactitude qu’il s’agit de l’autisme.

Si un enfant autiste est pris en charge, peut-il guérir ?

D’abord, l’autisme n’est pas une maladie. C’est pourquoi on ne peut pas parler de guérison. C’est un trouble neurodéveloppemental. Les personnes autistes perçoivent les choses et le monde d’une façon différente par rapport à une personne dite neurotypique (non autiste).

Votre message aux parents

Le diagnostic précoce est vraiment important. Il permet de bénéficier d’une prise en charge adaptée ainsi que d’améliorer les compétences et le développement en général.

Cela permet aussi aux parents, aux familles et à toute autre personne de pouvoir comprendre que tel ou tel autre enfant est autiste et comment cela fonctionne. Aujourd’hui, il y a des gens qui disent des mots inappropriés à l’endroit des enfants autistes ; qui les considèrent comme des débiles, des possédés, etc. C’est par ignorance.

S’ils sont pris en charge et accompagnés, les enfants autistes sont capables d’apprendre et de comprendre. Ils peuvent réussir comme les autres enfants à l’école et même être les premiers de la classe.

Je souligne que chaque enfant autiste est unique. Pour cela, il a des besoins spécifiques. Tous les enfants autistes ne présentent pas les mêmes signes.

Propos recueillis par Rénovat Ndabashinze

Forum des lecteurs d'Iwacu

1 réaction
  1. Nshimirimana

    C’est ainsi que l’on parle de manière générale de trouble du spectre de l’autisme (TSA), une terminologie qui représente mieux la diversité des formes que peut prendre ce trouble. Et comme les symptômes sont multiples et leur intensité variable, cela fait effectivement que chaque personne dite autiste se situe différemment dans le spectre de l’autisme. Voilà, voilà !

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